Y aurait-il de l'eau de fonte sur Mars ?
Un processus récemment découvert permettrait d'expliquer comment l'eau façonne les ravines saisonnières sur les pentes arides de Mars.
Au cours des cinq dernières années, les scientifiques ont scruté avec excitation la surface de Mars, envoûtés par des ravines apparemment sculptées dans le paysage par des écoulements d’eau salée.
Mais une nouvelle étude démontre que ces formations, et d’autres similaires, pourraient être le résultat d’un processus inconnu sur Terre : de l’eau de fonte en ébullition précipitant de la terre dans tous les sens, comme du popcorn.
Ce processus géologique inattendu, décrit le 2 mai 2016 dans la revue Nature Geoscience, a été recréé en laboratoire lors de la simulation d’une journée martienne. Cette découverte permettrait d’expliquer les lignes de pente récurrentes sur Mars, ces mystérieuses ravines qui posent tant de questions aux planétologues depuis leur découverte en 2011.
Les couleurs sombres des ravines, leur croissance progressive, ainsi que les dépôts salins qui remplissent leur sol laissent penser qu’une eau saumâtre s’écoule actuellement sur Mars, fournissant potentiellement un habitat naturel ardu à une forme de vie martienne.
Cependant, le processus exact de formation de ces ravines reste un mystère, en grande partie parce que la surface de la planète est particulièrement hostile à l’eau liquide. L’atmosphère de Mars est d’une sécheresse extrême et l’air y est plus de 50 fois plus mince qu’au sommet du Mont Everest.
Dans ces conditions, l’eau entre en ébullition dès la très basse température de 0 °C, d’après la directrice de l’étude, Marion Massé de l’université de Nantes.
« Sur Mars, nous n’avons pas de caméras vidéos surveillant ces particularités. Ce serait génial de pouvoir le faire », ajoute la co-auteur de l’étude, Susan Conway de l’université de Nantes. « Nous ne savons pas ce qu'il se passe à court terme. Comment se forment-elles ? Comment grossissent-elles ? »
SOUS PRESSION ?
Afin de tester comment les ravines peuvent se former à partir de gouttes d’eau s’écoulant le long d’une pente martienne, Massé, Conway et leurs collègues ont reconstitué des collines dans la Large Mars Chamber de l’Open University au Royaume-Uni. Cette pièce est un caisson de dépressurisation en acier similaire à ceux utilisés par les plongeurs sous-marins.
À une pression atmosphérique terrestre et une température avoisinant les 68 °F (20 °C), l’eau de fonte d’un glaçon s’est écoulée petit à petit le long d’une rampe recouverte d’une fine couche de sol sablonneux, colorant le sable sans le déplacer.
En revanche, lorsque l’équipe a reproduit l’expérience à une pression atmosphérique martienne, quelque chose d’inattendu s’est produit : l’eau a fondu, s’est infiltrée dans le sol, et a commencé à bouillir, éjectant du sable sur la pente, lequel a formé un petit tas devant la zone délimitée par l’eau.
Alors que l’ébullition continuait, le tas, devenu instable, a fini par s’ébouler, formant ainsi une petite arête. L’eau a continué à s’écouler au-delà de l’arête, créant des tas et des crêtes supplémentaires. Ce processus a fini par former des chaînes de crêtes complexes d’une longueur d’environ 30 centimètres fortement semblables aux lignes de pente.
Alors que les chercheurs savaient que l’eau entrerait en ébullition dans des conditions atmosphériques martiennes, son effet sur le mouvement du sable les a pris complètement par surprise. « On ne s’y attendait pas », déclare Conway. « On était tous rassemblés autour des chambres, en s’exclamant ‘Wouah, c’est trop cool ! Espérons que ce n’est pas qu’un coup de chance.’ »
QU'EST-CE QU'ON ATTEND ?
Massé et Conway soutiennent que le processus qui vient d’être découvert, qui fonctionne également avec de l’eau salée, suggère que même une faible quantité d’eau peut déplacer de grandes quantités de sable. Cela renforce l’hypothèse selon laquelle l’eau liquide sculpte les lignes de pente récurrentes, quoique pas tout à fait telle qu’imaginée à l’origine.
Les experts extérieurs sont eux plus prudents, en grande partie parce que l’expérience a été simplifiée par sa conceptualisation. Jennifer Hanley de l’observatoire Lowell, experte du comportement de la glace sur les autres planètes, remarque que l’expérience a été conduite uniquement aux températures idéales de l’été martien. Cependant, les lignes de pente récurrentes se forment également pendant le printemps martien, lorsque les températures sont plus basses.
Reste un obstacle de taille à la résolution de ce mystère : il n’existe pas de façon d’observer les lignes de pente récurrentes de près sans danger. Même la sonde de la NASA Mars Reconnaissance Orbiter, équipée de la caméra à plus haute résolution en orbite autour de la planète rouge, ne possède pas une vue assez précise.
Utiliser un rover est hors de question. La NASA tient ses robots éloignés des lignes de pente récurrentes afin d’éviter toute contamination éventuelle de ces sites par une vie terrestre. Cela pourrait fausser les tests portant sur la vie sur Mars, voire encourager une invasion microbiologique « extra-martienne ».
« Nous connaissons des organismes capables de vivre dans ces environnements très salés », dit Hanley. « C’est très tentant, mais comment faire pour aller à la recherche de ces petites choses sans y introduire nos propres préjugés, ou potentiellement y introduire la vie ? »
Toutefois, « je pense qu’il s’agit d’une bonne utilisation de données de laboratoire vers la compréhension de quelque chose dont nous ne sommes pas certains », ajoute-t-elle. « Il s’agit sans aucun doute d’un paramètre dont nous devrons tenir compte [lorsque nous essaierons] de comprendre ces écoulements liquides. »
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