Le Chevalier d’Eon, un espion travesti au service de la France
Charles de Beaumont est considéré comme l’un des premiers espions de l’histoire, sous les ordres directs du roi Louis XV. Jusqu’à sa mort, il se jouera de tout un Royaume en gardant le mystère sur sa réelle identité : était-il un homme ou une femme ?
Charles de Beaumont, le Chevalier d'Eon.
Charles Geneviève Louis Auguste André Thimothée d’Eon de Beaumont, plus connu sous le nom du Chevalier d’Eon, est né en 1728 durant le règne de Louis XV. Ce dernier, en guerre contre l’Angleterre, cherche à infiltrer les hautes sphères du pouvoir ennemi. Charles de Beaumont est recruté par le Prince de Conti pour affilier le « Secret du Roi », l’un des premiers services secrets de l’histoire.
Lettré, grand diplomate, excellent épéiste et espion talentueux, il s’illustre par de nombreux faits d’armes mais c’est son goût pour le travestissement qui en fera une célèbre figure de l’histoire de France. Qui était-il réellement ? Cette ambiguïté va le poursuivre durant toute sa carrière et ce, jusqu'à sa mort.
SES PREMIERS PAS EN TANT QUE « FEMME »
C’est à Versailles que Charles de Beaumont se fait remarquer. Invité à un bal costumé par la comtesse de Rochefort, il y apparaît grimé en femme. Son déguisement est si réaliste que le Prince de Conti décide de l’enrôler au sein du « Secret du Roi ». Quelques temps plus tard, en juillet 1755, il est dépêché en Russie en compagnie de Douglass Mackensie, un agent secret écossais débouté dès le début de la mission par les Russes, considéré comme suspect.
Il revient au Chevalier d’Eon d’accomplir son devoir : convaincre l'impératrice de russie Elisabeth Ire de s’allier au roi de France contre les Anglais et les Prussiens, en lui remettant une lettre de Louis XV en personne. Lors de sa mission, Charles de Beaumont fait preuve d’une habileté étonnante en alternant l’incarnation de deux personnages bien différents. Travesti en Lia de Beaumont, intégrée au cabinet de l'impératrice en qualité de lectrice, elle est accompagnée d’un chevalier, son frère Charles de Beaumont.
Ces deux figures, jouées donc par un seul et même homme, ont permis l’alliance de la Russie et de la France. Le Chevalier d’Eon revient quelques temps plus tard en France et présente au Roi le plan d’attaque de la Russie face aux Prusses.
En récompense, Charles de Beaumont se voit grader au poste de capitaine colonel général des Dragons et attribuer le statut de secrétaire de l’ambassadeur de France en Russie.
LE DOUTE DE TOUT UN ROYAUME
Après la reconnaissance, une lente descente aux enfers commence pour Charles de Beaumont, et cette première mission finit par jeter l’opprobre sur le chevalier. En 1771, alors qu’il est envoyé en Angleterre par le Roi afin d’en apprendre davantage sur l’état des côtes du pays en vue d’une invasion française, la rumeur se propage partout en Europe que le Chevalier d'Eon serait vraiment une femme.
En cause, la douceur de ses traits, la parfaite symétrie de ses prénoms comprenant trois noms masculins et trois noms féminins, ainsi que l'ambiguïté dont il joue face à cette rumeur. Les Anglais en viennent même à parier sur son sexe, les mises atteignant plusieurs centaines de milliers de livres.
Un envoyé du roi de France est ainsi dépêché afin de vérifier le sexe du Chevalier par lui-même. Convaincu d’avoir affaire à une femme, il se précipite pour dévoiler la nouvelle au Roi et Charles de Beaumont ne démentira jamais cette rumeur.
Pour la Cour, cela ne fait plus aucun doute : le Chevalier d'Eon est bel et bien une femme. Peu apprécié par le nouveau roi Louis XVI en raison de ses caprices, Charles de Beaumont est condamné à porter à vie le vêtement féminin. La chevalière continue pendant plus de trente ans à porter des toilettes de femmes, dont certaines sont offertes par Marie-Antoinette elle-même.
Destituée de ses grades, la chevalière finit sa vie dans la misère. C’est à sa mort que la vérité est enfin révélée. Le chirurgien chargé de son autopsie est formel : le corps décédé du Chevalier d’Eon comporte tout ce qu’il y a de plus masculin.