Circé, la magicienne à la voix mélodieuse
Elle n'a pas bonne réputation. Maîtresse de l'illusion, déesse, ensorceleuse et sorcière, capable d'ensorceler avec le seul pouvoir de sa voix, elle excelle dans l'art de soumettre et d'asservir les hommes.

Circé offrant une coupe à Ulysse, huile sur toile de John William Waterhouse, 1891.
La fille du dieu Soleil, Hélios, et de l'Océanide Perséis maîtrise l'usage des drogues et des poisons capables de susciter des métamorphoses. Certains auteurs antiques la considéraient comme une déesse, mais plus tard, son image, dégradée et avilie, la fit assimiler à une sorcière.
Circé ne fait pas de cadeaux : jalouse de la nymphe Scylla, dont s'est épris le dieu Glaucos qui repoussé ses propres avances, elle feint de fabriquer pour Glaucos un philtre d'amour qui se révèle être un véritable poison. À peine versé dans la fontaine où Scylla a l'habitude de se baigner, le liquide fait son office : transformée en monstre hideux pourvu de douze moignons et de six têtes, la ravissante nymphe, de désespoir, se jette dans la mer où, depuis, elle terrorise les marins.
D'après l'histoiren grec Denys de Milet, qui vivait au Ve siècle av. J.-C., c'est parce qu'elle aurait empoisonné son mari, le roi des Sarmates, que la belle Circé aurait été exilée dans l'île d'Ééa. Là, elle vivait dans un palais au milieu des bois, gardé par une meute de loups et de lions qui n'étaient autres que des hommes qu'elle avait jadis ensorcelés lorsque, perdus en mer, ils avaient abordé dans l'île.
APRÈS LE NAUFRAGE
Le mythe le plus célèbre qui la concerne est relaté dans l'Odyssée et met en scène le héros Ulysse, lors de sa longue errance après la guerre de Troie. Quand ses compagnons et lui débarquent sur l'île d'Ééa, après une terrible tempête où se sont abîmés tous leurs bateaux, à l'exception d'un, ils tirent au sort pour désigner une petite troupe qui partira explorer l'île sous la direction d'Euryloque, le plus fidèle compagnon du héros.
Alors qu'ils se sont engagés sur un sentier, Euryloque et ses hommes entendent au loin une voix enchanteresse qui les mène jusqu'au palais de Circé. Celle-ci les invite à entrer, mais Euryloque, redoutant un piège, préfère se tenir à l'extérieur.
UNE TROP ACCUEILLANTE HÔTESSE...
Circé fait asseoir les compagnons d'Ulysse à sa table et leur sert elle-même un délicieux breuvage composé de gruau d'orge, de miel, de fromage et de vin auquel elle a ajouté une généreuse dose de poison.

Les femmes dans les mythologies
À peine sont-ils désaltérés qu'elle prononce une incantation qui les transforme tous en porcs.
Épouvanté, Euryloque, qui a vu au loin la scène, court prévenir Ulysse. Ce dernier part, seul, à la rencontre de la magicienne pour tenter d'obtenir la libération de ses compagnons. En chemin lui apparaît le dieu Hermès, sous l'apparence d'un beau jeune homme, qui, à toutes fins utiles, lui remet l'antidote sous la forme d'une herbe appelée moly.
Déployant tous ses charmes, la magicienne lui fait bon accueil. Ayant versé dans sa coupe son fameux breuvage, elle n'a le temps que de constater que le poison n'a aucun effet sur le héros. Celui-ci, en effet, se lève d'un bond en brandissant un couteau et se précipite vers elle. Espérant l'amadouer, Circé lui propose de partager son lit. Leurs étreintes passionnées sont suivies de beaucoup d'autres.
Après un an, les compagnons d'Ulysse, auxquels la magicienne a prestement rendu leur forme humaine, ressentent de plus en plus le mal du pays et pressent le héros de reprendre la route. Secourable, la magicienne conseillle à son amant de se rendre aux Enfers afin d'y rencontrer le devin Tirésias, qui seul pourra lui indiquer le chemin du retour.
Circé et Ulysse se reverront une dernière fois lorsque, revenu des Enfers, le héros fait escale sur l'île d'Ééa. En experte, Circé lui recommande de se méfier du chant des sirènes, lorsque son bateau croisera à hauteur de l'île du même nom. En effet, ceux qui l'écoutent s'égarent et finissent noyés. Prévenu, Ulysse aura la bonne idée de boucher les oreilles de ses marins avec des bouchons de cire.

Circé représentée par Wright Barker, huile sur toile datant de 1889.
Quant à lui, désireux malgré tout d'entendre une fois dans sa vie la mortelle mélodie, il prendra la sage précaution de se faire attacher au mât de son navire. Sage, car à peine les sirènes l'euront supplié de le rejoindre qu'il implorera ses marins, sourds à ses demandes, de le détacher...
LE DERNIER RETOUR D'ULYSSE
Circé, dont Ulysse fut peut-être le seul amour, aurait eu de lui au moins un fils, Télégonos.
Un récit propose un touchant épilogue à l'histoire mythique des amants. Envoyé par sa mère à la recherche de son père, Télégonos, rejeté sur les côtes d'Ithaque à la suite d'un naufrage, tue plusieurs bêtes pour se nourrir, ignorant qu'elles appartiennent à Ulysse.
Alerté par ses bergers, Ulysse va au-devant de l'étranger, bien décidé à en découdre. Les deux hommes, ignorant mutuellement leur identité, en viennent aux mains. Au cours de la querelle, Télégonos, dont le nom signifie « qui est né au loin », blesse motellement son père.
Apprenant son paricide de la bouche de son demi-frère Télémaque, il repart avec ce dernier et avec l'épouse d'Ulysse, Pénélope, pour inhumer Ulysse sur l'île d'Ééa. Par la suite, il épouse Pénélope et Circé devient la femme de Télémaque.
Ce portrait de Circé figure dans le livre National Geographic Les femmes dans les mythologies, de Jean-Baptiste Rendu, paru aux éditions Prisma.
