Perseverance : un an après son arrivée sur Mars, le robot de la NASA relève tous les défis
De tous les défis relevés par Perseverance au cours de sa première année sur la planète rouge, aucun ne saurait égaler celui qui reste à venir : le retour sur Terre des échantillons martiens.
Le rover Perseverance de la NASA a pris ce selfie avec une pierre surnommée Rochette, le 10 septembre 2021, juste après avoir prélevé deux échantillons de la taille d'une craie, les tout premiers recueillis par le rover.
Suspendu à un panneau en bois taillé à la main, un ensemble de tubes blancs trône sur le mur du Jet Propulsion Laboratory de la NASA, en Californie. Chacun de ces tubes possède un jumeau en titane distant de plusieurs centaines de millions de kilomètres, rempli de poussière ou d'air prélevé sur la planète Mars et précieusement conservé dans le ventre d'un robot-géologue.
Cela fait un an que le rover Perseverance, alias « Percy », a posé ses roues sur la planète rouge et il a depuis parcouru plus de trois kilomètres à travers un cratère martien. En chemin, il a pris des milliers de photos, analysé la composition chimique de multiples roches et testé de nouvelles technologies, parmi lesquelles une machine capable de scinder le dioxyde de carbone pour en faire de l'oxygène respirable.
Cette année, Perseverance a parcouru plus de trois kilomètres à travers le cratère Jezero sur Mars, où d'anciens fleuves ont façonné sur leur passage ce delta en forme d'éventail, capturé par la High Resolution Stereo Camera (HRSC) qui équipe l'orbiteur Mars Express de l'Agence spatiale européenne.
Le rover est suspendu à son étage de descente à l'approche de la surface martienne.
En dehors de ces activités, le rover a également progressé vers l'un des exploits les plus ambitieux jamais envisagés sur le plan technologique : constituer une précieuse collection de roches en vue d'un futur retour sur Terre.
Des milliards d'années en arrière, Mars avait probablement une atmosphère plus épaisse, ce qui devait se traduire par des températures plus douces, un environnement plus humide et potentiellement plus hospitalier pour la vie telle que nous la connaissons, que la planète couleur rouille que nous observons de nos jours. Les scientifiques sont parvenus à rassembler des fragments de ce passé luxuriant grâce aux rovers qui étudient les roches en surface et aux sondes qui scrutent la planète depuis l'espace. D'autres indices leur ont été apportés par les roches martiennes tombées sur Terre sous forme de météorites, mais leur descente enflammée à travers notre atmosphère limite leur utilité.
Désormais, les scientifiques peuvent profiter des yeux mécaniques de Percy pour sélectionner les roches ou le sol dignes d'être recueillis dans ses tubes à essai en vue d'un rapatriement sur Terre lors d'une future mission. Ce programme, baptisé Mars Sample Return, permettra aux scientifiques d'étudier l'environnement passé et présent de la planète rouge dans un niveau de détail sans précédent avec le potentiel de nous révéler si la vie a un jour colonisé ce monde poussiéreux.
Les scientifiques rêvent d'une mission de retour d'échantillons martiens depuis au moins les années 1960, période à laquelle la sonde Mariner nous a offert les premières images de la planète rouge.(À lire : Mars : ce que des décennies d'exploration nous ont appris)
Cette image s'inscrit dans un panorama à 360° capturé par la Mastcam-Z de Perseverance, un duo de caméras avec zoom que le rover utilise comme ses yeux. Le panorama a été reconstitué sur Terre à partir de 142 images individuelles capturées par Percy lors de sa troisième journée sur Mars.
« Maintenant, on y travaille vraiment, » déclarait Ian Clark, ingénieur système du Jet Propulsion Laboratory, avant la première tentative de prélèvement l'année dernière.
Perseverance s'est heurté à quelques obstacles, mais avec six carottes prélevées à ce jour, l'équipe se rapproche progressivement du jour où une main gantée viendra se poser sur un échantillon de roche martienne immaculée. « Cette mission pourrait être le fer de lance de la science fondamentale pour un certain temps, » indique Clark. « Voilà qui est terriblement passionnant. »
EXTASE ET AGONIE
La première tentative de prélèvement était à la fois le pire et le meilleur moment de la mission de Perseverance à ce jour pour Avi Okon, ingénieur système adjoint pour le dispositif d'échantillonnage et de stockage du rover. Tôt le matin du 6 août 2021, le premier lot de données transmis par Perseverance suggérait que le rover venait de prélever son premier échantillon sur le sol du cratère Jezero, un bassin d'impact de 49 km de diamètre dans lequel se situait probablement un lac autrefois.
Sur cette photo prise depuis le site baptisé Van Zyl Overlook, on distingue les traces laissées par Perseverance sur le sol martien. Le rover est resté 13 jours à cet endroit pendant les premiers vols de l'hélicoptère Ingenuity.
« Tout semblait s'être passé comme prévu, » témoigne Okon. Il se souvient de la joie qui l'avait envahi face à la concrétisation des années de travail acharné fournies par son équipe. Mais le lot de données suivant a rapidement transformé le sentiment d'allégresse en désarroi : le tube ne contenait pas la moindre trace de roche.
Après plusieurs journées passées à tenter de résoudre le problème, l'équipe a réalisé que l'échantillon était fragile et s'était simplement désagrégé lors du forage. Ce contretemps frustrant a rappelé à l'équipe à quel point il est difficile de travailler à distance sur Mars.
Quelques mois plus tard, les chercheurs ont reçu un nouveau rappel. Le 29 décembre, des cailloux sont venus se loger dans le porte-foret du rover et sous son plateau rotatif, précipitant l'équipe de scientifiques dans un véritable « purgatoire des cailloux », pour reprendre l'expression employée par Okon.
Malgré tout, les ingénieurs de la NASA se sont montrés à la hauteur des défis lancés par la planète rouge, car ils avaient préalablement équipé le rover de divers stratagèmes pour leur éviter la catastrophe. Dans le cas qui nous intéresse, le dispositif d'échantillonnage de Percy a été conçu avec des orifices et des fenêtres pour permettre l'évacuation des éventuels débris. En faisant vrombir la foreuse à percussion du rover sur un chemin incliné, les chercheurs ont pu compter sur les secousses pour se débarrasser des cailloux.
Ingenuity a pris cette photo de son ombre lors de son troisième vol à l'aide de sa caméra en noir et blanc.
« C'est le côté visionnaire de la conception du rover, » déclare Okon. « Il nous donne les moyens d'être robustes. »
Au total, l'équipe a donc recueilli six échantillons des roches martiennes, sans oublier l'échantillon d'atmosphère issu de la première tentative. Le rover a également capturé de l'air dans un tube prérempli de matériaux sur Terre pour de futurs tests de contamination.
Ces échantillons et d'autres données recueillies pendant la première année de Perseverance sur la planète rouge ont déjà révélé les propriétés géologiques aussi complexes que surprenantes du cratère Jezero, fruit de l'impact d'un astéroïde et de l'action de l'eau, du vent et de lave.
Les deux premières carottes de roche proviennent d'une pierre nommée Rochette, une roche volcanique de type basaltique d'après les premières analyses. Les chercheurs ont identifié des sels dans ses cavités, probablement déposés par l'évaporation de petites poches d'eau martienne prises au piège de la roche il y a bien longtemps.
Les deux échantillons de roche suivants ont été prélevés dans une région sablonneuse connue sous le nom de Séítah. En forant les strates rocheuses, les scientifiques ont découvert avec surprise des minéraux suggérant une formation dans une chambre magmatique en refroidissement ou une épaisse coulée de lave. L'eau s'est ensuite écoulée sur ces roches, c'est pourquoi à leur retour sur Terre elles pourraient offrir une fenêtre riche en détail sur l'histoire aquatique de Mars. Après sa mésaventure avec les cailloux, le rover est allé subtiliser deux échantillons sur un affleurement baptisé Issole.
Perseverance s'arrête pour regarder ses traces et savourer l'instant après avoir établi le record du plus long trajet autonome : 109 mètres.
Le rover doit encore avaler de nombreux kilomètres. À l'aube de sa deuxième année de mission, Percy se dirige vers un delta en forme d'éventail et ses rivages où devraient se trouver les sites les plus prometteurs pour la recherche d'une forme de vie passée. L'itinéraire du rover après ce delta n'a pas encore été déterminé, mais le prélèvement d'échantillons de roche et de sol à travers le cratère Jezero et au-delà peut aider les scientifiques à reconstituer l'histoire dynamique de la planète rouge.
SPACE JAM
De tous les défis relevés par Perseverance au cours de sa première année sur la planète rouge, aucun ne saurait égaler celui qui reste à venir : le retour des échantillons sur Terre.
Perseverance nous montre sa première carotte de roche martienne à l'intérieur du tube de prélèvement en titane.
On distingue les deux orifices forés dans la première roche échantillonnée, Rochette. L'orifice de gauche est appelé Montagnac (foré le 7 septembre) et celui de droite Montdenier (foré le 1er septembre). Grâce à une collaboration entre la NASA et l'Agence spatiale européenne, de futures missions enverront des sondes récupérer les échantillons à la surface de Mars pour les rapporter sur Terre.
Le programme de retour des échantillons reposera sur plusieurs sondes spatiales et sera le fruit d'une collaboration entre la NASA et l'Agence spatiale européenne (ESA). Les prochaines phases du programme pourraient voir le jour dès 2026. Un atterrisseur déposera sur Mars un petit rover dont la mission sera de retrouver les échantillons disséminés par Percy à la surface de la planète.
Le rover-pisteur chargera ensuite les tubes dans une capsule de la taille d'une balle de basket lancée en orbite autour de Mars à bord d'une petite fusée, le Mars Ascent Vehicle, dont la construction sera confiée à la société américaine Lockheed Martin Space Systems dans le Colorado, comme l'a récemment annoncé la NASA.
Un autre engin, celui-ci conçu par l'ESA, ira se placer en orbite autour de Mars pour « intercepter la balle de basket » et la rapporter sur Terre, explique Richard Cook, responsable du projet Mars Sample Return pour le Jet Propulsion Laboratory.
Ce qui rend ces échantillons aussi fascinants est également l'un des premiers facteurs de difficulté pour la mission : la présence potentielle de vie. Même si les chances sont minces, il est possible que des microbes parviennent encore à tirer leur épingle du jeu dans l'environnement actuel sur Mars… et cette éventualité n'est pas sans risque pour la vie sur Terre.
La sonde chargée d'attraper le conteneur en orbite autour de Mars l'enveloppera dans une série de capsules protectrices, à la manière des poupées russes, illustre Cook. Les échantillons seront ensuite envoyés sur Terre où ils iront s'écraser dans le désert de l'Utah, en 2031 au plus tôt. L'équipe du projet de retour des échantillons finalise actuellement les plans de conception afin que la construction de la sonde puisse débuter dans les prochaines années.
Alors que Perseverance vient d'achever sa première année sur Mars, le rover Curiosity approche des dix années au service de la NASA dans l'exploration de la planète rouge. Cette vision d'artiste rassemble deux panoramas capturés par la caméra de navigation en noir et blanc de Curiosity, avec un ajout de bleu, de vert et d'orange. Au centre de l'image se dressent les versants du mont Sharp que Curiosity patrouille depuis 2014.
Pendant ce temps, Percy file à toute allure sur notre voisine cosmique. Le 4 février, le rover a établi le record de la plus longue distance jamais parcourue sur la surface martienne en un seul jour : 245,76 mètres.
L'acolyte de Perseverance, l'hélicoptère Ingenuity, permet quant à lui aux scientifiques de couvrir davantage de terrain. Auteur l'année dernière du tout premier vol motorisé sur une autre planète, le petit aéronef est capable de scruter l'horizon accidenté de la surface martienne pour aider Percy à choisir l'itinéraire le moins dangereux… et le plus intéressant.
Chaque échantillon recueilli par le rover apporte son lot de joie. « Ça nous donne du courage, » déclare Cook. « Il faut continuer, il faut aller les chercher. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.