Cette extraordinaire sculpture de l'Âge de pierre vient d'être découverte en Finlande
Les scientifiques tentent de comprendre la signification et la fonction de cette étrange découverte. Vieille de 4 000 ans, la sculpture a été retrouvée au sein d’un site situé sur les anciennes rives d’un lac.
Le serpent vieux de 4 000 ans a été fabriqué à partir d’une branche de bois en provenance de l’actuel sud-ouest de la Finlande. Les chercheurs supposent qu’il pourrait s’agir d’une couleuvre à collier (Natrix natrix) ou d’une vipère péliade (Vipera berus).
Les serpents ont été redoutés, vénérés, et représentés dans l’art tout au long de notre histoire. On les retrouve dans les panthéons des dieux égyptiens ou aztèques, mais aussi représentés par des déesses indiennes ou méditerranéennes.
Une nouvelle contribution est venue s’ajouter à la galerie ancestrale des serpents, en provenance des champs gorgés d’eau de Finlande.
Cet artefact unique vieux de 4 000 ans a été découvert l’année dernière à Järvensuo I, un site du sud-ouest de la Finlande composé de tourbe et de boue. La découverte a été documentée dans un article publié le 29 juin dans la revue Antiquity.
Cette figurine longue de 53 centimètres a été trouvée enfouie à près de 45 centimètres de profondeur sous une couche de tourbe. Ses traits ont été délicatement taillés dans du bois. L’artiste a pris soin d’incorporer dans la branche des courbes sinueuses pour obtenir cet effet serpentin.
Au cours d’un entretien avec National Geographic, Satu Kavisto, archéologue à l’université de Turku et auteure principale de l’étude, a décrit comment la découverte de ce modeste artefact leur a « tous donné des frissons ».
« Nous étions abasourdis », témoigne-t-elle.
Les chercheurs soulignent que cette figurine de serpent en bois est une trouvaille unique pour l’Europe du Nord du Néolithique. Si des serpents taillés dans du bois, des os, de l’ambre ou de l’argile ont été retrouvés entre la région de la Baltique et les monts Oural, ces figurines sont bien moins courantes que les représentations d’autres créatures, notamment les sauvagines ou les élans.
Des archéologues fouillent le site humide de Järvensuo I, situé dans le sud-ouest de la Finlande. Des artefacts organiques datés du Néolithique et bien conservés y ont été retrouvés. Il s’agit d’un site de fouilles risqué en raison du drainage.
UN ARTEFACT ENCORE INCOMPRIS
L'espèce de serpent représenté et le type de bois utilisé n’ont pas encore été identifiées. Les chercheurs estiment qu’il ressemble toutefois à une couleuvre à collier (Natrix natrix) ou à une vipère péliade (Vipera berus).
Le serpent de Järvensuo I est une pièce magistrale de l’art néolithique. Son utilité reste quant à elle énigmatique. S’agissait-il d’un jouet d’enfant ou d’un objet pour les rituels ? Aurait-il été laissé tomber par accident ou placé délibérément à l’endroit où il a été trouvé près de quarante siècles plus tard ?
Mme Kavisto précise que l’endroit où il a été localisé aurait un jour été une prairie luxuriante et marécageuse, difficile à atteindre et à traverser.
Les serpents revêtaient une grande valeur symbolique pour les peuples finno-ougriens et samis du nord de l’Europe. Selon les chercheurs, à cette époque, les Hommes pensaient que les chamans se transformaient en serpent.
Ces reptiles sont aussi représentés dans l’art rupestre de la région. Parfois, ils sont illustrés dans les mains de figures humaines. Il est toutefois impossible de déterminer si ces exemples avaient la même valeur que la figurine excavée à Järvensuo I.
« Il semblerait y avoir une certaine connexion entre les serpents et les individus », a déclaré Antti Lahelma, coauteur de l’étude et archéologue à l’université d’Helsinki, dans un communiqué de presse. « [Cette trouvaille] nous rappelle le chamanisme nordique, présent à cette période historique, quand les serpents jouaient un rôle particulier en tant qu’auxiliaires spirituels du chaman. Bien que le décalage temporel soit immense, la possibilité qu’il s’agisse d’une sorte de continuité est séduisante : aurions-nous découvert un bâton de chaman daté de l’Âge de pierre ? »
UNE COURSE CONTRE LA MONTRE
Après sa découverte fortuite dans les années 1950 par des fossoyeurs, Järvensuo I a été brièvement fouillé dans les années 1980. Du matériel de pêche, des poteries de la culture de la céramique cordée ainsi qu’une louche en bois dotée d’un manche en forme de tête d’ours y ont été mis au jour. La datation des artefacts au carbone 14 a déterminé que des peuples prospéraient dans cette région il y a entre 4 000 et 2 000 ans. À cette époque, il s’agissait des rives d’un lac aujourd’hui disparu.
Du fait de la nature du site, de nombreux objets en matière organique comme le bois, qui auraient dû se décomposer avec le temps, ont été préservés dans la tourbe et la gyttja, une boue formée par la décomposition partielle de la tourbe. Les vestiges humains, quant à eux, semblent s’être dissouts rapidement dans ce milieu acide.
Une femme photographie le serpent peu après sa découverte. Cette trouvaille exceptionnelle « nous a tous donné des frissons », témoigne Satu Kavisto, archéologue et chercheuse principale.
Grâce à une bourse sur trois ans accordée par l’Académie de Finlande, l’équipe de Mme Kovisto est retournée sur place l’année dernière. Le site se trouvant en plein air et la faible prévalence du coronavirus en Finlande ont permis aux chercheurs de conduire leurs travaux relativement normalement.
La plupart des artefacts découverts jusqu’à maintenant ont un lien avec la pêche. Sur le site, les chercheurs ont retrouvé des flotteurs, des plombs faits à partir d’écorces de pin et de bouleau ainsi que des piquets et des pieux en bois plantés dans l’ancien fond du lac.
Les archéologues disposent d’une dernière année de subventions pour fouiller cette zone humide unique, une situation qui ressemble de plus en plus à une course contre la montre.
« J’ai été surprise de constater le nombre d’artefacts organiques que nous avons trouvé en 2020. Mais les terres agricoles semblent tellement cultivées là-bas. On y trouve un système de drainage systématique qui fait baisser le niveau des nappes phréatiques en permanence », déplore Mme Kovisto.
« Des premiers signes de destruction de ces matériaux sont d’ores et déjà visibles. Nous n’avons donc plus beaucoup de temps pour faire ce type de découvertes.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.