Découverte d'un trésor viking en Écosse
Enterré pendant plus d'un millénaire, le « trésor de Galloway » retrouvé en Écosse se compose de rares artefacts probablement pillés dans des monastères au Moyen-Âge.
Pendant des siècles, les conteurs vikings ont régalé leurs audiences d’histoires d’immenses trésors gardés par des dragons cracheurs de feu. Pourtant, les vrais trésors étaient très rares dans le monde des Vikings.
Des chercheurs ont dévoilé le contenu d’un spectaculaire trésor viking découvert en 2014, dans la région écossaise de Galloway par un homme équipé d’un détecteur de métal. Les objets vont de bracelets en argent gravés de runes à des broches anglo-saxonnes en argent, en passant par des bijoux en or, des morceaux de soie piquée, et même de précieux restes végétaux, le tout enterré dans un pot en métal richement décoré.
« C’est une sélection d’objets étrange et merveilleuse à la fois, » a déclaré Olwyn Owen, chercheuse indépendante et spécialiste des Viking basée à Edimbourg. Les propriétaires vikings de ce trésor, ajoute-t-elle, « ont rempli le pot à ras bord, puis l’ont enveloppé de plusieurs couches de tissu avant de l’enterrer dans le sol. »
Les textes médiévaux datent l’arrivée des Vikings dans les îles britanniques dans les années 790 après J.-C., avec la soudaine apparition de féroces guerriers en provenance de Scandinavietrs, pillant les riches monastères et terrorisant les communautés locales. Tout au long des trois siècles suivants, d’ambitieux chefs vikings et leurs troupes vinrent conquérir et coloniser les territoires d’Angleterre, d’Irlande, du Pays de Galles et d’Ecosse, jusqu’à ce qu’eux-mêmes ou leurs descendants furent vaincus ou s’intégrèrent à la société.
Les archéologues estiment que le trésor de Galloway remonte au début du 10e siècle, d’après le style des bracelets d’argent et d’autres objets. A cette époque, les forces vikings avaient souffert un sérieux revers en Irlande, et des histoires locales de Galloway « mentionnent la défaite d’une armée viking par une armée écossaise » à un endroit de la région, commente Derek McLennan, le détectoriste qui a fait la découverte.
Intrigué par cette histoire et par d’autres témoignages, McLennan a décidé de partir attentivement sur les traces vikings dans la région. Le 1er septembre 2014, alors qu’il était sur le terrain avec un groupe d’amis détectoristes, McLennan a trouvé un bracelet de bras arborant un style viking, une grande croix d’argent et deux autres artefacts. Il a immédiatement appelé les autorités, qui ont à leur tour envoyé sur place l’archéologue Andrew Nicholson, du Council de Dumfries et Galloway. C’était du jamais vu.
« Les trésors ne sont jamais déterrés par les archéologues, » explique Owen. La plupart ont été découverts « par accident lors de la création de routes au 19e siècle ou juste récupérés dans le sol » par des amateurs.
Cette fouille archéologique réglementée n’a pas permis la mise au jour d'un, mais de deux trésors. Dans la couche supérieure, l’équipe a déterré une épingle en or en forme d’oiseau ainsi que 67 lingots d’argents et des bracelets de bras, dont la plupart avaient été forgés en Irlande. Ces morceaux d’argent faciles à transporter servaient de monnaie dans le monde viking : l’élite se taillait des morceaux pour acheter des bêtes et d’autres marchandises, pour récompenser de loyaux serviteurs, ou pour « payer les troupes » des armées de mercenaires vikings, explique Nicholson.
Environ 8 centimètres en-dessous, Nicholson et son équipe ont trouvé un grand récipient en métal fermé et enterré à l’envers, certainement pour le protéger de l’eau. Ce récipient s’avéra être rempli de trésors, dont beaucoup étaient enveloppé dans du cuir ou du tissu de qualité.
« Rien n’a été jeté dans le pot avec précipitation, » affirme Owen. « Les objets ont été enveloppés avec soin et rangés de façon très serrée. Ils sont tellement spéciaux que leur importance aux yeux de leurs propriétaires vikings ne fait aucun doute, » ajoute-t-elle.
LA FUREUR VIKING
Le récipient était en soi l’un des objets les plus importants. Richement décoré, il avait été finement forgé en un alliage d’argent et de cuivre par des forgerons de l’empire Carolingien, qui s’étendait alors de la France à l’Allemagne et qui a été dirigé un certain temps par Charlemagne.
« C’est une découverte très rare, » dit Colleen Batey, archéologue et spécialiste des Vikings à l’université de Glasgow. Seuls six récipients carolingiens tels que celui-ci ont été retrouvés, et de nombreux intellectuels pensent qu’ils servaient lors d’importante cérémonies catholiques. Il est possible que des troupes vikings aient volé le pot de Galloway lors du pillage d’un riche monastère.
À l’intérieur du pot, les conservateurs ont trouvé une incroyable collection d’artefacts médiévaux. Parmi les plus spectaculaires, on peut citer les neufs broches en argent, dont certaines richement décorées. Selon Owen, la plupart de ces bijoux sont l’œuvre de forgerons anglo-saxons très expérimentés et auraient été très précieux pour leurs propriétaires. Pour que des Vikings rassemblent une telle collection, continue Owen, « un monastère ou un village anglo-saxon a dû passer une sale journée. »
Les conservateurs ont également retrouvé des objets précieux tels qu’un lingot d’or, des perles serties d’argent, un pendant en or richement décoré qui pourrait avoir renfermé les reliques d’un saint, et, étrangement, deux grosses graines ou noix végétales. Les botanistes n’en ont pas encore identifié l’espèce, mais Owen les soupçonne d’être les graines d’une plante exotique qui poussait loin du cœur des régions viking. La personne qui a rempli le récipient devait penser que les graines étaient « exceptionnelles et dignes d’aller avec tous ces précieux objets d’or et d’argent, » dit Owen.
Même certains des tissus qui enveloppaient les objets étaient rares. Les spécialistes en textile du Laboratoire anglo-saxon de York, en Angleterre, ont identifié des samits de soie, un tissu de luxe produit dans les ateliers de Byzance, d’Afrique du Nord ou du sud de l’Espagne. Au Moyen-Âge en Europe, ce tissu chèrement importé était essentiellement réservé à la classe des puissants, tels que les rois et reines, les représentants de l’Eglise haut placés, et les saints enterrés dans les églises chrétiennes.
Il reste encore à répondre aux fascinantes questions portant sur la façon dont ont été collectés tous ces objets par le propriétaire viking, et pourquoi ce dernier (ou cette dernière) a choisi d’enterrer le trésor. Les recherches ne font que commencer, dit Owen, convaincue que toutes les informations archéologiques qu’elle pourra en tirer apporteront leurs lots de découvertes sur les Vikings d’Ecosse.
« Ce trésor va peser sur notre compréhension des déplacements vikings sur le territoire, de leurs interactions avec les autres peuples, de leur savoir-faire et bien d’autres questions et thématiques, » a-t-elle conclu.