Qu’est-ce que le colonialisme ?

L’histoire de l’assujettissement des peuples indigènes, ainsi que l’exploitation de leurs terres et des ressources qu’elles abritent, est longue et brutale.

De Erin Blakemore
Publication 10 oct. 2023, 10:14 CEST
Christophe Colomb prit la mer au départ de l’Espagne en 1492. Depuis quelques années, le récit palpitant de ...

Christophe Colomb prit la mer au départ de l’Espagne en 1492. Depuis quelques années, le récit palpitant de son expédition devient peu à peu un évènement marquant le début des violences perpétrées à l’encontre des populations indigènes de l’Amérique du Nord et du Sud.

PHOTOGRAPHIE DE Photograph of Library of Congress, Corbis, VCG via Getty

Le colonialisme est défini comme « le contrôle qu’exerce une puissance sur une région ou un peuple dépendant ». Ce contrôle s'exerce lorsqu’une nation en assujettit une autre, en conquérant et en exploitant sa population, souvent en lui imposant sa propre langue et sa culture. En 1914, la majorité des pays du monde (à l’exception notable du Japon, de la Corée et de la Thaïlande) avaient été colonisées à un moment ou à un autre par les Européens.

Le concept de colonialisme est étroitement lié à celui de l’impérialisme, politique ou philosophie visant à user de sa puissance et de son influence pour contrôler une autre nation ou un autre peuple.

 

HISTOIRE DU COLONIALISME

Dès l’Antiquité, des empires comme celui de la Grèce antique, de la Rome antique, de l’Égypte antique et de la Phénicie pratiquaient déjà le colonialisme. Ces civilisations étendirent toutes leurs frontières dans les régions voisines ou non contigües à partir de 1550 av. J.-C. et établirent des colonies pour accroître leur puissance, en exploitant les ressources naturelles et la population des peuples conquis.

Dans la Grèce antique par exemple, les cités-États fondaient souvent des colonies pour s’approprier de nouveaux territoires et amasser de nouvelles richesses. Après consultation d’un oracle, les membres de la cité-État envoyaient un groupe d’habitants pour créer la nouvelle colonie qui, pour sceller l’association entre la colonie et la cité, allumaient un feu avec une flamme prélevée dans le foyer central de leur ville d’origine et se livraient à d’autres rites destinés à revendiquer le nouveau territoire.

Lors des Grandes découvertes, la fondation d’une nouvelle colonie dépendait de l’obtention du soutien d’un riche mécène (le plus souvent un monarque). On embarquait ensuite à bord d’un navire dans l’espoir de découvrir des terres non cédées. Le Portugal commença à chercher de nouvelles routes commerciales et civilisations hors d’Europe dès le début du 15e siècle. En 1415, les explorateurs portugais conquirent Ceuta, ville côtière d’Afrique du Nord et première pierre d’un empire qui allait perdurer jusqu’en 1999.

Les Portugais ne tardèrent pas à conquérir et peupler des îles comme Madère et le Cap Vert, et l’Espagne, nation rivale, décida de se lancer dans l’exploration à son tour. En 1492, Christophe Colomb partit à la recherche d’une route de l’Ouest menant aux Indes et à la Chine. Il découvrit à la place les Bahamas, qui allaient devenir la première colonie de l’Empire espagnol. Très vite, l’Espagne et le Portugal entrèrent en compétition pour mettre la main sur de nouveaux territoires indigènes dans les Amériques, les Indes, en Afrique et en Asie.

Le reste de l’Europe leur emboîta rapidement le pas : l’Angleterre, les Pays-Bas, la France et l’Allemagne commencèrent bientôt à bâtir leur propre empire à l’étranger, faisant la guerre à l’Espagne et au Portugal pour récupérer les terres déjà colonisées.

Le plus souvent, un petit groupe d’hommes européens arrachaient aux mains des indigènes les terres où étaient ensuite implantées les colonies en les confrontant ou en les intimidant avec leurs navires, leurs armes et les objets dont ils faisaient le commerce. Sur les 90 hommes qui formaient l’équipage de Colomb lors de sa célèbre expédition de 1492, seuls 39 sont ainsi restés sur place pour fonder une colonie sur ce qui allait devenir l’actuelle île d’Haïti.

 

ASSUJETTISSEMENT ET RÉVOLUTIONS

Le colonialisme était aussi l’occasion de recruter et le plus souvent de réduire en esclavage les indigènes au bénéfice de la puissance coloniale. Au Brésil par exemple, les explorateurs appelés bandeirantes partaient à la recherche d’autochtones à capturer et à réduire en esclavage pour les faire travailler dans les plantations et les mines portugaises. Les négriers de toute l’Europe participèrent au commerce triangulaire, vendant des hommes et femmes de l’Afrique centrale et de l’Ouest et les forçant à travailler pour enrichir leurs empires.

Cecil Rhodes, impérialiste britannique et fondateur de la compagnie diamantaire De Beers, est une figure controversée en Afrique ...

Cecil Rhodes, impérialiste britannique et fondateur de la compagnie diamantaire De Beers, est une figure controversée en Afrique du Sud. Ces dernières années, les appels des habitants du pays à démanteler les monuments érigés en son honneur se sont multipliés, ces derniers le considérant comme un architecte de l’apartheid.

PHOTOGRAPHIE DE Hulton-Deutsch Collection, Corbis, Corbis via Getty

D’anciennes colonies finirent même par devenir des colonisateurs : ce fut le cas des États-Unis, territoire qui appartenait à la Grande-Bretagne avant de remporter la Guerre d’indépendance, d’étendre ses frontières et de mettre la main sur des terres situées dans le Pacifique et en Amérique latine.

À partir des années 1880, les nations européennes commencèrent aussi à conquérir des nations africaines dans une course vers les ressources naturelles convoitées du continent. Elles fondèrent des colonies qui ont perduré jusqu’à la décolonisation, dont le processus s’est étalé de 1914 à 1975 et au cours duquel la domination européenne fut contestée dans le monde entier.

De tous les colonisateurs, l’Empire britannique fut le plus grand. À son apogée, au lendemain de la Première Guerre mondiale, il comptait des territoires sur chaque fuseau horaire de la planète ; le soleil « ne s’y couchait jamais ». L’Angleterre bénéficia de l’aide des gouvernements coloniaux britanniques pour mettre en application son agenda politique et économique.

Malgré la multiplication des colonies européennes, la plupart des pays colonisés à l'ouest de l'Europe obtinrent leur indépendance aux 18e et 19e siècles, processus qui débuta avec la révolution américaine (1776) et la révolution haïtienne (1781). Les pays situés à l'est de l'Europe continuèrent quant à eux de susciter la convoitise des puissances coloniales européennes.

 

JUSTIFICATION COLONIALE ET RÉSISTANCE

Ces dernières justifiaient leurs conquêtes en clamant qu’elles avaient l’obligation légale et religieuse de contrôler les terres et la culture des peuples indigènes. Elles civilisaient les nations « sauvages » ou « barbares » et affirmaient agir dans les meilleurs intérêts de ceux dont les terres et les populations étaient exploitées.

Les chefs religieux encouragèrent et participèrent à l’accaparement des terres étrangères ainsi qu’à leur exploitation et à celle des peuples qui y vivaient, le plus souvent au nom de la conversion au christianisme. Au 15e siècle, les papes catholiques publièrent une série de bulles pontificales, désormais connues sous le nom de « Doctrine de la découverte », laquelle justifiait la colonisation au nom du salut des indigènes et l’accaparement des terres pour le développement de l’Église. Les missionnaires chrétiens étaient souvent les premiers à s’aventurer dans les nouveaux territoires. Animés par la croyance qu’ils devaient convertir le plus d’indigènes possible au christianisme, ils diffusèrent leurs coutumes religieuses et culturelles et affichèrent une attitude paternaliste envers les habitants autochtones des colonies.

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    PHOTOGRAPHIE DE Bettmann, Getty

    Et pourtant, la résistance à cet assujettissement fait partie intégrante de l’histoire du colonialisme. Avant même le début de la décolonisation et sur tous les continents, les peuples indigènes résistèrent aux colons de manière violente et non violente. Ce fut notamment le cas lors de la révolte des Pueblos, qui mit fin à la domination espagnole dans l’actuel Nouveau-Mexique en 1680 ; la révolte des esclaves transformée en révolution à Haïti en 1791 ; une série de rébellions contre les Anglais en Inde ; et bien d’autres cas de résistance collective et individuelle.

    L’Éthiopie parvint à demeurer l’une des deux seules nations africaines à éviter la domination coloniale européenne grâce à plusieurs alliances judicieuses conclues par son empereur. Elle repoussa aussi une tentative d’invasion italienne en 1896 lors de la bataille d’Adoua.

     

    UN LOURD HÉRITAGE

    Les gouvernements coloniaux investirent dans les infrastructures et le commerce, diffusèrent les connaissances médicales et technologiques, encouragèrent parfois l’alphabétisation ou l’adoption des normes occidentales relatives aux droits de l’homme, et jetèrent les bases des institutions et des systèmes gouvernementaux démocratiques. Dans certaines anciennes colonies, comme le Ghana, la colonisation permit l’amélioration de l'alimentation et de la santé des populations et fut associée à des progrès en matière de développement des nations.

    Mais tout cela était souvent accompagné d’une assimilation forcée et d’intimidation, si bien que les historiens débattent encore des nombreux héritages du colonialisme. Celui-ci a notamment eu comme conséquences la dégradation de l’environnement, la propagation de maladies, l’instabilité économique, les rivalités entre ethnies et les violations des droits de l’homme, des problèmes qui peuvent perdurer longtemps après la fin de la domination coloniale d’un groupe.

    John McQuade, historien spécialiste de l’Asie du Sud, écrit ainsi : « Il faut avoir une lecture erronée très sélective des éléments de preuve à disposition pour affirmer que le colonialisme n’était pas une catastrophe humanitaire pour la plupart des nations colonisées ».

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en février 2019 en langue anglaise.

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