Ces monstres marins ont inspiré écrivains, scénaristes (et chercheurs) à travers les âges
Les abysses abriteraient, dit-on, d'inquiétantes créatures marines, objets de fantasmes, de folles théories... et de cauchermars.
Il était dit que le tristement célèbre kraken menaçait les navires dans les mers au nord de la planète, entre la Norvège et le Groenland. Il est généralement représenté sous la forme d’un calmar ou d’une pieuvre. Ses descriptions ont probablement été inspirées par des observations de baleines ou de requins.
Les monstres marins existent-ils ? Tout dépend de votre définition du mot monstre. Montrez un grand cachalot, un dragon de Komodo ou encore un Ceratiidae - une espèce de poisson abyssal - à quelqu’un qui n’en a jamais vu et il pourrait les trouver tout aussi impressionnants que n’importe quelle créature fictive ou mythologique. Les scientifiques estiment que les zones les plus hostiles de notre planète, pour la plupart inaccessibles à l'Homme, abritent des formes de vie singulières dont nous ignorons jusqu'à l'existence.
Toutefois, ces curieux animaux semblent tous être liés par une caractéristique commune. Lorsque la science découvre des créatures insoupçonnées, elles proviennent très souvent des profondeurs des océans. La majeure partie de nos océans n’a pas encore été explorée. Lors de chaque grande expédition dans les abysses, de nouvelles espèces sont découvertes.
Les créatures marines qui peuplent notre imaginaire collectif, décrits dans la littérature depuis des siècles et mis en images sur le grand écran depuis des décennies, sont rarement amicales. Seules exceptions peut-être, le film Splash ! ou encore les personnages aquatiques de Luca, le nouveau film d’animation original des studios Pixar, exclusivement en streaming sur Disney+ dès le 18 juin. (The Walt Disney Company est le principal détenteur de National Geographic Partners)
Le mystère qui entoure les abysses, un soupçon d'imagination et un zeste de peur ont donné naissance à un impression ballet de créatures des profondeurs qui ont terrorisé des générations entières.
Certaines de ces légendes ont été transmises de génération en génération avec tant de constance que la science s’y est intéressée de très près. Parfois, elles sont issues d’observations exagérées d'animaux que nous connaissons et qui eux, sont bien réels. D’autres fois, il s'agissait de véritables surprises...
DES CÉPHALOPODES COLOSSAUX
Au Moyen Âge, pour les marins des eaux glaciales des océans du nord de la planète, le kraken n’était pas qu’une simple plaisanterie. Tirée de la mythologie scandinave, cette créature tentaculaire rôdait, dit-on, dans les océans séparant la Norvège et le Groenland. Son nom provient du terme poulpe en vieux norrois. De temps à autre, il émergerait pour ne faire qu’une bouchée des navires assez imprudents pour passer sur son chemin.
La fable du kraken est très documentée. L’animal était supposé immense, de la taille d’une île entière. Il laissait les marins perplexes, apparaissant puis disparaissant dans la brume. Les descriptions du kraken laissent à penser que la créature était vraisemblablement un mélange de calmar géant, de requin-pèlerin, de grand cachalot et de crabe.
La Carta marina était la première carte à décrire la Scandinavie. Imprimée en 1539, elle a été élaborée par Olaus Magnus, un cartographe suédois. À cette époque, il était admis que chaque animal terrestre possédait son équivalent marin, et que des monstres se cachaient dans les eaux.
La croyance des marins craintifs semblait universelle. Les naturalistes l’ont également prise au sérieux. Le kraken figurait dans la première version du Systema Naturae de Carl Linneau, sous le nom de Microcosmus marinus. En 1752, l’auteur Erik Pontoppidan a décrit la créature dans son histoire naturelle de la Norvège comme étant « ronde, plate, pleine de bras ou de ramifications ». Dans le même volume, il a également cité les sirènes et les serpents de mer. La connaissance des mers à cette époque était sommaire, tout au plus.
Chose tout à fait compréhensible puisqu’à l’époque, les submersibles et les équipements de plongée n’existaient pas. La plupart des suppositions sur les grands animaux marins étaient basées sur des observations partielles en mer ou sur des carcasses gonflées, échouées sur les côtes. Les cartes de l’époque décrivaient des eaux regorgeant de toutes sortes de monstres marins.
En 1809, le botaniste George Shaw parlait du kraken d’un ton grave dans ses conférences zoologiques à la Royal Institution. Il expliquait que les objets de cette légende étaient sûrement des ancêtres européens des seiches, « extrêmement grands », qui peuplaient l’océan Indien. En réalité, on les confondait sûrement avec des calmars.
« Un naturaliste moderne choisit de distinguer cette formidable espèce sous le nom de seiche colossale et semble amplement disposé à croire tout ce qui a été relaté concernant ses ravages. » Il poursuivit en décrivant une récente attaque de bateau au large des côtes africaines, au cours de laquelle trois marins avaient été capturés et tués par un de ces « monstres ». Un des tentacules coupés pendant la bataille était de l’épaisseur du « mât d’artimon » du navire.
Plus tard, des descriptions moins sensationnelles de la créature ont permis de le rattacher à des animaux que l’on sait bien réels aujourd’hui.
Certaines espèces bien connues du monde scientifique restent tout de même un mystère, par exemple le calmar géant ou son équivalent des mers du Sud, le calmar colossal. Ils n’ont été observés que quelques fois à l'état sauvage. Les seules données disponibles proviennent de déductions grâce aux analyses d’espèces apparentées tout aussi effrayantes, comme l’encornet géant. En outre, les quelques carcasses et les cicatrices observées sur les requins ou les cachalots témoignent des querelles auxquelles ils se livrent dans les profondeurs.
Dotés de ventouses dentées, d’un bec effrayant et d’yeux de la taille d’une assiette, ces invertébrés ressemblent fortement aux descriptions du kraken. Seules les proportions ne coïncident pas. Le plus grand calmar géant connu à ce jour mesurait 13 mètres de long. D'aucuns suggèrent que l’espèce pourrait atteindre les 27 mètres, voire plus. Mais ce ne sont que des suppositions. Personne ne sait réellement quelles créatures marines mystérieuses peuplent les profondeurs...
DES MANIFESTATIONS SINISTRES
Parmi les mythes marins les plus inquiétants, il y a le umibozu japonais. Il apparaît la nuit sous la forme d’une figure sombre, quand la mer est agitée. Sa tête ressemble au crâne rasé d’un moine bouddhiste, d’où son nom, qui signifie « bonze marin ». L’umibozu est mentionné dans le folklore japonais dès le 17e siècle, mais ses origines restent encore floues.
Selon la légende, son apparition annonce une tempête imminente. Son histoire se mêle souvent à celle des funayueri, les âmes des marins noyés. Selon les récits, ce monstre des mers demanderait une louche afin de remplir les bateaux d’eau pour les faire couler. Parmi les explications à cet étrange phénomène, il est possible qu’il ait été confondu avec des vagues déferlantes, des mammatus - d'inquiétantes poches circulaires à la base de nuages convectifs - des nuages d’orage ou des mirages.
Cette étrange illustration créée par Utagawa Kuniyoshi, un artiste japonais de l’époque d’Edo, représente l’umibozu jaillissant des profondeurs pour affronter « Tokuso le marin ». Les représentations de l’umibozu varient mais la tête ronde et sombre ainsi que ses grands yeux sont des caractéristiques constantes. Il apparaît lorsque les eaux sont calmes et provoque une tempête. Il serait responsable des nuages d’orages menaçants et d’autres phénomènes atmosphériques.
LES MONSTRES DES LAC
Dans l'imaginaire collectif, peu d'étendues d'eau égalent le Loch Ness. Ce lac long de 37 km est relié à la mer par des canaux. Il est suffisamment grand pour contenir tous les lacs et réservoirs de l’Angleterre et du Pays de Galle réunis. Depuis près d’un siècle, murmure-t-on, il abriterait une créature mystérieuse. Les suspicions remontent à l’époque de Colomba d’Iona, un missionnaire chrétien qui aurait eu affaire à une « bête des eaux » au 6e siècle. Mais la légende moderne a débuté le 2 mai 1933 lorsqu’un article paru dans le Inverness Courier a publié le récit d’un témoignage oculaire d’un « énorme animal se déplaçant et plongeant à la surface » du loch.
Un an plus tard, une photographie sur laquelle semblait apparaître une créature au long cou aux allures de plésiosaure a été publiée. Une véritable tempête médiatique s'en est suivie. Depuis, une multitude de représentations impressionnistes sont venues alimenter le mystère autour de cette créature connue sous le nom de « Nessie ».
La plupart des observations assimilent la créature à un serpent ou à un lézard aquatique. Il s’agirait peut-être d’un dinosaure qui aurait continué de prospérer dans les eaux riches en poissons du loch. C’est une hypothèse séduisante, d’autant plus que le Loch Ness est bien plus profond que la majeure partie de la mer du Nord. Par endroit, il atteint les 220 mètres de profondeur. D’autres explications plus prosaïques ont été avancées, suggérant la présence d’un requin d’eau douce, d’un calmar doté d’une grande capacité d’adaptation, d’une anguille ou même d’une loutre.
En réalité, le monstre du Loch Ness est la parfaite définition de la cryptozoologie. La plupart des témoignages ne sont autres que des canulars, y compris la photo sur laquelle a été construite la légende moderne. Pourtant, le monstre du Loch Ness a attiré une attention scientifique considérable pour prouver, ou infirmer, son existence. Des études au sonar ont été menées par l’université de Birmingham. D’autres ont été financées pour partie par la BBC et une étude ADN du loch a été établi par trois universités européennes.
En 1977, National Geographic s'est à son tour engagé dans ces recherches en recrutant David Doubilet, un photographe sous-marin, et l’explorateur Robert Ballard. Ils ont été chargés de conduire une étude photographique dans les profondeurs du lac. Huit ans plus tard, M. Ballard a mis au jour l'épave du Titanic mais aucune de ses expéditions n’a pu prouver l’existence d’un monstre au sein du Loch Ness. Malgré les nombreux arguments contre cette hypothèse, il est également difficile de prouver qu’il n’existe pas.
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