Odeuropa : une encyclopédie pour recenser les odeurs du passé
Comment sauvegarder le patrimoine olfactif ? Une équipe d’historiens, de parfumeurs, et des spécialistes en intelligence artificielle vont créer la toute première encyclopédie olfactive en recréant des odeurs que l’on trouvait en Europe du 16e au 20e sièc
Annotations sur l'œuvre de Balthasar van der Ast, "Nature morte aux fruits et fleurs, 1620 - 1621
« L’objectif principal du projet Odeuropa est de montrer que l’odorat et notre patrimoine olfactif sont des moyens importants de promouvoir le patrimoine culturel et immatériel de l’Europe » explique Inger Leemans de l'Académie royale des arts et des sciences des Pays-Bas, cheffe du projet Odeuropa. Ce projet inédit débutera en 2021 et durera trois ans.
Il réunira des historiens, des parfumeurs, des experts en intelligence artificielle et des chimistes. Leur but : recréer des odeurs que l’on trouvait en Europe du 16e au 20e siècle, et constituer en parallèle une encyclopédie des odeurs, permettant ainsi au public de voyager dans le passé.
« Pour rechercher des odeurs dans les textes et les images, nous utiliserons des méthodes d'intelligence artificielle. En apprentissage automatique, nous "apprenons" à un ordinateur à reconnaître les références aux odeurs » explique Marieke van Erp, experte en technologie du langage.
Dans un premier temps, les historiens procéderont à des "marquages types" dans les textes qui feront référence à une odeur, par exemple "sent le citron" ou "odeur de cuir". À partir de là, l'algorithme recherchera des passages similaires pouvant également faire référence à une odeur. Pour lier les images aux odeurs, le processus est en grande partie le même, « nous fournirons à l'algorithme d'apprentissage automatique un ensemble d'images dans lequel nous avons indiqué quelles sections représentent un objet odorant et quel type d'objet. Par exemple une fleur, ou un animal, on précise s'il s'agit d'une rose ou d'un lys, d'un cheval ou un chien » ajoute Marieke van Erp.
Le professeur Matija Strlic sentant un livre historique aux Archives nationales des Pays-Bas
Quand tous les échantillonnages seront effectués, une Encyclopédie du patrimoine olfactif (Encyclopaedia of Smell Heritage) sera rédigée et mise en ligne par les chercheurs. Destinée à devenir une référence en la matière, elle retracera l'historique des odeurs les plus connues et les plus caractéristiques, mais aussi des pratiques et expériences olfactives.
« Un de nos chercheurs travaillant à partir de peintures tente de reconstituer l’odeur de la bataille de Waterloo. Le parfum des chevaux, de la poudre à canon et de la terre mouillée, combiné au parfum de Napoléon, peut donner une impression historique sensationnelle. L’odeur qu’il portait est maintenant connue sous le nom de 4711 Eau de Cologne. Les odeurs peuvent évoquer des souvenirs intimes et personnels et nous reconnecter à un passé plus lointain » explique Marieke van Erp.
À travers ce projet, l’Union Européenne, qui aide financièrement le projet à hauteur de 2,6 millions d’euros, s'intéresse aux projets qui peuvent aider à promouvoir son patrimoine culturel en reliant ces collections à travers des récits partagés et en incluant le patrimoine matériel et immatériel.
« Le patrimoine olfactif semble être la réponse parfaite à ces besoins de mémoires, car il est à la fois matériel et immatériel, et les communautés nationales partagent des parfums et des histoires sensorielles. Les odeurs sont de puissants rappels d'expériences de notre propre passé, en particulier des souvenirs liés à notre enfance. Préserver les odeurs est donc un moyen de préserver notre histoire » conclut Marieke van Erp.
L’encyclopédie olfactive devrait à terme être accessible dans différents musées européens dès 2024.