Les Hello Girls, héroïnes oubliées de la Première Guerre mondiale

Les États-Unis n'accordèrent le statut de vétérans à ces femmes américaines déployées en 1917 sur des zones de combat en France, que cinquante ans plus tard.

De Erin Blakemore
Publication 17 juin 2024, 11:49 CEST
Des américaines opérant des échanges téléphoniques à l'Hôtel Élysée Palace en 1919. La Women's Telephone Unit ...

Des américaines opérant des échanges téléphoniques à l'Hôtel Élysée Palace en 1919. La Women's Telephone Unit de Signal Corps fut la première unité féminine que les États-Unis déployèrent dans des zones de combat.

PHOTOGRAPHIE DE National Archives

Ethel Elkins était l'une des 25 000 Américaines qui se portèrent volontaires en Europe, pendant la Première Guerre mondiale. Mais, contrairement à la plupart des femmes ayant servi au sein du Comité international de la Croix-Rouge ou d'autres organisations humanitaires, Elkins fut l'une des premières femmes soldats portant l'uniforme de l'U.S. Army Signal Corps officiellement déployées sur une zone de combat.

La nation américaine s'en enthousiasmait : « Combien de jeunes filles connaissez-vous qui ont "la disposition des anges", une bonne constitution, une force d'âme, une voix douce et mélodieuse, et la capacité de parler français aussi couramment que l'anglais ? », écrivit un reporter dans un article sur Elkins, publié en 1918 dans un journal de Philadelphie. Elkins n'était pas une jeune fille, mais sa voix importait. Son unité servait d'opératrices téléphoniques en première ligne sur les champs de bataille en France, traduisant, décryptant et déchiffrant les messages critiques entre les corps français et américains.

Officieusement connues sous le nom de « Hello Girls », les 223 femmes de la Woman's Telephone Unit (« Unité téléphonique féminine » en français) du Signal Corps américain étaient connues pour leur efficacité, leur patience et leur bravoure en première ligne. Mais, malgré leur contribution et l'importante notoriété dont elles furent l'objet au début de leur service militaire, Elkins et ses consœurs se sont vues plus tard refuser le statut de vétérans et les pensions qui y étaient liées, et leur travail tomba dans l'oubli.

Plus d'un siècle plus tard, un groupe bipartisan de législateurs a poussé le Congrès américain à commémorer le rôle de la Female Telephone Operators Unit du Signal Corps en lui décernant la plus haute distinction civile de la nation : la Médaille d'or du Congrès.

 

DES FEMMES AU SERVICE DE LEUR PAYS

Lorsque les États-Unis entrèrent en guerre en 1917, ils voulurent s'appuyer sur des opérateurs téléphoniques français pour émettre et recevoir des appels provenant du front. Cependant, leurs compétences limitées en anglais et les différences culturelles incitèrent les dirigeants américains à se tourner vers leurs propres soldats pour remplir cette mission. Ce qui se solda là aussi par un échec. Ils remarquèrent immédiatement que les soldats manquaient d'expérience et d'aptitudes linguistiques. L'armée avait besoin d'opérateurs expérimentés et, à ce moment-là, la majorité des opérateurs téléphoniques américains étaient des femmes. Alors, cette même année, le Général John Pershing lança un appel aux femmes intéressées pour servir leur pays en première ligne.

La Deuxième unité du Signal Corps sur une photo de groupe de 1918. Les femmes avaient acheté leurs propres uniformes et ils ne leur furent pas remboursés par l'armée américaine.

PHOTOGRAPHIE DE National Archives at College Park

Peu de temps après, l'armée rassembla un groupe principalement constitué d'opératrices bilingues, sélectionnées parmi les candidates ayant réussi les tests psychologiques et passé la vérification d'antécédents par les services secrets. Sujettes à la discipline militaire ordinaire, ces femmes, dont l'âge moyen était de vingt-six ans, suivirent un entraînement militaire comprenant des exercices et des leçons sur l'histoire et la terminologie militaires. Le premier groupe de trente-trois opératrices téléphoniques, qui portaient l'uniforme en laine bleu marine de l'armée américaine, se présentèrent en France en mars 1918.

 

EN PREMIÈRE LIGNE

La présence de femmes américaines sur les champs de bataille européens fit des ravages dès le début, et elles devinrent immédiatement connues sous le nom de « Hello Girls », un terme aux origines inconnues qui émergea avec la popularité croissante des téléphones au début du 20ᵉ siècle. Selon Lora Vogt, vice-présidente de l'Éducation et de l'Interprétation au Mémorial de la Liberté, dans le Missouri, aux États-Unis, elles travaillaient cinq fois plus rapidement que leurs homologues masculins. Elles fournirent des communications qui furent essentielles à la victoire des Alliés.

C'était un travail dangereux. D'après l'historien Jill Frahm, les femmes travaillaient souvent à portée de tir de l'artillerie allemande. Elles s'occupaient de tout, de la transmission des messages codés à l'acheminement du ravitaillement, en passant par la liaison entre les commandants et les hommes dans les tranchées, et elles s'efforçaient même de rétablir les communications lorsque les fils de fer étaient endommagés par les combats. « Les opératrices téléphoniques du Corps expéditionnaire américain était un élément fiable de la machine militaire », écrit Frahm, « ce qu'aucun groupe de femmes n'avait jamais été. »

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    Les « Hello Girls » fournissant un soutien aux communications critiques près du front, en France, en 1919.

    PHOTOGRAPHIE DE National Archives at College Park

    Cela ne veut pas dire que leur service était simple ou qu'elles étaient protégées de la misogynie ordinaire sur le front. Comme l'explique l'historienne Elizabeth Coobs dans son livre The Hello Girls : America's First Women Soldiers, de nombreuses femmes sentirent que leurs efforts étaient entravés parce qu'elles étaient positionnées trop loin du front, tandis que d'autres avaient dû faire face à l'opposition manifeste de nombreux commandants à leur présence sur le terrain. En 1918, les femmes soldats protestèrent formellement contre le surnom « Hello Girls ». Il en résulta une directive du ministère de la Défense américain les appelant respectueusement la Woman's Telephone Unit du Signal Corps américain. 

     

    HÉROÏNES OUBLIÉES

    Bien que des centaines d'opératrices téléphoniques américaines eussent servi leur pays en France jusqu'en 1920, seule l'une d'entre elles reçut une médaille de la part du Signal Corps. Comme le note Cobbs, la majorité de ces femmes n'avait même pas réalisé que le gouvernement américain ne les voyait pas comme des soldats avant qu'elles ne tentent de demander les mêmes avantages que les hommes militaires et vétérans, y compris les primes de combat, les pensions et les funérailles militaires.

    Ce n'est qu'en 1977, à la suite d'un procès et de la promulgation d'une loi, que les femmes obtinrent le statut d'anciennes combattantes, malgré les objections de l'armée, de l'administration des anciens combattants et même de la Légion américaine.

    Aujourd'hui, des partisans des Hello Girls affirment que la reconnaissance de 1977 n'est pas allée assez loin. Dans leur proposition de loi, à nouveau soumise en mai 2024, le groupe bipartisan de la Chambre des représentants et du Sénat demande que ces femmes se voient décerner la Médaille d'or du Congrès. Soutenue par l'American Historical Society, l'American Legion et d'autres organisations, la loi, si elle est adoptée, reconnaîtra officiellement le service de ces femmes pendant cette période de grande incertitude.

    Cette initiative pourrait sembler trop tardive, mais Laura Vogt estime qu'elle mettrait en exergue l'importance de leur histoire, non seulement dans les classes d'école ou les livres d'Histoire, mais aussi dans le débat national. Le rôle de ces Américaines « fut crucial pour la victoire des Alliés dans la Première Guerre mondiale », déclare-t-elle. « Recevoir cet honneur à titre posthume contribuera à reconnaître le travail, supérieur bien que non équitable, que les femmes au sein de la Female Telephone Operators Unit du Signal Corps ont accompli dans le cadre de l'effort de guerre. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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