Quelle serait votre réaction si vous rencontriez des aliens ?

Vraisemblablement, ce ne serait pas celle que vous imaginiez...

De Nadia Drake
Publication 4 sept. 2024, 09:53 CEST

Nous sommes tous familiers à ces scènes de chaos et d'hystérie qui suivent la détection de vies extraterrestres, où des immeubles s'effondrent, des flammes font rage, des émeutes éclatent et des sociétés entières sont anéanties. Si les Terriens réagissent ainsi à la découverte d'une potentielle vie extraterrestre, pourquoi prendre le risque de la chercher ?

En réalité, il se pourrait que ce ne soit pas si catastrophique que cela. Selon les résultats d'une étude présentés en 2018 lors du congrès annuel de l'American Association for the Advancement of Science à Austin, au Texas, les « humains réagiraient plutôt bien » à la découverte de signes extraterrestres.

« Bien évidemment, il y a tout à parier que nous ne sauterions pas au plafond si une armada hostile se présentait à proximité de Jupiter », a reconnu Michael Varnum de l'université d'État de l'Arizona, auteur de l'étude, lors d'une conférence de presse qui s'est tenue dans le cadre du congrès de l'AAAS.

À partir de multiples gros titres et de réponses à des sondages, Michael Varnum et ses collègues ont découvert que nos réactions face aux signes de vie extraterrestre, qu'ils soient hypothétiques ou qu'il s'agisse de l'annonce invalidée de fossiles microbiens originaires de Mars, sont en général plutôt positives.

« Pour être honnête, j'ignorais totalement ce que nous pourrions découvrir », raconte le chercheur à National Geographic. « Il convient de noter qu'au cinéma, la découverte de la vie extraterrestre est représentée comme ayant de lourdes conséquences sociétales ou psychologiques négatives. »

Comprendre : la Terre

Toutefois, d'autres chercheurs doutent que les résultats publiés dans Frontiers in Psychology ne reflètent la réalité, en raison de l'accent mis uniquement sur la vie microbienne ainsi que d'un échantillon de sondés non représentatif.

« Selon moi, le fait qu'une (petite) majorité de personnes soient favorables à l'idée de microbes sur Mars, ou ailleurs dans l'univers, n'est guère surprenante », tempère Seth Shostak de l'institut SETI. « Ces bonshommes gris sont très différents de nous. Les études vraiment pertinentes sont celles qui tentent d'évaluer la réaction engendrée par la détection d'intelligences extraterrestres voire, plus spectaculaire encore, par la découverte d'outils extraterrestres. »

 

EXPLOSION DE JOIE OU ÉMEUTES ?

Michael Varnum et ses collègues ont tout d'abord analysé de nombreux articles d'actualité en lien avec le sujet au moyen d'un programme linguistique. L'objectif : déterminer si les termes employés dans ces textes évoquaient des émotions plutôt positives (p. ex. « heureux », « gentil », « bien ») ou négatives (p. ex. « inquiet », « nerveux », « contrarié »).

Les reportages choisis par l'équipe de chercheurs traitaient la découverte de pulsars en 1967 (de mystérieuses étoiles mortes prises pour des signaux extraterrestres intelligents) ; le célèbre signal « Wow ! » détecté par des chercheurs de l'Institut SETI en 1977 ; la découverte en 1996 de microbes fossilisés sur la météorite martienne ALH 84001 ; l'étrange comportement de l'étoile de Tabby, résultat supposé de mégastructures extraterrestres en orbite (dont nous savons aujourd'hui qu'il ne s'agit que de poussière) ; la découverte en 2017 de plusieurs exoplanètes de la taille de la Terre au sein de la zone habitable d'une étoile.

D'après les résultats de l'équipe de recherche, les termes employés étaient davantage positifs que négatifs, qu'il s'agisse de vie extraterrestre microbienne ou technologique. D'autres travaux ont également été présentés lors du congrès de l'AAAS, à savoir l'analyse d'articles assimilant l'astéroïde interstellaire « Oumuamua » à un vaisseau spatial extraterrestre. Les conclusions furent identiques.

L'équipe a ensuite demandé aux utilisateurs d'Amazon Mechanical Turk de prédire leurs propres réactions face à la découverte d'une vie extraterrestre microbienne, puis d'estimer si celle-ci correspondait, selon eux, à celle de l'humanité. Plus de 500 personnes interrogées ont fait part de leurs réactions hypothétiques, lesquelles ont été analysées de la même manière que les articles.

« Ce type de découverte me fascinerait. J'essaierais de trouver toutes les informations que je cherche à ce sujet sur Internet. Je ne m'arrêterais pas jusqu'à ce que je vois des photos de cette vie extraterrestre. Puis je m'en désintéresserais probablement », a écrit l'une des personnes sondées.

À l'instar des résultats précédents, les participants à l'enquête ont employé davantage de mots évoquant des émotions positives, si bien pour eux que pour l'ensemble de l'humanité.

Pour finir, l'équipe a demandé à 500 autres utilisateurs d'Amazon Mechanical Turk de lire deux articles du New York Times, puis d'écrire leurs réactions. Un groupe a lu un article annonçant la découverte (invalidée depuis) en 1996 de microbes martiens fossilisés sur une météorite trouvée en Antarctique, tandis qu'un autre a lu un reportage datant de 2010 sur la création de formes de vie synthétiques sur Terre. Leurs réponses ont été catégorisées selon la même méthode (mots positifs vs. mots négatifs) et, à l'image des résultats obtenus précédemment, elles se sont révélées plus positives que négatives, en particulier pour les microbes extraterrestres.

Une fois de plus, ces résultats ne surprennent pas particulièrement Seth Shostak. Il rappelle que des martiens semblaient avoir été découverts en 1996, le temps de quelques jours mouvementés.

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    PHOTOGRAPHIE DE Michael Norcia, New York Post Archives, NYP Holdings, Getty Images

    « Aucune émeute n'a éclaté dans la rue, bien que ces extraterrestres se trouvent à seulement 56 300 000 kilomètres du centre-ville de Peoria », raconte-t-il. « Abstraction faite de l'ouvrage Andromeda Strain, je pense que les extraterrestres microscopiques ne constituent, aux yeux de la majorité des gens, ni une menace ni un atout. »

    Ce qui est particulièrement vrai lorsque ces microbes sont morts depuis longtemps.

    Selon Michael Varnum et ses collègues, les réactions aux extraterrestres technologiques sont susceptibles d'être tout aussi positives. D'après Doug Vakoch, psychologue qui travaille à l'élaboration de communiqués interstellaires dans le cadre du projet Messaging Extraterrestrial Intelligence (METI), ces travaux interviennent à un moment important de la recherche en exobiologie.

    « Chaque mois qui passe s'accompagne de la découverte d'exoplanètes en orbite autour d'autres étoiles, dont une grande partie sont potentiellement habitables. Ces annonces quasi quotidiennes ont rendu plausible l'existence d'une vie à travers l'univers », explique-t-il. « Pour de nombreuses personnes, apprendre la découverte de la vie sur Mars ne serait en rien une grande révélation. »

     

    LES LIMITES DE L'ÉTUDE

    La généralisation des résultats de cette étude est source de scepticisme. D'une part, il y a un monde entre reconnaître la présence de microbes inoffensifs sur une autre planète et être confronté à une espèce extraterrestre avancée et équipée de moyens technologiques, affirment Doug Vakoch et d'autres confrères. Transposer un scénario à l'autre n'est pas nécessairement pertinent ou exact.

    D'autre part, nos réactions face à l'existence d'extraterrestres vivants, qu'il s'agisse de microbes ou non, risquent de différer de notre attitude envers les fossiles, scénario analysé par les auteurs dans le cadre de l'article sur la météorite martienne.

    En outre, l'anthropologue Kathryn Denning de l'université York craint que les utilisateurs d'Amazon Mechanical Turk (qui, selon l'étude, sont pour la majorité des Américains blancs diplômés) ne soient absolument pas représentatifs de l'ensemble de l'humanité.

    « Généraliser et attribuer la réaction de cet échantillon précis à celle d'une partie plus large de l'humanité pose vraiment problème », affirme-t-elle. « Autre limite de l'étude : les Américains interrogés partaient probablement du postulat que ces découvertes avaient été réalisées par des entités américaines. Il ne fait pas de doute que ce scénario serait plus complexe en dehors de nos frontières. »

    (Pour cette raison précise, les auteurs espèrent reproduire ces études au sein d'autres cultures. Doug Vakoch signale qu'il existe d'ores et déjà quelques études sur les différences de comportements entre Chinois et Américains à l'égard d'un premier contact extraterrestre.)

    L'anthropologue émet également quelques réserves quant à la catégorisation des termes employés dans les articles en deux groupes, « positif » ou « négatif », et à l'attribution à ces résultats d'une prétendue complexité.

    « Les informations essentielles se cachent généralement dans les nuances, non pas dans la moyenne générale », explique-t-elle.

    Dans le cas de la détection d'une vie extraterrestre, l'influence qu'a le traitement de l'actualité sur l'opinion sera bien plus complexe que la lecture d'un article par une personne et le partage de sa réaction. Les conversations, réseaux sociaux, articles contradictoires sont « d'une importance capitale et indiquent la nécessité de mener davantage de recherches sur les enjeux post-détection, des recherches qui tiennent compte de l'évolution de l'information. Ce sont des choses difficiles à étudier », poursuit l'anthropologue.

    Afin d'aborder ces questions, Doug Vakoch se réfère aux travaux de Ted Peters, un théologien qui a étudié l'impact qu'aurait la découverte de la vie extraterrestre sur les croyances religieuses. D'après ses recherches, les personnes convaincues de leurs croyances seraient prêtes à accueillir l'existence d'extraterrestres. En d'autres termes, même un sujet aussi épineux a priori contraire à la science, tel que la religion, peut survivre à une attaque extraterrestre, explique Doug Vakoch.

    « Les gens sauront accueillir des découvertes scientifiques révolutionnaires sans que leur vision du monde ne s'effondre », conclut-il.

    Auquel cas les conclusions de cette étude n'auraient pas une portée considérable, en fin de compte.

    Victoria Jaggard a contribué à ce reportage depuis Austin. Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise en 2018. Il a été mis à jour.

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