En Angleterre, ces gentilhommières ont une histoire digne de la Chronique des Bridgerton
Entre scandales sexuels et intrigues politiques, découvrez l’histoire de ces six résidences seigneuriales.
Située près de Salisbury, Wilton House était autrefois la demeure d’un comte impulsif accusé de meurtre. Comme de nombreuses autres gentilhommières britanniques, elle appartient à une famille à l’histoire scandaleuse. Wilton House est désormais ouverte aux visiteurs, qui peuvent venir y admirer son élégante Double Cube Room, laquelle a servi de décor dans la série Netflix La Chronique des Bridgerton.
Aujourd’hui encore, et depuis la naissance de l’Empire britannique, les gentilhommières anglaises sont des symboles élégants évocateurs de l’aristocratie et de l’opulence. Elles nous fascinent par leur beauté, œuvre de légendes tels l’architecture Inigo Jones et le paysagiste Capability Brown, mais aussi par leurs histoires sociale et politique, et en particulier celles des familles qui y vivaient. Leurs salles de bal et leurs chambres ont été le théâtre d’intrigues et de rendez-vous aussi captivants que le scénario romantique de La Chronique des Bridgerton ou les rebondissements de Saltburn. Découvrez l’histoire de six domaines désormais ouverts au public.
WILTON HOUSE, WILTSHIRE
Considérée comme l’un des plus beaux exemples d’architecture palladienne de Grande-Bretagne, Wilton House a servi de toile de fond à des mélodrames et des meurtres. Ces derniers impliquaient le septième comte de Pembroke, Philip Herbert (1652-1683), propriétaire de cinquante-deux mastiffs, trente lévriers et d’un lion au tempérament impulsif. Le comte a notamment été accusé de plusieurs crimes violents durant son temps à Wilton. Il aurait ainsi empalé un contremaître sur son épée et battu à mort un autre homme.
« Il ne fallait pas énerver le septième comte de Pembroke », observe Ben Cowell, directeur général de Historic Houses, une organisation à but non lucratif représentant 1 600 manoirs de ce genre au Royaume-Uni. Mais Philip Herbert s’en est tiré sans problème, évitant toute peine grâce à son rang et les privilèges qui allaient avec son statut de pair du royaume.
Wilton House séduit désormais Hollywood. Son sublime intérieur et son impressionnante façade sud, imaginés par Inigo Jones et John Web en 1647, sont apparus dans des épisodes de The Crown, et plus particulièrement dans La Chronique des Bridgerton. La Double Cube Room, ainsi nommée en raison de ses proportions symétriques « tout à fait sensationnelles » explique Ben Cowell, sert de salle du trône à la reine Charlotte dans la série à succès de Netflix.
Visite : située près de Salisbury, Wilton House est ouverte au public de mars à décembre. La plupart des visiteurs viennent y admirer les œuvres d’art exposées, dont des portraits de Van Dyke, et se balader dans ses jardins et le parc de près de neuf hectares. Ben Cowell vous recommande de vous arrêter dans l’entrée du manoir devant la statue de William Shakespeare, dont la troupe de théâtre a joué à la gentilhommière en 1603.
CHATSWORTH, DERBYSHIRE
Œuvre du paysagiste Lancelot Brown (surnommé Capability), Chatsworth fut le théâtre d’une intrigue aristocratique mêlant histoire et scandales. La propriété date de 1687, mais a fait l’objet de plusieurs transformations, notamment dans son parc, à l’initiative du paysagiste.
Georgina Spencer, ancêtre de la princesse Diana ayant vécu au 18e siècle, était probablement dans un ménage à trois avec son mari, le cinquième duc de Devonshire, et la maîtresse de ce dernier (et amie proche de Georgina), Lady Bess Foster.
En 1774, Georgina Spencer (arrière-arrière-arrière-grande tante de Diana Spencer), toute nouvelle duchesse de Devonshire, devient la maîtresse des lieux après son mariage avec le cinquième duc de Devonshire, William Cavendish. Georgina est alors connue pour ses bals raffinés, son flair politique, sa grande dépendance au jeu et son mariage peu conventionnel. Le duc avait en effet une maîtresse, Lady Elizabeth Foster, Bess pour les intimes, qui était une amie très proche de Georgina et potentiellement aussi l’amante de cette dernière. Leur ménage à trois a perduré pendant des années, jusqu’à la mort de Georgina en 1806. Bess a porté autour du cou, jusqu’à sa propre mort, en 1824, un médaillon contenant une mèche de cheveux de la duchesse.
Une autre illustre duchesse de Devonshire est Deborah Mitford (dite Debo), l’une des célèbres sœurs Mitford. Debo comptait parmi ses sœurs une écrivaine (Nancy), une communiste (Jessica) et une sympathisante nazie (Unity) qui aurait eu une liaison avec Adolf Hitler.
Visite : si Chatsworth est aujourd’hui la gentilhommière qu’elle est, c’est grâce à Debo, qui a transformé la propriété, située à une trentaine de kilomètres au sud de Sheffield, en une attraction touristique attirant 600 000 visiteurs par an. Il est possible d’y passer la nuit dans l’un des boltholes (petits cottages) ou l’une des roulottes du domaine.
ALTHORP HOUSE, NORTHAMPTONSHIRE
C’est à Althorp House, à 120 kilomètres de Londres, qu’a grandi la défunte princesse de Galles, dont les histoires d’amour, la télégénie et la mort tragique ont passionné le monde entier. « Étrangement, le nom du domaine se prononce “Aol-trope”, souligne Ben Cowell en reprenant les explications de Charles, frère de Diana et actuel comte de Spencer.
Cette gentilhommière de plus de 5 000 hectares est dans la famille depuis plus de cinq siècles. Elle appartient actuellement à la 19e génération de Spencer. Le domaine a été créé en 1508, lorsque Sir John Spencer, un éleveur de moutons prospère, a acheté les premières parcelles de terre. La demeure, à l’origine de style Tudor et datant de 1688, a connu de nombreuses transformations architecturales. Son domaine comprend des forêts, des fermes ainsi qu’un lac ornemental. Au centre de celui-ci se trouve l’île où repose la princesse Diana, surmontée d’un temple de style dorique portant son nom.
Visite : ouverte au public depuis 1953, Althorp House accueille les visiteurs l’été, de juillet à septembre. La visite de l’intérieur est l’occasion d’explorer l’histoire des lieux et l’héritage de ses célèbres habitants, ainsi que d’admirer la collection de meubles et de tableaux de la famille. Ben Cowell vous recommande de partir à la recherche des œuvres de Ruben, Reynold et Gainsborough.
La tombe de Diana n’est pas accessible au public, mais les visiteurs peuvent se recueillir au mémorial dédié à la mère des princes Harry et William (héritier du trône britannique).
HAREWOOD HOUSE, YORKSHIRE
Les profits massifs qui ont fait la fortune des comtes de Harewood, négociants en sucre, sont ternis par l’esclavage. La construction du domaine du même nom, dans le nord de l’Angleterre en 1751, qui a été meublé par Thomas Chippendale et dont le parc a été aménagé par Capability Brown, a été financée par le travail des esclaves.
Cette chambre de Harewood House, près de Leeds, témoigne de la richesse des comtes de Harewood. C’est grâce aux plantations caribéennes de canne à sucre, dans lesquelles travaillaient dur les esclaves, que ces derniers ont fait fortune. Le comte actuel milite en faveur de la justice réparatrice.
Edwin Lascelles (1713-1795), un important producteur de sucre, et sa famille possédaient ou contrôlaient 24 plantations à la Barbade et dans d’autres îles des Caraïbes. Plus de 3 000 esclaves ont été forcés de travailler dans les champs de canne à sucre de la famille et dans leurs raffineries de sucre jusqu’à ce que l’Empire britannique abolisse l’esclavage en 1838. En 1922, Henry Lascelles a épousé la princesse Mary, fille du roi George V, liant ainsi sa famille à celle de la famille royale britannique.
Face au passé troublant de sa famille, l’actuel comte de Harewood, David Henry George Lascelles, a décidé de s’investir dans des initiatives pédagogiques visant à sensibiliser le grand public aux liens du domaine avec le commerce triangulaire. Il est également membre du groupe Heirs of Slavery, qui milite en faveur de la justice réparatrice.
Visite : les jardins et la propriété de Harewood House sont ouverts au public. Des expositions sur l’histoire de la famille Lascelles et la vie des esclaves africains y sont notamment proposées.
CLIVEDEN HOUSE, BERKSHIRE
Ne vous fiez pas à sa magnifique façade. Le domaine de Clivenden House a en effet une histoire tumultueuse, ponctuée de querelles, d’incendies et de cabales politiques. Le château a été construit en 1666 pour servir de pavillon de chasse à la comtesse de Shrewsbury, maîtresse du duc de Buckingham, lequel avait tué son époux lors d’un duel en 1668.
Cliveden House, qui a servi de décor à des films comme Cendrillon, Sherlock Holmes ou encore Help! des Beatles, a également connu son lot de scandales au 20e siècle.
Après un incendie survenu en 1851, l’édifice a été reconstruit avant d’être vendu en 1893 par le duc de Westminster à William Astor, un ploutocrate américain. Son fils Waldorf et l’épouse de ce dernier, Nancy, ont transformé Cliveden House en un centre social de style édouardien, qui avait une influence sur la politique, la culture et l’économie des deux côtés de l’Atlantique.
Nancy, hôte légendaire et première députée à la Chambre des communes, y divertissait des invités tels qu’Henry James, Edith Warthon, Charlie Chaplin. Même l’ambassadeur américain Joe Kennedy et sa famille (dont le futur président John F. Kennedy) y ont séjourné à la fin des années 1930. Les assemblées des Astor n’étaient cependant pas sans controverse. Bon nombre de leurs amis étaient vraisemblablement des sympathisants nazis.
En 1961, le château a joué un rôle central dans une autre tempête politique. À l’occasion d’une soirée organisée à Cliveden, John Profumo, secrétaire d’État britannique de l’époque, fait la rencontre Christine Keeler, 19 ans, avec laquelle il entame une liaison. Mais la jeune femme était également l’amante d’un espion soviétique. Cette affaire a fait grand bruit, contraignant John Profuma à démissionner. Elle aurait aussi contribué à la démission du Premier ministre britannique, Harold Macmillan.
Visite : située à une cinquantaine de kilomètres de Londres, Cliveden House abrite aujourd’hui un hôtel cinq étoiles. Les visiteurs peuvent découvrir l’histoire des lieux grâce à des visites guidées de 30 minutes, qui ont lieu le lundi, le mardi et le jeudi de mars à octobre. Le parc, également ouvert aux visiteurs, est propice à la balade, l’occasion de se replonger dans les fêtes légendaires et les accords politiques qui y ont eu lieu.
KNOLE HOUSE, KENT
Tentaculaire demeure seigneuriale de style jacobéen, Knole House occupe une place importante dans l’histoire de la communauté LGBTQ+ anglaise. Le palais est le foyer ancestral de Vita Sackville-West, écrivaine et jardinière connue pour avoir entretenu une liaison avec l’autrice Virginia Woolf dans les années 1920.
Construite entre 1456 et1486 par l’archevêque de Canterbury, Knole House a notamment servi de résidence royale pour Henri VIII et Elizabeth 1re. Le domaine a par la suite été acheté par Thomas Sackville, grand trésorier de la période élisabéthaine, en 1605. Avec ses 400 pièces, le palais de Knole House est plus grand que Buckingham Palace.
Mais c’est bien Virginia Woolf et Vita Sackville-West, ainsi que leur cercle d’artistes nommé le Bloomsbury Group, qui ont les liens les plus étroits avec Knole House. Vita n’a cependant jamais hérité de sa maison d’enfance à cause de la règle de la primogéniture. Après son mariage, elle est partie vivre ailleurs avec son époux bisexuel, le diplomate Harold Nicolson.
Visite : Eleanor Black, conservatrice de Knole House, précise que le domaine de 400 hectares situé à environ 65 kilomètres du sud-ouest de Londres, est « accessible au public 24 h/24, 7 j/7 » et les visiteurs sont invités à découvrir son parc. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait les Beatles en 1967, qui y ont filmé un court-métrage pour leur chanson « Strawberry Fields ». Bien qu’elle soit la résidence de la nouvelle génération de Sackville-West, Knole House est ouverte au public, qui peut visiter ses salles d’exposition. La collection est décrite par Eleanor Black comme « une œuvre d’art regroupant des meubles, des tapisseries et des tableaux ». Parmi les nombreux portraits de famille figure celui de John Frederick Sackville réalisé par Joshua Reynolds. Mais le favori de la conservatrice est celui d’Arabella Cope, l’épouse de John. « C’est un très beau tableau d’une femme formidable », souffle-t-elle. Knole House a aussi servi de décor pour la série Starz Mary & George, dont l’intrigue se situe à l’époque Tudor.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.