Découverte d'un site vinicole vieux de 2 600 ans au Liban
Ce pressoir à vin était utilisé par les Phéniciens pour la production de millésimes dont se délectait jadis l'ensemble du monde méditerranéen.
Reconstitution par un artiste du pressoir vinicole de Tell el-Burak, vu depuis le sud-est.
Avec la découverte du plus ancien pressoir à vin du Liban, c'est une nouvelle preuve du commerce vinicole florissant pratiqué par les Phéniciens que les archéologues ont récemment mise au jour.
La trouvaille apporte un nouvel éclairage sur la fabrication du vin par les Phéniciens, ces navigateurs passés maîtres dans l'art du commerce qui ont introduit la culture du vin sur le pourtour méditerranéen et dont l'influence se ressent encore aujourd'hui à travers la popularité mondiale du breuvage.
Les fouilles menées sur le site de Tell el-Burak, à environ 8 km au sud de la ville côtière de Sidon, ont révélé les vestiges d'un pressoir à vin remarquablement conservé dont l'utilisation remonterait au 7e siècle avant notre ère, soit le plus ancien jamais découvert sur les terres des Phéniciens qui correspondent grossièrement à l'actuel Liban. La découverte a fait l'objet d'une publication dans la revue Antiquity le lundi 14 septembre 2020.
La présence d'un grand nombre de pépins montre que les raisins étaient transportés jusqu'à cet emplacement depuis les vignobles voisins avant d'être foulés aux pieds dans un grand bassin en plâtre qui pouvait contenir 4 500 L de jus brut environ.
Le moût ainsi obtenu était recueilli dans une grande cuve puis versé dans des jarres caractéristiques appelées amphores pour la fermentation, la maturation et le transport. (À lire : Le vin français change de goût à cause du réchauffement climatique.)
Le pressoir vinicole de Tell el-Burak. Même si les Phéniciens sont connus pour avoir diffusé la culture du vin sur le pourtour de la Méditerranée, les preuves d'une fabrication locale se faisaient rares jusqu'à présent.
Le pressoir a été mis au jour aux côtés de quatre habitations en adobe à Tell el-Burak, un hameau phénicien habité entre les 8e et 6e siècles avant notre ère qui, d'après les chercheurs, était probablement dédié à la fabrication du vin pour le commerce outre-mer.
« Le vin était un article essentiel du commerce phénicien, » indique Hélène Sader, archéologue à l'université américaine de Beyrouth et codirectrice du projet archéologique Tell el-Burak. Le vin phénicien de la région de Sidon était particulièrement célèbre et il en est fait mention dans divers textes de l'Égypte antique, ajoute-t-elle.
Cependant, les vestiges de la fabrication phénicienne du vin se faisaient rares jusqu'à présent au Liban, probablement en raison de la nature aléatoire des fouilles archéologiques.
« La côte libanaise n'a jamais été sondée en profondeur et très peu de sites contenant des vestiges phéniciens de l'âge du Fer ont été excavés, » explique Sader.
Certains sites vinicoles similaires ont cependant été mis au jour sur la côte nord de ce qui est aujourd'hui devenu Israël, un territoire qui appartenait autrefois aux royaumes phéniciens de Tyr et Sidon.
Le vin n'est pas une invention phénicienne, les premières preuves de sa fabrication ont été découvertes en Géorgie et remontent à 8 000 ans, mais les Phéniciens ont diffusé le procédé dans le monde méditerranéen aux côtés de produits comme l'huile d'olive ou d'innovations comme l'alphabet et le verre.
Ces navigateurs hors pair ont introduit vignes et vignobles dans leurs colonies en Afrique du Nord, en Sicile, en France et en Espagne. Ils ont également contribué à la popularité du breuvage à travers leurs activités commerciales en Grèce et en Italie où le vin de raisin sauvage était connu à l'époque sans être réellement développé, indique Stephen Batiuk, archéologue externe à l'étude rattaché à l'université de Toronto.
« Les Phéniciens ont probablement introduit une culture de la boisson, de nouveaux styles de récipients à boire ainsi qu'une façon différente de percevoir le vin, » poursuit-il.
L'amour des Phéniciens pour le vin s'étendait même à leur religion et son utilisation cérémoniale a d'ailleurs été reprise par d'autres religions du Proche-Orient.
Patrick McGovern est un archéologue de l'université de Pennsylvanie spécialisé dans les procédés antiques de vinification. Il n'a pas pris part à l'étude mais nous explique que les Phéniciens étaient les descendants des Cananéens, un peuple de l'âge de Bronze également prédécesseur des Israélites.
« Le vin était le principal breuvage des Phéniciens pour les sacrifices, » indique-t-il. « Mais c'était déjà le cas pour les Cananéens, puis le judaïsme et le christianisme ont hérité de la tradition. »
Tell el-Burak a peut-être fourni quelques-unes des centaines d'amphores retrouvées sur deux épaves phéniciennes datant de la même période au large de la ville israélienne d'Ashkelon, spécule McGovern.
« Nous avons analysé plusieurs de ces amphores, et c'était bien du vin, » déclare-t-il. « Peut-être provenaient-elles de Tell el-Burak. »
Le projet Tell el-Burak est le fruit de la collaboration entre une équipe de l'université américaine de Beyrouth et des archéologues allemands qui étudient le site depuis 2001. À ce jour, les fouilles sont suspendues depuis deux ans en raison des difficultés économiques du Liban, explique Sader.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.