Calamity Jane, figure légendaire du Far West
En s'affranchissant des conventions de son époque, Martha Jane Cannary, audacieuse et libre, est entrée dans la légende de la conquête de l'Ouest.
Portrait de Martha Jane Cannary, connue sous le nom de Calamity Jane.
Dans une vaste plaine de l’Ouest américain, dans un décor aride et montagneux, Calamity Jane, vêtue d'un long manteau de cuir et d'un chapeau de cow-boy, est assise sur son cheval et embrasse la scène d’un regard circulaire, froid et déterminé. Le soleil intense, implacable, fait perler la sueur sur son front et briller les révolvers accrochés à sa ceinture. Des hors-la-loi armés jusqu’aux dents lui font face. Leurs visages reflètent la satisfaction d’une victoire annoncée. Sans doute un excès de confiance face à des adversaires menés par une femme.
Calamity Jane dégaine ses revolvers la première avec une rapidité impressionnante. La riposte est rapide mais de courte durée. Les balles sifflent dans l’air et soulèvent la poussière. Calamity Jane esquive les tirs de ses adversaires avec une agilité déconcertante. Semblant faire danser son cheval, elle atteint ses ennemis avec une précision mortelle, les poussant bientôt à la fuite et sauvant ses compagnons, ébahis devant cette force de la nature, entrée depuis dans les légendes de l’Ouest.
Cette scène, digne d'un western, est une scène de la vie de Calamity Jane telle qu'elle la raconta elle-même dans ses mémoires. Avec bravoure et détermination, elle a mené de nombreuses batailles et marqué l’histoire de la conquête de l’Ouest américain.
Les récits de cette épopée regorgent de personnages mythiques souvent rapportés du point de vue masculin, mettant en avant les cow-boys affrontant les Indiens et les pionniers partant à la recherche d’or. Calamity Jane s'est imposée au milieu de ces figures masculines emblématiques. Intrépide et considérée comme irrévérencieuse, elle a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de l’Ouest sauvage, devenant à la fois une icône et une source de fascination pour toutes les générations.
Calamity Jane par C.E.Finn - une image ancienne de Jane, vêtue de cuir de sarrasin et tenant un fusil Sharps et un revolver sur sa hanche.
UNE ENFANCE AVENTUREUSE MAIS CHAOTIQUE
La vie de Calamity Jane est un défi pour les historiens, tant il existe de versions et d'interprétations de sa biographie. Martha Jane Cannary voit le jour le 1er mai 1852 et grandit à Princeton, dans le Missouri, au sein d’une famille très pauvre, dans un environnement rude et dominé par les hommes. Attirés par les vastes espaces de l'Ouest et la ruée vers l'or, ses parents, Robert et Charlotte Cannary, décident de traverser l'Amérique avec leurs six enfants. Martha Jane a alors 13 ans. C’est peut-être lors de ces longs voyages qu'elle développe le goût de l’aventure et de la liberté, qui forge sa personnalité impétueuse et rebelle. Elle préfère apprendre à monter à cheval, à tirer à la carabine, à pêcher et à chasser aux côtés de son père plutôt que de se conformer aux rôles traditionnellement assignés aux femmes.
Mais l'aventure prend rapidement une tournure dramatique. Pendant le voyage, la mère de Martha Jane meurt d'une pneumonie. Après quelques semaines passées dans le Montana, le père de famille décide de rejoindre l'Utah et s’installe avec ses enfants à Salt Lake City. Malheureusement, il disparaît à son tour dans des conditions qui restent obscures. Certains avancent qu'il a abandonné sa famille, d'autres affirment qu'il a été tué. Les versions divergent tout autant quant au destin de la fratrie. La version la plus probable – et la plus souvent rapportée – est qu’ils ont été placés ensemble dans une famille. Là, la jeune Martha Jane aurait été assignée aux tâches domestiques jusqu’au moment où elle décide de s’enfuir, abandonnant sa fratrie. Ce départ marque le début d'une vie d'errance dans l'Ouest sauvage, à seulement 15 ans.
ENTRE MYTHE ET RÉALITÉ
De ses premières années de vie nomade et aventureuse, la petite orpheline se débrouille pour survivre en pleine nature. Elle sait pêcher et chasser mais elle doit apprendre à se défendre pour évoluer dans un environnement inconnu et hostile. L'Ouest américain est rempli de dangers, que ce soit des animaux sauvages ou des bandes de hors-la-loi.
Selon ses propres récits, elle se retrouve seule sur les routes et doit faire face à de nombreux défis. Elle parvient à se procurer de la nourriture, à construire des abris pour dormir et se protéger des nombreux dangers qui se présentent. Ces expériences lui procurent une grande force intérieure et confirment son esprit aventureux et sa personnalité indépendante et intrépide. Cette période de solitude et d’errance marque également sa rencontre avec de nouvelles personnes devant lesquelles elle fait tout pour démontrer sa force, son indépendance et sa capacité à naviguer dans tous les territoires et en toutes circonstances. Elle occupe des emplois de serveuse et de cuisinière, notamment au Three-Mile Hog Ranch, très fréquenté par les soldats du Fort Laramie. Et elle rêve d'un destin loin des fourneaux et des tabliers.
La mort du général Custer à la bataille de Little Big Horn. George Armstrong Custer (1839-1876) était un officier de l'armée américaine et un commandant de cavalerie pendant la guerre de Sécession et les guerres indiennes.
Est-ce à ce moment précis que Calimity Jane commence à s'inventer des exploits pour impressionner ces nouvelles rencontres dont certains deviendront des compagnons de route ? Beaucoup le pensent.
Dans ses mémoires, Calamity Jane rapporte qu'en 1870, sa féminité dissimulée sous un costume d'homme, elle rejoint les forces armées du Général George Crook qui part à la conquête des terres indiennes. Elle affirme également qu'elle participe à la bataille de Little Bighorn menée par le lieutenant-Colonel Georges Armstrong Custer en 1876, devenant ainsi la première femme blanche à pénétrer dans les « Black Hills ». Ce territoire des montagnes sacrées dans le Dakota du Sud est particulièrement convoité, principalement en raison de ses ressources en or. Mais cette incursion viole le traité de Fort Laramie signé en 1868 et les Amérindiens, menés par les chefs Sitting Bull et Crazy Horse, infligent une défaite magistrale à la cavalerie du Lieutenant-Colonel Custer. C'est par ailleurs au cours de cette bataille que ce dernier perd la vie.
Ces faits d'armes de Calamity Jane, par ailleurs à l'origine de son surnom et de sa réputation de tireuse d'élite, ont été largement contestés et restent sujets à débat parmi les historiens. Pour beaucoup d'entre eux, elle aurait été démasquée à chacune de ses tentatives pour intégrer les expéditions et renvoyée immédiatement.
Après la cuisante défaite de Little Bighorn – si tant est qu'elle ait réellement participé à cet événement, elle s'installe à Deadwood, dans le Dakota du Sud, une ville en plein essor qui attire de nombreux aventuriers en quête de bonne fortune. Deadwood est réputée pour offrir du travail, pour sa vie animée et pour sa culture du jeu. Certaines sources avancent que Calamity Jane s’y installe pour se rapprocher de Wild Bill Hickok, un célèbre soldat tireur d'élite, homme de loi (Marshal), et joueur de poker invétéré rencontré au cours d'une expédition dans l'armée américaine. On les dit amis, associés, animés par une fascination mutuelle. Wild Bill étant, aux yeux de Calimity Jane, téméraire et charismatique, tandis qu'elle revêt pour lui l'habit d'une aventurière audacieuse et excentrique.
Sa rencontre avec Wild Bill Hickok marque un tournant dans la vie de Calamity Jane. Leur relation semble tumultueuse et compliquée, mêlant admiration, respect mutuel et amitié amoureuse. Elle brouille elle-même les cartes en affirmant puis en infirmant son amour pour Wild Bill.
Cette relation prend fin brutalement en août 1876 lorsque Wild Bill est assassiné dans un saloon pendant une partie de poker. Un certain Jack McCall, qui avait perdu contre lui une importante somme d'argent quelques jours auparavant, a pénétré dans l'établissement et lui a tiré une balle dans la nuque avant de prendre la fuite. Profondément affectée par la mort de son ami, Calamity Jane traque McCall sans relâche et parvient à le livrer à la justice. Il sera jugé et pendu.
Elle reste à Deadwood où, privée de Wild Bill, elle connait des périodes difficiles. Elle enchaîne les relations amoureuses. Elle aurait donné naissance à deux enfants et, pour subvenir à leurs besoins, aurait occupé des emplois de serveuse, de danseuse de cabaret et, selon certaines sources, elle se serait même prostituée. Mais l'histoire préfère retenir que pour gagner sa vie, elle monte sur les planches pour raconter ses aventures et ses exploits depuis sa prime jeunesse jusqu'à ceux réalisés en tant qu'éclaireuse de l'armée ou aux cotés de Wild Bill. Elle perpétue ainsi la mémoire de ce dernier. De spectacle en spectacle, elle accroit sa renommée à travers les États-Unis. Entre mythe et réalité, la légende de Calamity Jane se construit.
DES FAITS D'ARMES CONTESTÉS MAIS UNE ADMIRATION INTACTE
Malheureusement, en livrant des versions différentes dans ses spectacles, elle est accusée d’exagération, voire d'affabulation. Parmi les exploits possiblement inventés, on compte sa participation à la guerre des Nez-Percés en 1877. Calamity Jane, se présentant comme éclaireuse pour l’armée américaine, prétend avoir hérité de son légendaire surnom à cette occasion. Mais ses détracteurs avancent que les dates ne concordent pas et que Martha Jane Cannary serait en réalité devenue Calamity Jane, « la calamité du Far West », en raison de son comportement parfois excessif et peu glorieux.
Quand l'Occident était vraiment sauvage, Deadwood City, Dakota, 1877
Cependant, à Deadwood, Calamity Jane reste une figure appréciée. En 1878, une épidémie de variole y fait des ravages, causant la mort de nombreuses personnes. Fidèle à sa réputation de femme courageuse, elle s'engage auprès de la communauté. Elle utilise ses compétences de cavalière pour transporter des médicaments, de l'eau et de la nourriture aux malades. Elle les veille jour et nuit sans se soucier de sa propre santé, elle enterre les morts et soutient les familles endeuillées. Pour son engagement, son courage et sa compassion, la ville de Deadwood lui sera éternellement reconnaissante.
L'HÉRITAGE DE CALAMITY JANE
Que reste-t-il du destin hors du commun mais tant controversé de Martha Jane Cannary, alias Calimity Jane ?
En 1941, l'émission « We the people » a présenté une femme qui prétend être sa fille et détenir des lettres que sa mère lui a écrites pendant plus de vingt-cinq ans. La dénommée Jean McCormick les rend alors publiques, ouvrant ainsi une nouvelle polémique.
Cette correspondance, publiée dans un livre dont Jean McCormick signe la préface, dévoile une Calamity Jane très éloignée du mythe de l'Ouest sauvage américain, de la cow-girl scandaleuse, implacable et insaisissable. Au contraire, ces lettres révèlent une personnalité maternelle profondément aimante et protectrice envers sa fille. Leur authenticité est remise en question par certains historiens, arguant qu'elles pourraient être des faux créés pour étayer une vie déjà largement inventée, ou pour attirer l'attention sur Jean McCormick, sa prétendue fille.
Il est certes difficile de démêler la vérité de la fiction dans les récits de la vie de Calamity Jane. En dépit de toutes ces controverses, et peut-être même grâce à elles, son personnage continue de fasciner. Qu'elle ait inventé certains aspects de sa vie et certains exploits ou non. Malade et alcoolique, Calamity Jane disparaît à 51 ans, le 3 août 1903, emportant avec elle les secrets et les mystères qui entourent sa mythique existence.