Le Roi Lion fête ses 25 ans : rencontre avec la comédienne qui y joue depuis son ouverture
La plus ancienne comédienne de la comédie musicale incontournable de Broadway, Lindiwe Dlamini, s'est imposée en mécène pour les jeunes artistes sud-africains.
La comédienne sud-africaine Lindiwe Dlamini est connue dans certains cercles de Broadway en raison de son statut de plus ancienne comédienne dans la comédie musicale Le Roi Lion de Disney, qui a célébré ses 25 ans le 13 novembre. Elle pose ici dans les rues du township de Umlazi où elle a grandi, près de Durban, en Afrique du Sud, et où elle mécène de jeunes artistes sud-africains. Lindiwe et son mari, également comédien dans Le Roi Lion, prévoient de construire un centre culturel dans sa ville natale. « C'est pour ça que je fais ce que je fais », explique-t-elle.
Assise sur un banc, Lindiwe Dlamini s'amuse et bouge au rythme de la musique.
Le soleil est éclatant en ce jeudi après-midi. La comédienne se trouve dans l’église que son défunt père, le pasteur Samuel Dlamini, a construite à Umlazi, un township en périphérie de la ville de Durban, située sur la côte est de l’Afrique du Sud. La pièce est remplie d’enfants de la communauté. Deux préadolescents aux traits juvéniles réalisent avec élégance et légèreté une danse de salon énergique, traversant la salle de part en part au son des applaudissements retentissants.
Lindiwe, sortie dans la cour une fois le spectacle terminé, pointe du doigt les trois petits bâtiments qui appartiennent à l’église, ainsi que les nombreux adolescents qui en sortent et s'agitent dans tous les sens, puis affirme posément : « C'est pour tout ça que je fais ce que je fais. »
Lors d’une récente représentation du spectacle Le Roi Lion au Minskoff Theatre dans la ville de New York, la comédienne sud-africaine Lindiwe Dlamini, qui incarne plusieurs rôles, mène le chœur qui interprète Circle of Life (L’Histoire de la vie en français). « Chaque fois que je monte sur scène, je me donne à fond », explique-t-elle.
Lindiwe Dlamini, philanthrope et comédienne de longue date à Broadway, prend ici la pose au Playhouse Theatre à Durban, en Afrique du Sud.
La comédienne sud-africaine Lindiwe Dlamini a réalisé son premier essai pour Le Roi Lion en 1997 à Minneapolis, dans le Minnesota. Depuis ce jour, elle a joué dans près de 9 000 représentations.
Lindiwe n’est pas n’importe quelle comédienne, mais bien une comédienne sud-africaine qui dispose d’une certaine notoriété à Broadway en raison de son statut de plus ancienne artiste du Roi Lion de Disney. Le spectacle, qui est le plus rentable de l’histoire de Broadway, a célébré ses 25 ans ce 13 novembre.
En tant que mécène, elle apporte son soutien aux théâtres new-yorkais ainsi qu’à l’église de son père, qu’elle a transformée en refuge pour jeunes artistes.
UN RÔLE DE MÉCÈNE
L'église de son père, simplement baptisée Evangelical Church et située entre les routes de Thandanani et Masakhane, est le point d'ancrage des séjours annuels de Lindiwe dans sa ville natale.
« Je vais toujours à l’église lorsque je viens à Durban », explique-t-elle en cette chaude après-midi. « Je m’assoie dehors avec mon frère. On installe des chaises, on regarde passer les voitures [et] les enfants… Ça me rappelle ces moments [passés avec mon père]. »
« Je suis tellement heureuse quand je suis ici », confie-t-elle.
La Sud-Africaine Lindiwe Dlamini, plus ancienne comédienne de la pièce Le Roi Lion de Disney jouée à Broadway, retourne chaque année dans le township de Umlazi près de Durban, en Afrique du Sud, pour soutenir les jeunes artistes locaux. Elle pose ici sur une plage non loin du quartier où elle a grandi.
Son frère, le pasteur Lungani Dlamini, celui avec lequel elle aime s’installer dehors, a pris le relais de la chaire pour poursuivre l’œuvre de leur père après son décès il y a vingt-trois ans.
« Notre père souhaitait voir cette communauté prospérer », explique Lungani.
Et son souhait est devenu réalité.
Le spectacle du jour est non seulement assuré par des danseurs de salon, mais aussi par un groupe de jeunes hommes dynamiques qui chantent du gospel a capella et un groupe de danseurs qui enchaînent les acrobaties au son des tambours et des encouragements de la foule.
La comédienne Lindiwe Dlamini discute avec des habitants de son township, Umlazi, situé en périphérie de Durban en Afrique du Sud, alors qu'ils participent à un programme d'activités pour les jeunes dans l'église construite par son père.
Les membres d’une troupe culturelle posent avec la comédienne du Roi Lion après leur spectacle dans son église familiale à Umlazi, en Afrique du Sud. La comédienne sud-africaine soutient de jeunes artistes par le biais du mécénat et prévoit de construire un centre culturel. « C’est pour ça que je fais ce que je fais », explique-t-elle.
Lindiwe Dlamini, aux côtés de ses frères, partage des mots d’encouragements lors d’un spectacle de jeunes artistes à Umlazi.
Tous ces artistes représentent le genre de talents qui abondent dans le township, et ce malgré l’idée toujours répandue selon laquelle cette communauté serait dépourvue de créativité et que l’on n’y trouverait que des pauvres et des criminels. Cet avis n’est pas sans rappeler l’ère de l’apartheid et les mauvais traitements infligés aux noirs sud-africains. Les townships ont été créés à une époque où les personnes d’ethnies différentes n’étaient pas autorisées à vivre au même endroit. Ils sont devenus des lieux isolés, sans grandes perspectives d'amélioration. Mais aujourd’hui, les townships hébergent incontestablement certains des artistes sud-africains les plus talentueux au monde, en particulier les vastes townships, comme celui d'Umlazi qui s’est étendu avec les années et abrite désormais plus de 400 000 habitants répartis sur 47 km2.
Bongi Duma, l’époux de Lindiwe, également originaire d'Umlazi et comédien dans le spectacle Le Roi Lion, ressent le besoin de soutenir les artistes pleins d'avenir. Ils restent discrets à ce sujet, mais ils aident ensemble à diriger près de 100 000 $ de fonds annuels (environ 97 000 €) à Broadway Cares, une association à but non lucratif qui récolte des fonds pour les distribuer à l’église et à d’autres organismes culturels d’Afrique du Sud.
Tous deux ont également pour projet de construire leur propre centre culturel dans la zone rurale environnante afin de permettre aux jeunes qui disposent d’encore moins de ressources que ceux du township d’accéder à des opportunités mondiales.
LE MONDE DE LA SCÈNE
La comédienne sud-africaine Lindiwe Dlamini a réalisé son premier essai pour Le Roi Lion en 1997 à Minneapolis, dans le Minnesota. Depuis ce jour, elle a joué dans près de 9 000 représentations, ce qui correspond à une ou deux représentations par jour pendant vingt-ans ans.
Mais Lindiwe ne tient pas les comptes : « Je me rappelle avoir fêté ça. Ils l'ont même écrit dans un Playbill à un moment, mais impossible de me rappeler du total. » Il est clair qu’elle ne souhaite pas gagner en notoriété grâce à son record du monde.
Si Lindiwe travaille si dur et enchaîne les représentations, c’est parce qu’elle adore ça. Elle le faisait déjà enfant, dans ce même township, en accompagnant sa mère chanteuse, son père pasteur et musicien, et ses six frères et sœurs talentueux.
La comédienne sud-africaine Lindiwe Dlamini pose dans les coulisses du Minskoff Theatre de la ville de New York avant une représentation du spectacle Le Roi Lion.
« On avait un groupe et on jouait en famille, pour des mariages ou tout type d'évènement », explique Lindiwe.
La chance lui a souri à l’âge de 18 ans quand elle a décroché un rôle dans la pièce sud-africaine Sarafina!, une comédie musicale jouée pour la première fois au Market Theatre de Johannesburg en 1986 qui raconte l’histoire d’une écolière du township de Soweto qui se révolte face à l’apartheid et ses injustices.
« Le metteur en scène de Sarafina est venu à la maison voir mon père parce qu’il avait entendu parler d’enfants qui chantaient. Il nous a rencontrés et nous a fait passer une audition », raconte Lindiwe. Elle et plusieurs de ses frères et sœurs ont alors intégré la troupe et passé plus de quatre ans en tournée.
Sarafina a permis à Lindiwe d'aller à Durban, à Johannesburg et enfin, à New York, où la troupe a joué au Cort Theatre (désormais appelé le James Earl Jones Theatre) à Broadway, pendant plus d’un an. À l’arrêt définitif de la pièce, il lui a fallu presque sept ans pour intégrer un nouveau spectacle — et quel spectacle !
Lindiwe aime toujours autant jouer dans Le Roi Lion. Elle incarne une lionne, une hyène et d’autres personnages aux costumes élaborés et bariolés qui doivent se déchaîner sur scène. « Chaque fois que je monte sur scène, je me donne à fond », explique-t-elle.
Depuis vingt-cinq ans à l'affiche, le spectacle a reçu six Tony Awards, huit Drama Desk Awards, et même un Grammy Award.
Selon Lindiwe, Le Roi Lion doit son immense succès au fait qu’il délivre un message universel. « Même si nous jouons des animaux, tout le monde arrive à en profiter. Le public assiste à des décès, des unions, des problèmes… Tout ce qui fait la vie. Ils se sentent mieux grâce à nous. »
Le Roi Lion est également une histoire imprégnée des rythmes et des mélodies sud-africaines qui met sur le devant de la scène dix talents sud-africains dont Bongi, le mari de Lindiwe, comédien dans la pièce depuis quinze ans, et Ntomb’khona Dlamini, la sœur de Lindiwe, qui participe ponctuellement au spectacle depuis son lancement. Celui-ci est devenu comme une deuxième maison.
En tant qu’expatriée sud-africaine résidant aux États-Unis, Lindiwe compte sur les autres membres du spectacle pour l’aider à garder le sourire dans les moments de doute.
« C'est très réconfortant. Cette atmosphère, les personnes avec qui vous travaillez… En particulier les personnes racisées », explique-t-elle lorsqu'on lui demande comment elle a vécu la pandémie et les tensions raciales aux États-Unis.
« Je me rappelle par exemple que, quand il y a eu l’histoire de George Floyd, c’était vraiment rassurant de parler avec les autres et d’exprimer nos émotions », confie Lindiwe. « Il faut avoir l’esprit léger, sinon c’est la déprime. »
VIE AMOUREUSE ET FAMILIALE
Bien sûr, elle peut aussi compter son mari, avec qui elle partage ces deux mondes.
Ils se comprennent, sont tous les deux faciles à vivre et se font beaucoup rire, mais Bongi est peut-être légèrement plus extraverti, et Lindiwe un peu plus sérieuse.
Ils se sont rencontrés le jour où Bongi a intégré le spectacle.
Quand on lui demande ce qu’il a pensé lors de leur première rencontre, il répond : « Je connaissais ses frères. Il m’arrivait d’aller à l’église [de son père], d’y jouer et d'y écouter de la musique. » Bongi, qui est né à Umlazi, était musicien et compositeur avant de devenir comédien. « Ses frères parlaient de leurs sœurs parties en Amérique. »
« Je n'aurais jamais imaginé la rencontrer un jour », explique-t-il.
Après leur rencontre, ils sont vite devenus amis, puis finalement amants. Ils se sont mariés rapidement et forment aujourd'hui une famille recomposée, s'occupant du fils et de la fille de Lindiwe, issus d’une relation précédente, et de leur propre fille âgée désormais de 14 ans.
Lindiwe souligne qu’ils gardent une frontière nette entre leur vie professionnelle et leur vie familiale.
« J’ai été claire là-dessus : une fois qu’on passe les portes [du théâtre], on ne se connaît plus », explique-t-elle.
« Certaines des personnes qui rejoignent le spectacle ne savent pas que nous sommes mariés depuis quinze ans. Beaucoup sont choquées ! », dit-elle en riant.
NOTORIÉTÉ
Que pense la communauté locale de ces comédiens estimés et philanthropes ?
Lungani, le frère devenu pasteur, raconte que beaucoup d’habitants du township ignorent ce que font Bongi et Liniwe, ou n’ont aucune idée de leur influence dans le monde du théâtre. « Rien ne les différencie des autres ici. La plupart des Sud-Africains ne connaissent pas Broadway. »
Bongi confirme ces propos. « Les gens ne savent pas qui nous sommes », explique-t-il. « On ne se met pas en avant ici. »
Tout ça n’a aucune importance pour Lindiwe. Elle n’avait jamais imaginé avoir un jour cette vie, et qu’une comédie musicale comme Le Roi Lion l’aiderait à se définir en tant que personne. Elle se moque non seulement de détenir un record du monde, mais aussi de la célébrité. « Je ne veux pas qu’ils me voient comme une célébrité. Je veux qu’ils me voient comme Lindiwe. »
Elle se rend tout de même compte de sa chance : grâce à ce spectacle, son père a eu l'opportunité de visiter New York et de l’admirer à Broadway, dans toute sa splendeur. Venu en 1998 accompagné de la mère de Lindiwe pour assister au spectacle, il a succombé un an après d’une insuffisance rénale.
« Il a pu voir tout ça », explique Lindiwe. « Il a pu le voir, et il a adoré ! »
Que penserait-il de cette longue carrière à Broadway ?
« Il serait extrêmement fier de voir que je fais encore partie du spectacle », affirme Lindiwe.
À l'occasion de ce 25e anniversaire, elle imagine son père assis quelque part dans le public en train de rire et d’applaudir, peut-être entouré de rangées d’enfants de l'Evangelical Church, et des jeunes venus de Umlazi et des environs de Durban, qui feront de leur rêve de jouer un jour à Broadway, une réalité.
Tara Roberts est une exploratrice National Geographic. Son projet d’archéologie sous-marine Into the Depths, publié dans le numéro de mars 2022 de la version américaine du magazine National Geographic, comprend un podcast en six parties.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.