Mythologie : Sequana, déesse antique de la Seine

Peu de personnes connaissent la déesse gallo-romaine qui a donné son nom à la Seine. D’origine celtique, la divinité guérisseuse Sequana, objet d’un culte, a été vénérée après la conquête romaine de la Gaule au premier siècle avant Jésus-Christ.

De Mary Winston Nicklin
Publication 4 juil. 2024, 18:14 CEST, Mise à jour 29 juil. 2024, 15:20 CEST
Dévoilée en 2015, cette statue du sculpteur Éric de Laclos représente Sequana, la déesse gallo-romaine antique ...

Dévoilée en 2015, cette statue du sculpteur Éric de Laclos représente Sequana, la déesse gallo-romaine antique de la Seine.

PHOTOGRAPHIE DE TOMAS VAN HOUTRYVE, NATIONAL GEOGRAPHIC

La Seine, c’est... Notre-Dame de Parisle musée du Louvre ou encore un ballet de bateaux sous les ponts, tout près de la tour Eiffel. « Sous le ciel de Paris coule un fleuve joyeux », chantait Édith Piaf. Les blockbusters hollywoodiens et les chansons pop à succès ont sans nul doute assuré au fleuve une célébrité internationale. Pourtant, peu de personnes connaissent la déesse gallo-romaine qui a donné son nom à la Seine. D’origine celtique, la divinité guérisseuse Sequana, objet d’un culte, a été vénérée après la conquête romaine de la Gaule au premier siècle avant Jésus-Christ.

Sculptures de bras, de pelvis, d’organes internes... Tel est le trésor qui attendait les archéologues du 19e siècle lorsqu’ils ont découvert les vestiges d’un sanctuaire gallo-romain à la source de la Seine, en Bourgogne. Les fouilles menées de 1836 à 1967 ont permis de mettre au jour quelque 1 500 ex-votos, offrandes votives, en pierre, en bronze et en bois, dont les pèlerins faisaient don à Sequana. On pense que ces sculptures représentant des parties du corps symbolisaient des blessures ou des maladies nécessitant une guérison.

« L’un de ces ex-voto représente une jambe avec une éponge placée sur la cheville, un peu comme [celle] que l’on utilise aujourd’hui sous la douche », explique Franck Abert, conservateur chargé des collections archéologiques et d’art antique du musée archéologique de Dijon où se trouve cette collection. Datant de 40 avant J.-C., les ex-votos en bois sont extrêmement rares, ayant été conservés dans un environnement marécageux et humide pendant plus de deux millénaires. Uniques en France, les ex-votos en pierre représentent des mains prenant la forme d’un étrier et tenant un fruit rond. Des statuettes illustrent des enfants portant des chiots, ce qui, selon le conservateur, pourrait refléter les processions cérémonielles se concluant par le sacrifice de l’animal. Ce type de rituel constituait une coutume dans la Rome antique.

Des messages dédiés à Sequana ont été trouvés dans de multiples inscriptions, comme sur la superbe jarre scellée contenant 120 ex-votos et quatre anneaux en or, ainsi qu’un vase rempli de plusieurs centaines de pièces de monnaie, offerte par un adorateur empli d’espoir du nom de Rufus. Aucune référence à la déesse n’a été trouvée en dehors de la source de la Seine. Si ces trouvailles sont très localisées, l’influence de Sequana a pu s’étendre plus profondément, au-delà des environs immédiats. « Le dynamisme du fleuve et le poids économique de son parcours ont peut-être donné à Sequana une renommée extrarégionale », écrit l’archéologue Sylvie Robin dans le catalogue de l’exposition « Dans la Seine » actuellement présentée à la Crypte archéologique de l’île de la Cité, à Paris.

Plan de la ville gallo-romaine de Lutèce, site antique de l’actuelle capitale de Paris, datant de 1865, par le graveur et illustrateur Henri de Montaut.

PHOTOGRAPHIE DE LOOK AND LEARN / BRIDGEMAN IMAGES

Après tout, la déesse a donné son nom au célèbre fleuve qu’est la Seine, le mot Sequana évoluant au fil du temps en cette dénomination aujourd’hui reconnue dans le monde entier. Ceci une preuve supplémentaire des origines gauloises de Sequana. « C’est un nom féminin, alors que les Romains donnaient généralement des noms masculins aux cours d’eau », affirme Franck Abert. « Le féminin [leur] était déjà attribué à l’époque gauloise ». Les archéologues pensent que les Celtes apportaient des offrandes à la déesse du fleuve pour demander une guérison ou en remerciement des vœux exaucés. Cette pratique a évolué à l’époque gallo-romaine avec un vaste complexe de temples en pierre disposant de bassins et de terrasses. Les ruines sont encore visibles aujourd’hui. 

 

LA FUSION DES MYTHOLOGIES CELTIQUE ET ROMAINE

À la suite de leur victoire sur de nombreux peuples, les Romains ont adopté des divinités locales et les ont intégrées à leur panthéon. C’est cette fusion de cultures qu’incarne Sequana. « Comme César l’a constaté, les Gaulois étaient connus pour avoir beaucoup de dieux ; ils [en] avaient pour tout », indique Franck Abert. « Mais ils ne les représentaient pas en statues comme les Romains. C’est avec la romanisation que nous avons eu les premières représentations des dieux gaulois ». Les divinités sont parfois représentées côte à côte, comme l’illustre le pilier des Nautes, sculpture emblématique se trouvant à Paris, sur laquelle figurent le dieu celte Cernunnos et le dieu romain Jupiter. Le culte d’Epona, déesse gauloise associée à la fertilité et aux chevaux, s’est répandu au-delà de la Gaule jusqu’aux confins de l’Empire romain. 

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    La Seine serpente à travers un paysage verdoyant près d’Esclavolles-Lurey, dans le nord-est de la France.

    PHOTOGRAPHIE DE TOMAS VAN HOUTRYVE, NATIONAL GEOGRAPHIC

    La seule incarnation de Sequana datant du premier siècle et qui subsiste encore aujourd’hui est une statuette en bronze immortalisant la déesse, joyau de la collection du musée archéologique de Dijon. Découverte avec une autre statuette couleur fauve près de la source de la Seine en 1933, elle représente la déesse couronnée, vêtue d’une robe fluide, se tenant sur une barque dont la proue a été façonnée en forme de tête de canard ou de cygne. « Elle est jeune, avec de grands yeux et des traits fins », écrit l’autrice Elaine Sciolino dans « The Seine : The River That Made Paris ». Apparemment, la statue a d’abord été fabriquée dans le but de représenter une déesse de l’abondance, avant d’être démontée pour y insérer une barque sur le piédestal. La corne d’abondance a ensuite été retirée de ses mains, puis le tour était joué. Un habile artisan gallo-romain a ainsi fait apparaître la divinité. La barque est ce qui définit Sequana et l’oiseau d’eau est souvent évoqué comme l’animal protecteur des enfants et de la famille. Dans les ruines d’une nécropole gallo-romaine, au niveau de la gare RER de Port-Royal à Paris, les archéologues ont trouvé des jouets d’enfants et des talismans de forme similaire.

    Les gestes des pèlerins de l’Antiquité se rendant à la source de la Seine ont inspiré l’artiste et cinéaste Yan Tomaszewski. Son récent projet porte sur des ex-votos contemporains : une série de sculptures enveloppées dans des linges en coton contenant du charbon actif. Dans le cadre d’une procession cérémonielle artistique, elles ont été immergées dans le fleuve pour y rester plusieurs semaines. « Comme les bâtons de charbon de bois que l’on met dans les carafes pour purifier l’eau et la rendre potable, le charbon actif absorbe les polluants et les impuretés », explique-t-il. « L’idée est que ces sculptures guérissent concrètement et symboliquement le fleuve ». Le charbon de bois imprégné de pollution a ensuite été envoyé à un laboratoire scientifique afin d’y être analysé et les sculptures ont été présentées dans diverses expositions muséales. L’une d’entre elles se trouve actuellement dans la Crypte archéologique de l’île de la Cité.

    L’effort à petite échelle de Yan Tomaszewski, inspiré par un rituel antique entourant Sequana et chargé de symbolisme, fait écho au projet colossal de nettoyage de la Seine qui vise à ce que la baignade y soit de nouveau possible pour les Jeux olympiques. « L’idée est celle de l’offrande », déclare-t-il. « Un cadeau pour un cadeau. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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