Origines de la vie sur Terre : les cinq briques de l’ADN découvertes dans des météorites

Une équipe de scientifiques a analysé en détail le contenu de trois météorites et y a découvert tous les éléments indispensables à la formation de la vie telle que nous la connaissons.

De Margot Hinry
Publication 19 mai 2022, 16:54 CEST
Illustration d'n essaim d’astéroïdes en face de la Voie lactée.

Illustration d'n essaim d’astéroïdes en face de la Voie lactée.

PHOTOGRAPHIE DE dottedhippo

Les résultats de l’étude de l’équipe de scientifiques dirigée par le professeur Yasuhiro Oba, de l’université d’Hokkaido au Japon, révèlent des traces de cytosine et de thymine dans trois météorites carbonées. Cette découverte permet de renforcer la thèse de l’apparition de la vie sur Terre par impact extraterrestre. Dès la fin des années 1960, les astronomes ont détecté les premières traces d’éléments constitutifs de l’ADN et de l’ARN dans plusieurs météorites. Jamais la cytosine et la thymine n’avaient été découvertes, jusqu’à aujourd’hui. La théorie de la panspermie, selon laquelle la vie serait apparue sur Terre grâce à une formation extraterrestre (par le biais de météorites) est à nouveau abordée par cette étude, même si l’ensemble reste hypothétique.

L’ADN est le polynucléotide qui constitue la vie sur Terre, il se compose de quatre types de molécules appelés les nucléotides, d’un groupe phosphate et d’un sucre à cinq carbones, nommé désoxyribose. L’ADN se forme grâce à la cytosine (C), la thymine (T), l’adénine (A) et la guanine (G). Toutes les formes de vie sur Terre, des bactéries aux animaux, en passant par les êtres humains, se composent d’une architecture primordiale commune, l’ADN (ou l’ARN). Cette molécule comporte toute l’information génétique des êtres vivants.

L’objectif de l’étude publiée dans la revue Nature Communications était de « mieux comprendre l'inventaire des molécules organiques dans les météorites carbonées » afin d’établir un lien entre les météorites actuelles et celles tombées avant l’apparition de la vie sur notre planète. « Ceci est basé sur l'hypothèse générale que les météorites sont tombées sur la Terre avec une fréquence beaucoup plus élevée qu'aujourd'hui » affirme Yasuhiro Oba.

D’après l’étude, aucune autre analyse n’avait permis d’observer les nucléotides C et T. Ces dernières n’étaient pas pour autant forcément absentes des météorites analysées, mais avaient été possiblement abîmées par des processus d’études trop aggresifs. « Dans les études précédentes, la cytosine et/ou la thymine ont pu être cassées dans des conditions d'analyse difficiles. De plus, les conditions analytiques peuvent ne pas être suffisantes pour la détection d'infimes quantités de ces nucléobases » affirme le scientifique.

Afin d’observer les molécules organiques à l’intérieur des météorites, l’équipe de scientifiques a utilisé une nouvelle technique d’approche afin d’extraire plus en douceur les différents composés chimiques de la poussière de météorite liquéfiée. Pour ce faire, ils ont utilisé « un spectromètre de masse à ultra-haute résolution, couplé à un chromatographe en phase liquide à haute performance. »

Trois météorites s'étant écrasées à des époques et dans des environs différents ont été analysées. Le célèbre corps céleste de Murchinson s'est écrasé sur le sol australien en 1969. Cet astre a depuis fait l’objet de nombreuses recherches, menant à des traces de molécules d’uracile et de xanthine, des éléments présents dans l’ARN, très proche chimiquement de l’ADN. La météorite de Murray, écrasée en 1950 dans le Kentucky a également été l’objet d’étude des chercheurs, ainsi que celle du lac Tagish ramassée en 2000 en Colombie-Britannique.

« Si elles se sont formées dans le milieu interstellaire, ou au moins en partie comme nous le pensons, leur formation est antérieure à la formation du système solaire, il y a plus de 4,6 milliards d'années » précise Yasuhiro Oba à National Geographic. Comme l’indique l’étude « certains de ces dérivés pourraient avoir été générés par des réactions photochimiques prévalant dans le milieu interstellaire et incorporés ultérieurement dans les astéroïdes lors de la formation du système solaire. Cette étude démontre qu'une diversité de nucléobases météoritiques pourraient servir de blocs de construction de l'ADN et de l'ARN sur la Terre primitive ».

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PHOTOGRAPHIE DE NASA, Goddard, Université De L'arizona

L’apparition de la vie sur Terre est un questionnement de longue date au sein de la communauté scientifique. Le professeur Oba aborde les différentes options possibles en précisant que cette étude n'est pas la preuve irréfutable de la théorie de la panspermie. « Nous pensons qu'il existe de multiples voies vers la formation de nucléobases dans les météorites. Parmi les candidats possibles, les réactions photochimiques dans le milieu interstellaire à très basses températures pourraient contribuer à l'inventaire météoritique. »

Toutefois, bien que les scientifiques aient révélé les premières traces des nucléotides manquantes de l’ADN, le professeur Oba insiste toujours sur l’aspect hypothétique des résultats de l’étude. « Il n'est pas facile de dire quoi que ce soit sur la relation entre la présente découverte et les premiers êtres humains sur la planète. Nous avons juste fourni une information sur l'inventaire des molécules organiques présentes sur la Terre avant la naissance de la première vie. Ces molécules météoritiques ont pu être utilisées pour la première vie, mais pas forcément » conclut le scientifique en charge de l’étude.

Pour lever le doute et définitivement apporter une réponse aux différentes théories de l’apparition de la vie sur Terre, les chercheurs étudient désormais des échantillons provenant directement de l’espace, comme l’expliquent nos confrères de Trust My Science. L’équipe scientifique applique désormais sa méthode d’analyse aux échantillons de l’astéroïde Ryugu, rapportés sur Terre en décembre 2020 dans le cadre de la mission Hayabusa 2. Le retour des échantillons de l’astéroïde Bénou, dans le cadre de la mission OSIRIS-Rex, est quant à lui prévu pour septembre 2023.

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