Découverte de la « cité d’or perdue » de Louxor, vieille de 3 400 ans
Cette cité royale vieille de 3 400 ans a été établie par Amenhotep III puis abandonnée par son fils Akhenaton. Des vestiges remarquablement bien conservés y ont été mis au jour.
Les murs en briques d’argile de la cité vieille de 3 400 ans s’élèvent parfois à plus de 2 mètres du sol. On les voit ici encerclés par un mur en zig-zag caractéristique.
Il y a 3 400 ans, le pharaon Akhenaton a abandonné son nom, sa religion et sa capitale à Thèbes (l’actuelle région du Louxor). Selon les archéologues, il a ensuite érigé la ville éphémère d’Akhetaton d'où il régnait aux côtés de sa femme Néfertiti et a instauré un culte unique au dieu du Soleil. Après sa mort, son jeune fils Toutânkhamon est devenu souverain de l’Égypte et a cherché à effacer l’héritage controversé de son père.
Pourquoi Akhenaton a-t-il abandonné Thèbes, la capitale de l’Égypte antique depuis plus de 150 ans ? Les réponses à cette question pourraient se trouver au sein de cette métropole royale élaborée et récemment mise au jour à Thèbes, dont Akhenaton avait hérité après la mort de son père Amenhotep III. Cette trouvaille, baptisée la « cité d'or perdue de Louxor », compte bien susciter autant d’enthousiasme, de spéculations et de controverses que le pharaon qui l’a abandonnée.
Akhenaton, qui a abandonné la « cité d'or » pour établir une nouvelle capitale à Amarna, a été à l’origine d’une nouvelle forme d’art égyptienne. On le voit ici aux côtés de sa femme Néfertiti et leurs filles.
La cité n’a été découverte qu’en septembre 2020 et les archéologues ont à peine commencé à effleurer la surface de ce site tentaculaire. Il est encore difficile de déterminer à quel point cette découverte est importante au niveau de l’Histoire de l’Égypte. Le niveau de conservation de la cité a toutefois impressionné les chercheurs.
« Ça ne fait aucun doute, c’est une trouvaille phénoménale », déclare Salima Ikram. Elle est archéologue et directrice du département d’égyptologie de l’université américaine du Caire. « C’est très clairement un arrêt sur image, comme une version égyptienne de Pompeii. »
Le site date de l’époque de la 18e dynastie gouvernée par le pharaon Amenhotep III. Il a régné de 1386 à 1353 avant J.-C., une ère marquée par une richesse, un pouvoir et un luxe extraordinaires. Vers la fin de son règne, on pense qu'Amenhotep III a régné assisté de son fils Akhenaton.
Quelques années après la mort de son père, Akhenaton a décidé de rompre avec toutes les valeurs du souverain défunt. Au cours de ses dix-sept années de règne, il a bouleversé la culture égyptienne. Il a en effet abandonné toutes les traditions du panthéon égyptien à une exception : Aton, le dieu du Soleil. Il a été jusqu’à changer son prénom d’Amenhotep IV à Akhenaton, qui signifie « dévoué à Aton ».
Ce pharaon hérétique ne s’est pas arrêté là. Il a déplacé le trône royal du nord de Thèbes vers une toute nouvelle ville appelée Akhetaton, l'actuelle Amarna. Il a été à l’origine d’une révolution artistique qui a brièvement transformé l’esprit artistique égyptien, passant d'un caractère austère et uniforme à quelque chose de plus animé et détaillé. Après sa mort, la plupart des vestiges du souverain ont été balayés. C’est son propre fils, Toutânkhamon, qui a initié cette entreprise. Il a effacé de l’histoire la ville d’Akhetaton, son art, sa religion et même son nom. Ce n’est qu’au 18e siècle, avec la découverte de la ville d’Amarna, que l’héritage du pharaon dissident a été réinstauré. Auparavant, cette ville avait alimenté les spéculations archéologiques pendant des centaines d’années.
Pourquoi et comment la transformation controversée du pharaon a-t-elle eu lieu ? À quoi ressemblait le quotidien sous le règne du grand Amenhotep III ? La nouvelle cité récemment découverte pourrait bien apporter des indices. Le site de fouilles mélange [des styles] antiques et contemporains au sein d’une région réputée pour sa richesse archéologique. Au nord de la cité, on retrouve le temple mortuaire d’Amenhotep III, daté du 14e siècle avant J.-C. Au sud se situe Médinet Habou, région où l’on retrouve le temple des millions d’années de Ramsès III, érigé près de deux siècles plus tard.
Les inscriptions en hiéroglyphes retrouvées sur les capsules en argile des cuves à vin du site ont permis de dater la ville de l’époque d’Amenhotep III (environ 1386 à 1353 avant J.-C.).
Les archéologues espéraient que l’espace vide entre ces deux temples puisse héberger la structure mortuaire où les sujets de Toutânkhamon déposaient nourriture et objets funéraires en offrandes. Ils ont finalement découvert quelque chose de très différent : des murs en argile qui s’entrelacent et qui s’élèvent à plus de deux mètres du sol. Au milieu de ces parois se trouvent également des piles d’artefacts antiques datés de l’époque d’Amenhotep III.
Les structures regorgent d’objets de la vie quotidienne dont la plupart relèvent de la production artistique et industrielle de la capitale que soutenait le pharaon. On y trouve des maisons au sein desquelles des travailleurs auraient pu vivre, une boulangerie et une cuisine, des outils de production de métal et de verre, des bâtiments qui semblent avoir eu un lien avec l’administration et même un cimetière jonché de tombes taillées dans la roche.
Des sépultures étonnantes de deux vaches ou taureaux ont été retrouvées dans une des salles de la cité. Des enquêtes sont en cours afin de déterminer la nature et la raison de ces inhumations animales.
Bien que la taille de la ville reste encore à déterminer, sa datation, elle, est connue grâce aux hiéroglyphes retrouvés sur divers objets. Un récipient qui contenait plus de 7 litres de viande bouillie portait l’inscription de l’année « 37 », année pendant laquelle Amenhotep III et Akhenaton auraient régné ensemble. Des scarabées, des briques, des récipients et bien d’autres artefacts portent le sceau royal d’Amenhotep III.
Les bâtiments portent également le nom de son fils, qui deviendra rapidement controversé, explique Betsy Bryan, professeure d’art et d’archéologie égyptienne à l’université Johns Hopkins. Mme Bryan, qui n'a pas pris part aux récentes fouilles, s’est rendue sur place lorsque les archéologues ont retrouvé un petit plateau sur lequel des hiéroglyphes indiquaient « L’Aton peut être trouvé lorsque l’on vit dans la vérité ». « C’est ce qui qualifiait Akhenaton », déclare-t-elle. Malgré les diverses références au jeune roi, elle explique que cette cité fait partie du complexe qui composait le palais de son père, baptisé Nebmaâtrê ou « l’Aton éblouissant ».
Quand Akhenaton a accédé aux pleins pouvoirs, il a changé de cap, a abandonné la cité de son père et vraisemblablement tout ce qu’elle contenait.
Cette sorte d'abandon a permis la découverte archéologique exceptionnelle de l'année dernière. « C’est d’une beauté extraordinaire », s’émerveille Mme Ikram. Elle se remémore ses déambulations dans les rues conservées, entourées de murs hauts, où elle s’attendait à croiser un Égyptien antique à tout moment. « Je ne pense pas que ce soit exagéré. C’est époustouflant. »
Les archéologues ont découvert de nombreux objets de décoration et de rituel, notamment des scarabées et des amulettes.
La cité semble avoir été réexploitée par Toutânkhamon. Il a abandonné Akhetaton au cours de son règne pour établir une nouvelle capitale à Memphis. Aÿ, qui a récupéré le trône après avoir épousé la veuve de Toutânkhamon, semble y être passé également. Il semblerait que quatre peuplements différents aient été établis sur le site, datés de la période copte de l’Égypte byzantine, du 3e au 7e siècles de notre ère.
Après cela, elle a été laissée à l’abandon jusqu’à sa récente découverte.
Pourquoi a-t-elle été abandonnée lors du court règne d’Akhenaton ? « Je ne suis pas sûre que nous obtenions plus de réponses avec la [découverte] de cette cité singulière », annonce Mme Bryan. « Ce que l'on obtiendra, c’est plus d’informations sur Amenhotep III, Akhenaton et leurs familles. C'est encore un peu tôt mais je pense que nous établirons de plus en plus de liens. »
Si la récente découverte de la cité ne dévoilera peut-être pas tous les secrets de ce pharaon rebelle, elle permettra de dresser des contours encore plus vibrants de son fabuleux héritage.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.