Ces reconstructions faciales révèlent 40 000 ans d'ascendance anglaise
Une nouvelle exposition brosse le portrait des anciens habitants du Royaume-Uni.
L’année dernière, la reconstitution faciale de « Cheddar Man », un Britannique à la peau noire et aux yeux bleus ayant vécu dans le pays il y a 10 000 ans, avait fait la une de la presse internationale et lancé un débat sur l’identité « autochtone », dans un pays confronté au Brexit et à la question migratoire.
Ce weekend, une nouvelle exposition va dévoiler les visages de sept « locaux » plus anciens qui vivaient sur la côte du sud de l’Angleterre. La science confirme que l’histoire de la région est bien plus complexe que nous le pensions.
Samedi 26 janvier, dans le cadre d’une grande exposition sur l’histoire de la région, les visages de sept Britanniques reconstitués à partir de restes archéologiques issus d’une période couvrant 40 000 ans vont être dévoilés au Brighton Museum & Art Gallery.
Sur les sept individus, cinq sont de vrais « locaux », dont les visages ont été rigoureusement reconstitués à partir de crânes mis au jour dans les environs de Brighton, dans le comté du Sussex, au Sud-Est du pays. L’« autochtone » le plus moderne est un homme âgé d’une quarantaine d’années qui a été découvert dans les années 1980 lors de la construction de bâtiments. Il a vécu à l’époque des Anglo-Saxons, lorsque l’Angleterre fut unifiée pour la première fois sous un seul roi, selon les propose rapportés de Richard Le Saux, gardien en chef des collections du musée.
Les plus anciens autochtones sont une femme de Néandertal et un des premiers hommes modernes. Leur visage a pu être reconstitué grâce à des restes mis au jour ailleurs en Europe, mais les objets anciens découverts autour de Brighton suggèrent qu’ils ont vécu dans la région il y a environ 40 000 ans.
RAMENÉS À LA VIE
Il aura fallu 14 mois à Oscar Nilsson pour ramener à la vie ces Britanniques aujourd’hui disparus. Cet archéologue et sculpteur a déjà reconstitué les visages d’autres individus de l’histoire, dont une noble péruvienne ayant vécu il y a 1 200 ans et une adolescente grecque morte il y a 9 000 ans. Pour y parvenir, Oscar Nilsson a recours à une technique médico-légale qui consiste à scanner, imprimer puis modeler à la main une réplique exacte en 3D du crâne d’origine, afin de refléter la structure osseuse et l’épaisseur de la peau en fonction de l’origine et du sexe de l’individu, ainsi que de son âge au moment de son décès.
De récentes études du génome menées sur des populations européennes anciennes ont permis à l’archéologue-sculpteur d’apprécier de façon assez exacte la couleur de la peau, des cheveux et des yeux et de les appliquer à ses reconstitutions. Par exemple, la population néolithique à laquelle appartenait « Whitehawk Woman » avait la peau plus claire et les yeux plus foncés que les précédents habitants de la Grande-Bretagne, à l’instar de « Cheddar Man ». En revanche, leur peau était plus foncée que celle de « Ditchling Road Man », qui fait partie de l’exposition. Ce dernier serait arrivé sur l’île il y a environ 4 400 ans, lors de la première vague d’immigration du peuple de la culture campaniforme, originaire de l’Europe continentale et caractérisé par une peau et des yeux clairs.
Alors que le Royaume-Uni entre dans les derniers mois de négociations du Brexit, les visages des anciens habitants de Brighton vont sans doute déclencher des discussions sur les occupants antérieurs de l’île et les liens culturels qui unissent cette dernière à l’Europe continentale, remarque Richard Le Saux.
« Nous nous posons les questions suivantes : à quelle fréquence avons-nous été liés à l’Europe et à quel point notre histoire est influencée par des vagues d’immigration massives à toutes les époques », explique-t-il, avant d’ajouter que la Grande-Bretagne a fait partie du continent européen à plusieurs reprises au cours de l’histoire : la dernière fois, c’était il y a seulement 8 000 ans.
DES DESTINS INDIVIDUELS
D’après Oscar Nilsson, si les anciens britanniques de l’exposition sont si intéressants, c’est grâce à la façon dont la science révèle la vie qu’ils ont mené. « J’ai travaillé sur énormément de crânes, mais ceux-ci sont les plus caractéristiques que j’ai vus. Les visages qui en découlent sont très personnels. »
« Whitehawk Woman » se distingue par les circonstances apparemment inhabituelles entourant sa vie et sa mort. Des études scientifiques ont démontré qu’elle était née il y a plus de 5 000 ans à la frontière galloise, avant de se déplacer de plusieurs centaines de kilomètres [vers l’Est] jusqu’au Sussex, et elle a été enterrée avec des porte-bonheurs dans une tombe située à l’entrée d’un site cérémoniel néolithique.
Les restes d’un fœtus découverts dans son pelvis suggèrent qu’elle serait morte en couches. Cette connaissance scientifique a influé sur la représentation artistique de la femme faite par Oscar Nilsson.
« Je voulais qu’elle ait l’air un peu curieux, pensant au futur, parce que je pense qu’au moment où vous la voyez, elle est peut-être sur le point de donner naissance à son enfant, ce qui a sans doute causé sa mort », indique l’archéologue-sculpteur.
Le bravache « Slonk Hill Man », qui a vécu il y a 2 300 ans, a également posé des problèmes, confie Oscar Nilsson. La structure osseuse du vingtenaire de l’âge de fer indique qu’il avait « sans doute un physique avantageux », mais le risque lorsque l’on réalise une reconstitution, c’est que celle-ci ressemble alors trop à un mannequin, explique le sculpteur. Le crâne présentait aussi un point prononcé au niveau de l’arcade sourcilière, ce qui aurait pu conférer à « Slonk Hill Man » une expression un peu « cruelle ». « Il n’était pas simple de le faire sourire sans qu’il fasse peur », a déclaré Oscar Nilsson.
Il a ensuite fallu prendre une décision artistique pour « Stafford Road Man », un homme adulte de l’époque Anglo-Saxonne qui a sans doute succombé à un terrible abcès au visage. Au moment de sa mort, son visage était sans doute enflé de façon grotesque à cause de l’infection, mais l’archéologue/sculpteur a choisi de ne pas exagérer la maladie. « Je voulais qu’il ait un peu de dignité et créer un lien entre lui et le visiteur du musée. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.