De Londres à Osaka : quand les Expositions universelles façonnent les villes hôtes

Les expositions universelles sont le reflet des ambitions de leur époque. Depuis la première édition de 1851 à Londres jusqu'à l'exposition de 2025 qui se tiendra à Osaka, elles façonnent les avancées technologiques et les visions du futur.

De Amandine Venot
Publication 10 mars 2025, 16:43 CET
Photographie ancienne de 1889 : le Hall des Machines lors de l'Exposition universelle de 1889 à ...

Photographie ancienne de 1889 : le Hall des Machines lors de l'Exposition universelle de 1889 à Paris. La Galerie des Machines a été conçue par l'architecte Ferdinand Dutert et l'ingénieur Victor Contamin. Avec ses 111 mètres de portée, elle représentait à l'époque le plus long espace intérieur du monde, grâce à un système d'arcs articulés en acier ou en fer.

PHOTOGRAPHIE DE Old Paper Studios / Alamy Banque d'Images

« La première Exposition universelle eut lieu en 1851 à Londres, mais le projet naquit en réalité en 1849 à Paris », explique Édouard Vasseur, archiviste français, enseignant-chercheur, historien et auteur de L’Exposition Universelle de 1867 : apothéose du Second Empire et de la génération de 1830.

Depuis 1798, la France organisait régulièrement à Paris l’Exposition publique des produits de l’industrie française. L’événement était conçu comme un espace ouvert, accessible au public, où les industriels présentaient leurs produits. Il donnait aussi lieu à un concours.

C’est un Français qui, le premier, suggéra l’idée de donner à cette exposition une dimension internationale. Au lendemain de la Révolution française, Jules de Prony, ingénieur et mathématicien, proposa d'organiser une exposition internationale des produits industriels pour stimuler l’innovation et le commerce. Son idée fut largement reprise, notamment par Jacques Boucher de Perthes, considéré comme le père de la préhistoire. En 1847, ce dernier publia un article dans lequel il suggérait une exposition mondiale regroupant les productions industrielles et artistiques de différents pays.

Le projet, ambitieux, comptait des partisans mais aussi des opposants. « De nombreux industriels français s’y opposaient farouchement, clamant que la compétition serait trop rude », raconte Édouard Vasseur. Parmi eux, on comptait les industriels du textile et de la métallurgie, qui redoutaient la concurrence des produits britanniques, perçus comme plus avancés technologiquement. Les chambres de commerce de Lyon et de Lille exprimèrent également des réserves, craignant un afflux de produits étrangers qui mettrait en difficulté les productions locales.

Finalement, les Anglais Henry Cole et le prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, époux de la reine Victoria, de passage à Paris lors de l’Exposition publique des produits de l’industrie française de 1849, concrétisèrent l’idée en 1851 à Londres. Pour eux, « l’objectif était de montrer que la qualité de leurs produits était supérieure à celle des produits français », commente l’archiviste. L’Exposition de 1851 marqua ainsi le début d’un choc de compétitivité.

 

UN ÉLARGISSEMENT NON MAÎTRISÉ

Au début, seuls les produits de l’industrie étaient exposés, des matières premières aux produits finis. Les beaux-arts ne firent leur apparition qu’à partir des premières expositions à Paris. En 1867, lors de la deuxième édition française, on pouvait y voir de tout : « des photographies, du mobilier, de la porcelaine, des soieries, de la verrerie, en passant par des produits agricoles, des minerais, des machines, des maquettes d’ouvrages de travaux publics […]. À l’époque, tout ce qui était exposable était exposé », rapporte Édouard Vasseur. C’est aussi l’Exposition universelle de 1867 qui intégra les thématiques sociales, où l'on abordait les questions d’éducation et les méthodes d’enseignement.

Au fil du temps, l’événement prit de l’ampleur, et son organisation ainsi que son financement évoluèrent. À partir de 1867, « on définit la manière dont on structura le concours jusqu’en 1900 ». Pour rentabiliser l’événement, « les investisseurs financèrent de nombreuses attractions », explique l’archiviste. « On fit construire des pavillons pour accueillir davantage d’expositions, on ajouta un théâtre, on organisa des fêtes en tout genre ». L’Exposition universelle devint un événement commercial tel que le concours industriel, première raison de sa création, fut relégué au second plan. Les visiteurs venaient moins pour le concours que pour faire la fête.

Un escalator exposé lors de l'exposition universelle de Paris, en 1900.

Un escalator exposé lors de l'exposition universelle de Paris, en 1900.

PHOTOGRAPHIE DE FALKENSTEINFOTO / Alamy Banque d'Images

L’Exposition universelle de 1900, à Paris, marqua un tournant pour la France. Cette année-là, près de 52 millions de visiteurs se rendirent à l’événement. L’attractivité de la capitale attira une telle affluence que la situation devint rapidement ingérable. « Pour cette raison, Paris n’organisa plus d’Exposition universelle après 1900 », explique Édouard Vasseur.

 

LES EXPOSITIONS UNIVERSELLES, MOTEUR D’INNOVATIONS

Mais les Expositions universelles ne furent pas uniquement synonymes de fardeau. Elles apportèrent aussi leur lot d’innovations, qui bénéficièrent aux villes hôtes et contribuèrent (en partie) à façonner ce qu’elles sont aujourd’hui.

Les années 1870-1880 marquèrent le début de l’électromania et d’une véritable compétition pour tirer profit de cette nouvelle énergie. Les promoteurs de l’Exposition universelle de 1878 estimèrent que les avancées dans le domaine de l’électricité n’avaient pas été suffisamment mises en avant lors de cette édition. En 1881, ils organisèrent alors l’Exposition internationale d’électricité pour présenter, entre autres, l’ampoule électrique de Thomas Edison, le tramway électrique de Werner von Siemens, le téléphone d’Alexander Graham Bell et la voiture électrique de Gustave Trouvé.

L’exposition fut un véritable succès. « Du jour de son inauguration à sa fermeture, près de 900 000 visiteurs se sont empressés de découvrir le palais de l’Industrie. L’événement donna un nouvel élan à l’innovation et à la ville de Paris, élan accentué par l’Exposition universelle de 1889, qui ne manqua pas de marquer les esprits » indique Édouard Vasseur.

Cette année-là, la France célébrait le centenaire de la Révolution française et cherchait à faire briller la capitale d’un nouvel éclat. En pleine ère de l’architecture métallique, la commission chargée de préparer l’Exposition de 1889 lança un concours pour choisir une construction innovante répondant aux critères suivants : « élever sur le Champ-de-Mars une tour en fer à base carrée de 125 mètres de côté et de 300 mètres de haut ». Cent sept projets furent soumis, rivalisant d’originalité. Parmi eux, une proposition audacieuse : ériger une guillotine géante en souvenir du passé révolutionnaire.

Finalement, c’est le projet Eiffel qui s’imposa comme le plus adapté aux exigences du concours. Le défi, immense, suscita néanmoins de nombreuses inquiétudes, mais la soif d’innovation de Gustave Eiffel le poussa à mener son œuvre à bien. Sa tour fut inaugurée le 31 mars 1889, juste à temps pour l’Exposition universelle qui débuta un mois et demi plus tard. Plus de 2 millions de personnes vinrent la visiter.

Si la tour Eiffel demeure l’œuvre architecturale la plus emblématique de la fin du 19e siècle, de nombreux autres bâtiments virent le jour avant d’être démantelés au fil des expositions. En 1855, on fit ainsi construire un palais de l’Industrie, qui fut ensuite démoli pour laisser place aux Petit et Grand Palais à l’occasion de l’Exposition de 1900.

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    Le clou du spectacle fut l’Exposition de 1900 à Paris, qui se voulait « le bilan du siècle ». Elle donna un coup d’accélérateur aux réseaux de transport et à l’aménagement de la capitale. « Comme pour les Jeux olympiques de nos jours, c’est grâce à l’Exposition universelle que le projet du métro parisien fut finalement achevé, après une quarantaine d’années de discussions », explique Édouard Vasseur.

    Le 19 juillet 1900, Paris inaugura sa première ligne de métro, reliant la Porte Maillot, à l’ouest, à la Porte de Vincennes, à l’est, en seulement vingt-six minutes. Une véritable révolution pour l’époque !

     

    L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE NOS JOURS 

    Aujourd’hui, l’exposition universelle continue de rythmer la vie des villes hôtes. La prochaine en date aura lieu du 13 avril 2025 au 13 octobre 2025 à Osaka, au Japon. La ville avait déjà accueilli l’édition de 1970, qui demeure la plus grande Exposition universelle du 20e siècle. « L’événement avait attiré 64 millions de visiteurs », rappelle le Bureau International des Expositions (BIE).

    Le BIE a été témoin de l’évolution des objectifs de l’Exposition universelle. « Avant l’adoption des résolutions de la 115e session de l’Assemblée générale du 8 juin 1994, l’accent était principalement mis sur l’architecture et les innovations industrielles. […] Depuis, les Expositions sont devenues un reflet de l’importance primordiale du respect de la nature et de l’environnement pour l’humanité. »

    Avec ces nouveaux objectifs, « des exigences en matière de durabilité sont devenues essentielles dans l’évaluation des projets des candidats jusqu’à l’élection du pays hôte par les États membres de l’Organisation », précise le BIE.

    Pour mener à bien l’Exposition de 2025, le Japon a dû relever plusieurs défis logistiques et environnementaux, notamment en raison du caractère insulaire du site d’accueil. En effet, l’événement ne se tiendra pas dans la ville même d’Osaka, mais sur l’île artificielle de Yumeshima.

    Naturellement, la question de l’accessibilité du site s’est posée. « Le projet a nécessité le prolongement de la ligne de métro Chūō, reliant directement le centre-ville d’Osaka à Yumeshima », explique l’organisation. Le pays a également mis en place un système de transport en commun intégré, comprenant des navettes et des pistes cyclables.

    La ville hôte a aussi mis l’accent sur les enjeux environnementaux en adoptant une approche durable. « Des matériaux écologiques ont été utilisés et des espaces verts, comme la Forêt de Tranquillité, ont été créés », précise le BIE.

    L’Exposition universelle de 2025 à Osaka Kansai mettra en avant « des enjeux sociétaux et technologiques concrets, en s’appuyant sur le concept de Society 5.0, une stratégie japonaise visant à intégrer des technologies avancées, telles que l’intelligence artificielle, l’Internet des objets et la robotique, pour résoudre des problèmes mondiaux, améliorer la qualité de vie et favoriser un développement durable inclusif », conclut le BIE.

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