En Amazonie, des archéologues découvrent les vestiges d’une mystérieuse civilisation pré-colombienne

Des archéologues ont mis au jour plusieurs sites pré-colombiens de grande ampleur en Bolivie actuelle. De quoi tordre le cou au mythe d’une forêt amazonienne peuplée seulement de chasseurs-cueilleurs avant la colonisation européenne.

De Manon Meyer-Hilfiger, National Geographic
Publication 1 févr. 2023, 10:30 CET
Illustration 3D du site de Cotoca.

Illustration 3D du site de Cotoca. 

PHOTOGRAPHIE DE H. Prümers / DAI-Deutsches Archäologisches Institut

L’Amazonie révèle peu à peu ses secrets. Au nord de la Bolivie, une équipe de scientifiques a mis au jour plusieurs centaines de sites construits avant la colonisation européenne. Des pyramides monumentales de plus de 20 m de haut, des terrasses, des digues et des canaux se succèdent sur des centaines d’hectares de terrain. 

Certes, aujourd’hui, un œil profane n’y verrait pas grand-chose  : ces constructions ont été érigées entre l’an 500 et 1400 de notre ère, puis recouvertes par la dense forêt tropicale. Mais grâce des observations aériennes couplées à l’utilisation de nouvelles technologies, des chercheurs allemands et anglais de l’Institut archéologique allemand, de l’Université de Bonn et de l’Université d'Exeter ont pu mesurer l’ampleur des vestiges de la civilisation Casarabe, qui porte le nom d’un village voisin, et qui s’étendait sur une zone de 16 000 km2. Leurs conclusions ont été publiées dans la revue Nature en 2022.

 

Les auteurs de l'article avec l'équipage devant l'hélicoptère (de gauche à droite : Capitaine Eduardo Méndez ...

Les auteurs de l'article avec l'équipage devant l'hélicoptère (de gauche à droite : Capitaine Eduardo Méndez P., Mark Robinson, Renan Torrico, José Iriarte, Carla Jaimes Betancourt, Copilote Gustavo Nogales H., Heiko Prümers, Elvis). Il s'agit d'un projet conjoint de l'Institut allemand d'archéologie, de l'Université de Bonn, de l'Université d'Exeter et du ministère de la planification de l'État plurinational de Bolivie. 

PHOTOGRAPHIE DE DAI-Deutsches Archäologisches Institut

Fait marquant : certaines des colonies de Casarabe faisaient la taille de villes européennes du 17e siècle. Deux d’entre elles dépassaient les 100 hectares de superficie. « Le site le plus important découvert jusqu'à présent, 1,5 km de long et un km de large, est aussi grand que la ville allemande de Bonn au 17e siècle » explique ainsi l’une des co-autrices de l’étude, Carla Jaimes Betancourt, dans un communiqué. « Certes, il n’y avait pas d’écriture, et sûrement moins d’administration qu’en Europe. Par contre la complexité sociale est sans doute la même qu’outre-Atlantique à l’époque de la colonisation de l’Amérique» soulève Heiko Prümers, l’auteur principal de l’étude.

Ces archéologues travaillent sur cette civilisation depuis plus de vingt ans. L’utilisation, en 2019, de la nouvelle technologie Lidar, qui fonctionne un peu comme un radar, a changé la donne. Ces lasers que l’on envoie depuis un avion ou un drone permettent de cartographier une zone sans couper un seul arbre ! Une aubaine dans cette région où la forêt complique parfois les recherches. Les ondes lumineuses se reflètent sur la surface, puis, en fonction du temps qu’elles mettent à revenir vers l’avion, il est possible d’en déduire les reliefs d’un endroit. 

« Grâce au Lidar, nous pouvons voir les plateformes et les terrasses, les routes et les pyramides » énonce l’archéologue Heiko Prümers. Fort de sa vingtaine d’années de fouilles sur le terrain, le scientifique s’attendait à ces trouvailles. Son équipe avait déjà identifié des restes d’un mur d’enceinte, de tombes, de terrasses, de chaussées et de canaux utilisés pour l’irrigation. 

 

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    Mosaïque de photos prises par un drone.
    Image Lidar.
    Gauche: Supérieur:

    Mosaïque de photos prises par un drone.

    Droite: Fond:

    Image Lidar.

    Photographies de H. Prümers / DAI-Deutsches Archäologisches Institut

    « Mais, désormais, nous avons une idée de l’ampleur des sites et nous connaissons avec plus de précisions les structures architecturales » poursuit le scientifique. De quoi étendre nos connaissances sur ces civilisations pré-colombiennes. De quoi, aussi, tordre un peu plus le cou au mythe d’une forêt peuplée seulement de chasseurs-cueilleurs avant la colonisation européenne. Certains mystères subsistent. Le nombre d’habitants, d’une part. « Toutes les maisons étaient fabriquées en bois, donc elles ont disparu. Mais avec des villages de 146 ou même de 315 hectares, on peut se douter qu’il y avait là une civilisation d’envergure». 

    Autre inconnue dans l’équation : la fonction des structures monumentales comme les pyramides. « Cela pourrait être religieux ou administratif, mais pour le moment nous n’en savons rien. C’est au programme de nos recherches. » 

     

     

    Carte du site de Landívar (technologie Lidar).
    Carte de la région « Llanos de Mojos » et de la zone de culture de Casarabe.
    Gauche: Supérieur:

    Carte du site de Landívar (technologie Lidar).

    Droite: Fond:

    Carte de la région « Llanos de Mojos » et de la zone de culture de Casarabe.

    Photographies de H. Prümers / DAI-Deutsches Archäologisches Institut

    Dernière piste à creuser pour l’équipe de scientifiques : comprendre l’environnement dans lequel ont vécu ces hommes et ces femmes. « Les changements du climat, comme des sécheresses ou au contraire des précipitations très abondantes pourraient expliquer la fin de cette civilisation ». Des enquêtes qui urgent. L’agriculture grignote chaque mois un peu plus de terrain dans cette région dite des « Llanos de Mojos », détruisant ainsi les traces du passé. La course contre la montre a commencé.

     

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