Chine : découverte de la tombe de l'empereur Xiaomin
Le tombeau de l’empereur Yuwen Jue, ou Xiaomin, reconnu comme premier souverain des Zhou du Nord, vient d’être découvert. Les éléments qu’il renferme fournissent de précieuses informations sur les origines de cette dynastie.
Reliques récemment découvertes sur la tombe de Yuwen Jue, empereur fondateur de la dynastie des Zhou du Nord (557-581), dans le village de Beihe, dans le district de Weicheng de Xianyang de la province du Shaanxi au nord-ouest de la Chine.
Le 19 septembre 2023, des archéologues de l’Académie d’Archéologie du Shaanxi ont mis au jour un tombeau troglodyte dans le village de Beihe, situé dans la province du Shaanxi, à Xianyang, au nord-ouest de la Chine. Cette région est connue de longue date des historiens et archéologues pour sa forte concentration en tombes particulièrement bien conservées, datées de la dynastie des Zhou du Nord (557 à 581), jusqu’aux dynasties Sui et Tang (581 – 907).
Il s’agit du tombeau de Yuwen Jue (宇文覺), un ancien empereur dont l'histoire est faite de mystère, de complots politiques et de trahisons familiales. Cette découverte est d’une « grande importance pour la recherche historique sur les empereurs de la dynastie du Nord », souligne Zhao Zhanrui, archéologue ayant travaillé sur le site de fouilles.
COMPLOTS ET ASSASSINATS
Pour comprendre qui était Yuwen Jue, il faut se plonger dans les méandres d’une histoire familiale aussi complexe qu’obscure, au cœur d’une tourmente et d’une instabilité politique générale où les dynasties chinoises au Nord se succèdèrent.
Le pouvoir en place était la dynastie des « Wei du Nord, [laquelle] perdait son contrôle sur le nord de la Chine, étant divisée entre ce que nous appelons les Wei de l’Est et de l’Ouest. Chacun [de ces groupes] était dirigé par des empereurs de la même tribu Tuoba, non chinoise », explique Albert E. Dien, professeur émérite à la faculté de langues et cultures d’Asie de l’Est de l’Université de Stanford, également auteur d’un ouvrage de référence sur cette période de l’histoire de la Chine, The Cambridge History of China (vol. 2).
Yuwen Hu (宇文护), neveu du général suprême des Wei occidentaux, Yuwen Tai (宇文泰), devint à la mort de ce dernier le tuteur du fils du défunt dirigeant, le fameux Yuwen Jue. Il parvint à forcer en 557 le dernier empereur des Wei occidentaux, l’empereur Gong, à céder le trône à son élève et cousin Yuwen Jue, faisant de lui l’empereur Xiaomin, premier empereur de la dynastie des Zhou du Nord. Le fin stratège, devenu régent de la nouvelle dynastie, resta ainsi au plus près de la réalité du pouvoir.
Situation politique de la Chine vers 572, lors de la période finale des dynasties du Sud et du Nord.
L’emprise politique de Yuwen Hu déplaisait. « Des généraux vétérans qui estimaient que Yuwen Hu avait outrepassé son rang dans les affaires de l’État commencèrent à comploter contre lui », explique Dien. Quelques mois après son accès au trône, Yuwen Jue, le nouvel empereur céleste, prit part au complot des opposants de son tuteur afin d’orchestrer son assassinat, et ainsi accéder aux pleins pouvoirs. Découvrant que quelque chose se tramait, Yuwen Hu fit exécuter les généraux qui le défiaient et assassinat l’empereur, qu’il remplaça par un autre fils de Yuwen Tai, Yuwen Yu, qui devint l’empereur Ming.
Les registres impériaux indiquent que quelques mois plus tard, Yuwen Hu « tua ce qu’il avait remplacé », expose Albert E. Dien. Trois ans plus tard, en 560, il empoisonna en effet ce même empereur qu’il venait d’installer sur le trône et assit d’autant plus sa domination. Il plaça cette fois sur le trône un nouveau fils de Yuwen Tai, qui allait changer le cours de l’histoire : l’empereur Wu. En 572, le nouvel empereur martial tendit une embuscade à Yuwen Hu. Accédant enfin aux pleins pouvoirs, il redonna le titre d’Empereur de manière posthume à son frère assassiné, Yuwen Jue, et entama un certain nombre de conquêtes, notamment à l'est, qui marquèrent le début d’un long processus de réunification de la Chine.
L'ÉPITAPHE D'UN EMPEREUR DÉCHU
La tombe troglodyte en terre de Yuwen Jue récemment découverte renferme depuis près de 1 500 ans des détails essentiels pour comprendre ce qui s’est réellement passé. La chambre funéraire de 56 mètres de long, enfouie à 10 mètres sous la surface, contient 146 objets funéraires, majoritairement des figurines en terre cuite. Elle est également marquée d'une inscription, plus précisément une épitaphe qui dit ceci : « Il s’agit de la tombe du duc de Lüeyang ».
« C’est toute l’histoire qui change », explique Dien. En effet, « duc de Lüeyang » correspond au titre que le premier empereur des Zhou du Nord, Yuwen Jue, avait avant d’accéder au pouvoir. Mais aucune mention de son statut d’empereur ne figure dans la tombe. « Quand le premier empereur a été tué en 557, les registres impériaux ne faisaient que mentionner son assassinat ». Cette inscription a été gravée au moment de sa mort.
L’assassin a dû masquer son crime : « il ne pouvait guère s’agir de la tombe de quelqu’un qui était un empereur traîné du trône et exécuté pour avoir comploté pour tuer celui qui détenait la réalité du pouvoir du royaume », déduit Dien. Voilà pourquoi il n’a été fait mention que de son ancien titre. « Il se peut que la mort de l’empereur ait été présentée comme naturelle ». De plus, les funérailles de l’empereur ont été très discrètes, « ce qui expliquerait la très brève épitaphe ».
Récemment découvert au nord-ouest de la Chine par des archéologues de l'Académie de Shaanxi, ce tombeau, long de 56 mètres abritant inscriptions et artefacts, était celui de l'empereur Xiaomin, fondateur de la dynastie des Zhou, nommé post-mortem.
Cette découverte nous apprend que cette discrète tombe de prince gravée de cette modeste inscription a été construite au moment de l’assassinat du jeune empereur Xiaomin, probablement par prudence. Ce n’est qu’en 572, lorsque l’empereur Wu rendit à son frère son titre d'empereur, qu’un « tombeau digne de son rang aurait été préparé », avec tout un mobilier funéraire. « On savait que l’empereur martial avait restauré le nom de son jeune frère », reprend Dien, « mais pas qu’il avait fait construire une tombe en son honneur ».
Cet évènement, bien que mineur et intrinsèque à la famille impériale, marqua un tournant dans la dynastie des Zhou, qui joua un rôle majeur dans les débuts de la réunification de la Chine. L’arrivée aux pleins pouvoirs de l’empereur Wu en 572 fut le début d’une série de victoires à l’est qui permirent de réunifier une grande partie du territoire.
À la mort de cet illustre empereur en 580, ses successeurs échouèrent à maintenir le vaste territoire dont ils héritèrent, ce qui entraîna la chute de la dynastie un an plus tard, laissant place à la dynastie des Sui, puis à celle des Tang, qui se maintint sur plus de trois siècles et offrit une stabilité nouvelle à la Chine du Nord.