Chine : la découverte d'outils en pierre repousse l'arrivée de nos ancêtres sur le continent

De nouvelles fouilles révèlent que nos ancêtres auraient quitté le continent africain plus tôt que ce que les chercheurs estimaient.

De Michael Greshko
Publication 19 juil. 2018, 09:58 CEST
Une nouvelle étude publiée dans la revue Nature révèle que les plus anciens outils de pierre ...
Une nouvelle étude publiée dans la revue Nature révèle que les plus anciens outils de pierre retrouvés hors d'Afrique ont été mis au jour dans le plateau de Loess, en Chine.
PHOTOGRAPHIE DE Zhaoyu Zhu

Une étude publiée mercredi dernier dans la revue Nature révèle que nos ancêtres auraient quitté l'Afrique plus tôt que ce qui était avancé par les chercheurs jusqu'alors. Un chapitre clef de l'histoire de l'humanité doit donc être révisé.

Une centaine d'outils en pierre ont été mis au jour sur le site de Shangchen, en Chine centrale. Ils révèlent que nos ancêtres les hominidés auraient quitté l'Afrique environ 250 000 ans avant ce qui était précédemment estimé.

Les fabricants de ces outils ont vécu par intermittence pendant 800 000 ans à Shangchen il y a 2,1 à 1,3 millions d'années, laissant derrière eux des outils qui n'avaient jusqu'alors jamais été mis au jour hors d'Afrique. Ces derniers auraient 300 000 ans de plus que les plus vieux fossiles d'Homo erectus, mis au jour sur le site de Dmanisi en Géorgie et qui datent d'il y a 1,8 million d'années.

Quelques-uns des objets en pierre mis au jour dans les plus anciennes couches de sédiments du ...
Quelques-uns des objets en pierre mis au jour dans les plus anciennes couches de sédiments du site de Shangchen.
PHOTOGRAPHIE DE Zhaoyu Zhu

« En tant que paléantologue, c'était vraiment formidable de mettre au jour des objets datant de deux millions d'années et qui sont donc les plus vieux au monde hors d'Afrique », a confié Robin Dennell, co-auteur de l'étude et professeur à l'Université d'Exeter, au Royaume-Uni. 

« Il y a plus de personnes ont réussi l'ascension de l'Everest que de gens qui ont mis au jour des outils en pierre aussi vieux. »

« J'ai toujours dit qu'une fois que les paléontologues chinois se donneraient les mêmes moyens pour faire des fouilles qu'en Afrique, leurs actions paieraient ! », s'est exclamé Gerrit van den Bergh, paléontologue à l'Université de Wollongong qui n'a pas prit part à l'étude.

« Cette découverte montre que nous ignorons encore beaucoup de choses sur nos ancêtres ».

 

LES PREMIERS HOMINIDÉS À QUITTER L'AFRIQUE ?

Les hommes modernes d'aujourd'hui, les Homo sapiens, ont quitté le continent africain il y a environ 60 000 ans. Ce n'était pas la première fois que les hommes modernes et même les hominidés migraient hors d'Afrique. En effet, des ossements d'Homo erectus ont été mis au jour de la Géorgie en passant par Java, tandis que des ancêtres de l'Homme de Néandertal se sont rendus en Europe il y a environ 500 000 ans. Quant aux premiers hominidés, ils sont parvenus à traverser le Pacifique sud d'une manière ou d'une autre pour s'établir sur les îles il y a 700 000 ans, ce qui s'est traduit par l'apparition de l'Homo floresiensis, dit le « hobbit », et d'autres fabricants d'outils insulaires.

Mais les hominidés seraient arrivés encore plus tôt en Asie. Dans les années 1980, des paléontologues ont mis au jour des outils en pierre au Pakistan datant de deux millions d'années. En 2004, dans le bassin de Nihewan, situé dans le nord de la Chine, des chercheurs chinois ont découvert des outils en pierre fabriqués il y a 1,66 million d'années. Enfin, en 2015, le crâne d'un Homo erectus vieux d'1,6 million d'années a été mis au jour à moins de cinq kilomètres de Shangchen.

Zhaoyu Zhu, auteur principal de la nouvelle étude et géologue à l'Académie chinoise des sciences, était convaincu que la Chine recelait d'autres sites plus anciens. En 2004, il décide de débuter des fouilles à Shangchen.

En juillet 2007, l'un des collègues de Zhaoyu Zhu remarqua une pierre dans un affleurement escarpé. Il s'agissait en réalité d'un outil façonné par un hominidé. En 2017, l'équipe du géologue avait creusé à plus de 73 mètres de profondeur dans le sol de Shangchen, révélant 17 strates dans lesquelles se trouvaient des outils en pierre.

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    C'est sur ce site de fouilles archéologiques, niché sur le flanc d'une colline dans la province de Shaanxi en Chine, qu'ont été mis au jour les plus vieux outils en pierre de Shangchen. Zhaoyu Zhu, géologue à l'Académie chinoise des sciences, et ses collègues ont fouillé la zone pendant 13 ans.
    PHOTOGRAPHIE DE Zhaoyu Zhu

    « Mes collègues et moi étions surexités », se souvient le géologue. »

    Pour dater ces outils, l'équipe de Zhaoyu Zhu a mesuré le champ magnétique de chaque strate où se trouvaient des objets.

    Lorsqu'une strate se forme, les minéraux présents dans le sol à ce moment conservent la direction du champ magnétique de la Terre. La polarité du champ magnétique s'inverse parfois. Lorsque c'est le cas, les sédiments présents dans une strate subissent cette inversion à l'échelle planétaire.

    Zhaoyu Zhu a pu dater avec précision chacune des strates de Shangchen en les comparant avec celles déjà datées en Afrique et qui présentent les mêmes inversions magnétiques. Sur les 96 outils mis au jour, six se trouvaient dans une strate datant de 2,12 millions d'années.

     

    QUI A FABRIQUÉ CES OUTILS ?

    Aucun fossile d'hominidés n'a été mis au jour sur le site de Shangchen où ont été découverts les outils. Par conséquent, les scientifiques ignorent qui les a fabriqués.

    Les soupçons portent sur l'Homo erectus, l'ancêtre de l'Homme moderne qui est déjà à l'origine des outils mis au jour à Dmanisi. On sait déjà que l'Homo erectus était capable de fabriquer des outils et qu'il avait la carrure et l'habilité de marcher pour traverser les continents. Sauf que les plus vieux fossiles de cet ancêtre de l'Homme datent d'il y a 1,8 million d'années. Ils sont donc bien plus récents que les plus vieux outils mis au jour à Shangchen.

    « Même s'il est tout à fait possible que l'Homo erectus ait vécu en Chine à cette époque, l'âge du site et l'éventualité de mettre au jour des objets encore plus anciens indiquent qu'un autre membre du genre Homo a pu être présent en Asie à ces dates, comme un ancêtre semblable à l'Homo habilis », a expliqué Michael Petraglia, paléoanthropologue à l'Institut Max Planck qui étudie les anciens outils provenant d'Asie.

    María Martinón-Torres, directrice du Centre national d'étude de l'évolution humaine en Espagne (CENIEH), une référence mondiale en termes de fossiles d'hominidés asiatiques, a déclaré qu'il fallait même étudier à nouveau certains fossiles d'hominidés mis au jour en Chine qui avaient été identifiés comme appartenant à des Homo erectus.

    « Il est temps d'accepter que tous les hominidés mis au jour en Asie ne sont pas des Homo erectus, une espèce dans laquelle ont été placés de nombreux fossiles », a-t-elle déclaré. « Je pense que nous n'avons pas encore la réponse à la question relative à l'identité des premiers hominidés asiatiques. »

    En tout cas, le cerveau des fabricants des outils mis au jour à Shangchen était trois fois plus petit que le nôtre. Si la taille du cerveau ne compte pas toujours, les spécialistes sont surpris de constater que ces premiers hominidés au petit cerveau ont été capables de quitter l'Afrique pour la Chine il y a deux millions d'années.

    Des études supplémentaires seront nécessaires pour découvrir qui étaient ces mystérieux hominidés. Robin Dennell a indiqué qu'il souhaitait étudier des sédiments de plus de 2,1 millions d'années. Toutefois, cela ne sera pas possible à Shangchen car ces derniers se trouvent sous des terres agricoles. D'autres découvertes aussi incroyables sont tout sauf garanties ailleurs en Asie.

    « Pendant de nombreuses années, [la] communauté scientifique a relégué l'Asie au second plan, derrière l'Afrique en ce qui concerne des épisodes importants de notre évolution », a confié María Martinón-Torres. « Je suis sûre que nous aurons d'autres surprises si nous menons plus de fouilles en Asie ».

     

    Alejandra Borunda a participé à ce reportage.

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