Le mystère de l’escalier hélicoïdal du château de Chambord
Symbole du pouvoir de François Ier et chef-d’œuvre de la Renaissance, cette merveille architecturale aurait été, selon la légende, imaginée par Léonard de Vinci.
Vue panoramique sur le canal bordant le château de Chambord.
Au centre du plus grand parc forestier clos d’Europe, ce bâtiment gigantesque et élégant dissimule derrière ses murs des mystères qui restent encore entiers, à l’instar du fascinant escalier à double hélice de Chambord.
Niché dans le Val de Loire, Chambord domine par sa taille, le raffinement de son architecture et son état de conservation tous les autres châteaux de la Loire. Pour découvrir cet emblème de la Renaissance, il faut s’écarter du cours du fleuve de quelques kilomètres en direction du sud. Après avoir franchi un mur d’enceinte pour pénétrer dans l’ancien domaine de chasse royal et dépassé des jardins, on l’entrevoit enfin. Bordé par le Cosson, une petite rivière, il domine de toute sa splendeur des pelouses manucurées.
L’ESCALIER À DOUBLE RÉVOLUTION SE CACHE SOUS UNE TOUR
Séparant en deux la façade principale du château, le corps de logis, appelé le « donjon », s’élève. Ce haut cube se trouve flanqué à chaque coin par d’impressionnantes tours rondes et surplombé par de belles terrasses. Là, on chemine entre des toits pointus couverts d’ardoise, des moulures et des cheminées et fenêtres sculptées. Au centre des terrasses se dresse la Tour-Lanterne. Point culminant du château, sa forme caractéristique et ouvragée donne à la demeure son profil si reconnaissable.
La Tour-Lanterne coiffe aussi le majestueux escalier du château de Chambord, l’un des éléments les plus fascinants de la demeure royale. Rien de l’extérieur n’indique sa présence. Il forme néanmoins le point central du donjon. Présentant un diamètre de presque neuf mètres, il possède deux entrées à chaque niveau et une forme d’hélice. Un brin de magie semble accompagner les personnes qui s’engagent sur ses marches. Si elles montent ou descendent au même moment en empruntant chacune une entrée différente, elles ne se croisent pas.
UNE STRUCTURE SIMPLE ET COMPLEXE
La structure de cette construction apporte une explication rationnelle à ce phénomène. Elle est composée de deux escaliers enroulés l’un au-dessus de l’autre, ce qui lui confère le nom d’escalier à double révolution de Chambord. Son axe de rotation se trouve au cœur d’une colonne vide surmontée à son sommet par la Tour-Lanterne. Cette colonne possède des parois de pierre percées d’ouvertures faisant office de puits de lumière. Ces « fenêtres » permettent à ceux qui empruntent les marches de se voir même s’ils utilisent des rampes différentes, ajoutant un côté ludique à cette structure.
Escalier à double révolution (ou double hélice ou double colimaçon) du château de Chambord.
Construit en même temps que le donjon, à partir de 1519, l’escalier de Chambord dessert deux étages, mais aussi les terrasses. Le recours aux doubles révolutions devait permettre de faciliter les mouvements dans les escaliers et éviter « les embouteillages ». Cette étonnante construction, pièce maîtresse du corps de logis, s’avère tout à fait inhabituelle dans les bâtiments de l’époque. De même, sa forme hélicoïdale s’éloigne des tendances de la Renaissance, plus accoutumée aux escaliers droits.
UN PLAN INFLUENCÉ PAR LÉONARD DE VINCI
La légende veut que Léonard de Vinci ait conçu cet escalier et même dirigé les travaux de construction du palais de chasse de François Ier. Les faits montrent que cela n’est pas possible. Le génie italien s’est en effet éteint en mai 1519, quatre mois avant le lancement officiel du chantier. Pourtant son influence sur le projet semble bien réelle.
Le Toscan avait émigré en France trois ans avant sa mort. Fasciné par le personnage et ses prouesses, François Ier lui propose de venir habiter dans le pays en 1516. Le souverain est devenu peu de temps avant cela le mécène et protecteur de Léonard de Vinci. Il le nomme alors « premier peintre, premier ingénieur et premier architecte du roi » et l’installe à Amboise. Après sa mort, l’étude de ses croquis et schémas montre que le maître florentin avait imaginé un escalier à non pas deux, mais quatre révolutions.
D’autres indices tendent à prouver que De Vinci a laissé sa marque sur l’escalier de Chambord. L’hélice, forme de base de la construction, représente un des mouvements qui le fascine intensément. On la retrouve par exemple dans son étude de la « Vis aérienne », un prototype d’hélicoptère. L’arithmétique, la géométrie et la symétrie en particulier ont toujours intéressé le Toscan. Lui seul aurait pu, au XVIe siècle, imaginer un plan de château développé à partir d’un point central : l’escalier.
Les faits historiques rapportent que François Ier était très attaché à Léonard de Vinci et conversait souvent avec lui. Il est fort probable que ces discussions aient ensuite été partagées avec les premiers architectes de Chambord et aient influencé leurs travaux.
DES STRUCTURES RÉVOLUTIONNAIRES
Des recherches archéologiques menées au château tendent à montrer que Léonard de Vinci aurait aussi eu une influence sur d’autres éléments. Les latrines notamment apparaissent révolutionnaires pour l’époque. Elles font intervenir des fosses de décantation et un conduit de ventilation. Or, l’artiste italien avait auparavant remarqué dans une de ses études architecturales que les lieux d’aisance devraient comporter un système d’aération. Ceci afin de permettre l’évacuation des gaz formés par les déchets organiques stockés dans les fosses.
L’inventeur-architecte-ingénieur aurait aussi eu un rôle dans l’édification des terrasses. Leurs conceptions originales laissent apparaître un système d’étanchéisation proche de celui pensé par le savant. Plus récemment, des archéologues ont effectué un relevé des fondations du château. À leur grande surprise, il apparaît qu’elles suivent un plan hélicoïdal.
Pour confirmer l’implication de Léonard de Vinci dans la conception des plans de Chambord, des recherches plus poussées s’avèrent nécessaires. La Révolution a en effet entraîné la disparition de tous les plans originaux et documents relatifs à la construction de la demeure royale. Les noms des architectes qui ont travaillé sur ce projet restent jusqu’à maintenant inconnus. Mais la visite de ce chef-d’œuvre reste accessible à tous.