Si les extraterrestres existent, ils pourraient nous observer depuis ces exoplanètes
Si nous partageons la galaxie avec des formes de vie extraterrestres, elles ne pourraient observer la Terre que depuis certains systèmes. Une étude les a listés pour permettre aux scientifiques d’ajuster leurs recherches sur la vie extraterrestre.
Kepler-186f a été la première exoplanète rocheuse à avoir été découverte dans une zone habitable. On parle de zone habitable lorsque la température autour de l’étoile hôte est idéale pour la formation d’eau liquide en surface. Si une forme de vie intelligente existe et prospère sur des planètes comme Kepler-186f, peut-être qu’elle aurait découvert notre propre planète à l’aide de moyens similaires.
Les astronomes ont pu découvrir des milliers de mondes extraterrestres quand ceux-ci occultaient brièvement la lumière en passant devant la face de leur étoile hôte. Il s’agit d’une simple conséquence de la géométrie céleste. Ces dernières années, grâce à l’observation de ces transits, il a été possible de découvrir que le nombre de planètes dans la Voie lactée était supérieur au nombre d’étoiles. Notre galaxie est remplie de mondes sur lesquels les conditions seraient idéales pour que la vie prospère.
Désormais, les astronomes se penchent sur l’autre partie de l’équation.
« Quelles étoiles pourraient nous voir comme des extraterrestres, comme la planète en transit qui occulte la lumière de son étoile ? » se demande Lisa Kaltenegger, de l’université de Cornell. Elle a mené une étude publiée le 23 juin 2021 dans la revue Nature afin de tenter de répondre à cette question.
La plupart des planètes au-delà du système solaire ont été détectées lorsqu’elles passaient devant leurs étoiles. Bien que la méthode du transit ait fourni des résultats prodigieux, elle ne peut pas permettre la détection des planètes qui ne passent devant leurs étoiles en dehors du point de vue de la Terre. De même, les observateurs extraterrestres doivent se trouver dans la bonne position afin de repérer la Terre masquer périodiquement une portion de la lumière solaire. En outre, ce paramètre risque de varier si les étoiles changent de position relative.
« Le cosmos est dynamique donc ce point de vue est susceptible de changer dans le temps. Et je voulais savoir de combien de temps nous disposions pour détecter une planète », explique Mme Kaltenegger.
Pour son étude, Mme Kaltenegger a reçu l’aide de Jackie Faherty, chercheuse principale au musée américain d’histoire naturelle à New York. Elle a pu calculer que tout extraterrestre en orbite autour de 2 034 étoiles suffisamment proches pourrait observer la Terre passer devant la surface du Soleil sur une période de 10 000 ans, se prolongeant de 5 000 ans dans le passé ou dans le futur.
L’équipe a également calculé qu’environ vingt-neuf planètes potentiellement habitables étaient dans le bon axe pour voir la Terre en transit. De plus, elles sont assez proches pour détecter les transmissions radio émises par les Hommes. Ce genre d’étude permet de lister les étoiles à cibler dans le cadre de nos propres recherches sur la vie extraterrestre, des projets regroupés sous le nom de SETI pour l’anglais Search for Extra-Terrestrial Intelligence.
« Ces étoiles nouvellement identifiées devraient être les principales cibles de nos recherches extraterrestres puisqu’elles pourraient être des sources de messages interstellaires qui nous seraient adressés intentionnellement », suggère René Heller, de l’institut Max-Planck de recherche sur le système solaire, dans un e-mail. Si des observateurs venus d’ailleurs sont conscients de notre présence, ils pourraient « nous envoyer leurs salutations ».
UN ENSEMBLE D’ÉTOILES EN CONSTANTE AGITATION
Afin d’identifier les étoiles disposant d’une vue sur la Terre en transit devant le Soleil, les deux chercheuses ont passé en revue les données de la mission spatiale Gaia de l’Agence spatiale européenne. Elle suit de près les mouvements de plus d’un milliard d’étoiles.
Tous les mondes qui pourraient observer la Terre sont en orbite autour d’étoiles en alignement précis avec le plan de notre propre orbite autour du Soleil. Il s’agit d’une trajectoire connue sous le nom de plan écliptique mais dans cette étude elle a été nommée zone de transit de la Terre. Si un astre se situe un peu au-dessus ou en dessous du plan écliptique, la Terre n’apparaît pas dans son champ de vision. L’équipe a identifié mille-quatre-cent-deux étoiles se situant actuellement dans le plan écliptique et dans un périmètre de 300 années-lumière de la Terre. Elles ont ensuite analysé l’état du ciel dans le futur et dans le passé, afin d’étudier les changements des étoiles dans le temps. Elles ont ainsi pu recenser celles qui se positionnaient par chance dans la zone de transit de la Terre.
Bien que les étoiles de notre ciel ne semblent pas énormément se déplacer, elles sont en mouvement constant les unes par rapport aux autres. Par exemple, dans 2 000 ans, Alpha Ursae Minoris ne sera plus considérée comme l’étoile Polaire. Rappelons qu’elle ne l’était pas non plus lorsque les Égyptiens, les Babyloniens et les Chinois ont cartographié le ciel il y a des milliers d’années.
C’est la raison pour laquelle tenir compte de ce paramètre temporel « est crucial pour envisager la Terre comme une planète en transit au vu des vastes distances impliquées », souligne M. Heller, qui a effectué un calcul similaire. « Il faut considérer l’apparence du ciel comme s’il s’agissait d’un film et non d’une image. »
Au cours des 5 000 dernières années, l’équipe a calculé que 313 étoiles supplémentaires auraient pu remarquer le passage de la Terre devant la face du Soleil. Pour les 5 000 prochaines années, 319 autres profiteront du même spectacle.
« Il était intéressant de déterminer combien de temps les [astres] restaient à cette place, aux premières loges du cosmos », déclare Mme Kaltenegger. La plupart des étoiles disposent d’au moins 1 000 ans pour détecter la Terre. « Et nombre d’entre elles ont plus de 10 000 ans », précise-t-elle. « Donc c’est plutôt long. »
Il a été démontré que des exoplanètes orbitaient autour de sept de ces étoiles. Certaines seraient même rocheuses. Grâce à nos connaissances sur la fréquence des planètes rocheuses, Mme Kaltenegger et Mme Faherty estiment qu’il existe au moins 508 mondes habitables dans leur échantillon, dont 29 assez proches de la Terre pour détecter les transmissions radio de notre planète.
Depuis un siècle environ, nous émettons des signaux radio dans l’espace. Certains, comme les émissions de nos télévisions, sont trop faibles pour être facilement discernables sur des distances cosmiques. Néanmoins, d’autres, notamment ceux émis par de puissants instruments radar, sont suffisamment intenses pour être détectables sans difficulté.
Aujourd’hui, nos transmissions radio les plus puissantes sont envoyées grâce à des radars planétaires. Ils sont utilisés par les astronomes pour étudier les objets du système solaire, comme les astéroïdes, en faisant résonner des ondes radio sur eux. Avant son effondrement en décembre, le radiotélescope d’Arecibo était le radar planétaire le plus puissant de la planète. Les signaux qu’il émettait, qui visaient principalement les objets situés dans le plan écliptique, atteignaient tous les mondes extraterrestres dans son champ de vision.
« Si [un astre] se trouve dans la zone de transit de la Terre, [il] recevra sûrement de fortes salves d’émissions radio puisque nous étudions notre propre système solaire et que tout se situe dans le même plan », explique Sofia Sheikh, du SETI Research Center de l’université de Californie à Berkeley. Elle aussi a mené des recherches sur la vie extraterrestre sur un regroupement d’étoiles similaires. « Ainsi, les étoiles qui seront capables de nous voir en transit vont très probablement capter les émissions de l’astronomie radar par hasard. »
Munis des bons instruments, les observateurs extraterrestres situés dans la zone de transit de la Terre pourraient même avoir observé les humains dégrader petit à petit la composition atmosphérique terrestre. C'est un exemple de technosignature, à savoir un signe qui indique qu’une technologie artificielle affecte la composition naturelle des gaz qui enveloppent une planète.
UN DÉCALAGE TEMPOREL
Pourtant, comme le soulignent Mme Kaltenegger et Mme Faherty, certains des mondes extraterrestres que nous pensons propices au développement de la vie ne peuvent pas encore voir la Terre en transit, même si nous, nous pouvons les observer. C’est un peu comme regarder à travers un miroir cosmique sans tain.
Quatre des sept planètes de la taille de la Terre en orbite autour d’une étoile appelée TRAPPIST-1 sont dans cette situation. La Terre va disparaître de leur champ de vision pendant 1 642 années. Deux astres de la masse de la Terre en orbite autour de l’étoile de Teegarden, située à 12 années-lumière, ne nous verront pas avant 2050. Ross 128, une étoile qui héberge une planète de masse terrestre située à environ 11 années-lumière, pourrait avoir observé les transits de la Terre pendant 2 158 ans. Il y a 900 ans, au cours Moyen Âge classique, nous avons disparu de son champ de vision.
« Il se pourrait que certains des observateurs hypothétiques en orbite autour des étoiles proches du plan écliptique ne puissent pas voir la Terre aujourd’hui. Mais ils auraient pu l’avoir découverte sous la forme d’une planète regorgeant de vie il y a des milliers d’années. Ou alors ils ne découvriront nos transits que dans des centaines d’années », écrit M. Heller.
Quelqu’un sur la planète de Ross 128 aurait-il découvert une Terre habitée il y a près de mille ans ? Aurait-il raté l’occasion de repérer les signes d’une biosphère en évolution sur ce point bleu pâle ? À quoi ressemblera la vie sur Terre lorsque les mondes orbitant autour de TRAPPIST-1 auront la possibilité de repérer notre planète ?
« Nous devons penser au-delà des termes “ici” et “maintenant” », soutient Mme Sheikh. « Notre recherche sera vraiment limitée si nous ne recherchons que des mondes au même stade d’évolution. Qu’il s’agisse de biologie ou de technologie, je pense qu’il est crucial que nous pensions au futur et au passé lointains. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.