Découverte de plus de 2000 têtes d'animaux momifiées en offrande à Ramsès II

Les peuples du royaume de Lagide vénéraient Ramsès II, même un millénaire après sa mort. La découverte de 2000 têtes d’animaux momifiés déposées en offrande dans un temple dédié à Ramsès II rend compte du rayonnement durable de l’ancienne Égypte.

De Marie Zekri
Publication 12 juil. 2023, 17:40 CEST
Crânes d’animaux momifiés, retrouvés dans le temple de Ramsès II sur le site d’Abydos en haute ...

Crânes d’animaux momifiés, retrouvés dans le temple de Ramsès II sur le site d’Abydos en haute Égypte.

PHOTOGRAPHIE DE Dr. Sameh Iskander

Une équipe d’archéologues de l’université de New York, dirigée par Sameh Iskander, a mis au jour plus de deux mille crânes d’animaux momifiés dans la cité antique d’Abydos, en haute Égypte, à 435 kilomètres au Sud du Caire, sur la rive gauche du Nil. Ces momies de béliers, brebis, chiens, chèvres, vaches, gazelles et mangoustes, retrouvées dans le temple de Ramsès II, y ont été déposées mille ans après la mort du pharaon qu’elles honorent.

 

UNE OFFRANDE MONUMENTALE SUR LE SITE D’ABYDOS 

« On a commencé à travailler sur le temple de Ramsès II à Abydos en 2008 », explique Sameh Iskander, l’archéologue en chef. Pendant sept ans, les équipes de l’université new-yorkaise se sont attachées à réaliser un important travail de documentation à propos des monuments et du site dans son ensemble. Les données les plus récentes dont disposaient en effet les scientifiques dataient alors de 1861, période à laquelle l’égyptologue français François Auguste Ferdinand Mariette travaillait sur le temple de Ramsès II. Les fouilles ont finalement commencé en 2017.

« À l’extérieur du temple, nous avons retrouvé plusieurs couches d’histoire, allant du temps de Ramsès II jusqu’aux périodes islamiques plus récentes ». Les découvertes ont permis de mettre au jour de multiples fragments du passé, sur une période historique particulièrement étendue, allant de l’ère ptolémaïque, influencée par un modèle grec qui divisait le pays, devenu royaume de Lagide, en plusieurs provinces, à l’ère romaine, puis chrétienne, et enfin l’ère qui caractérise les débuts de l’islam. 

De ces décombres, les archéologues ont tracé les contours d'un site sacrificiel qui abritait plus de deux mille crânes de bovidés et petits animaux, tout droits sortis de l’époque ptolémaïque, mille ans après la disparition de Ramsès II, principal pharaon de la XIXème dynastie d’ancienne Égypte, en 1213 avant notre ère. « Au nord du temple, nous avons trouvé un énorme monticule de têtes de béliers, moutons, et autres animaux », raconte Sameh Iskander. « Ils ont tous été déposés en même temps », dans l’enceinte du temple de Ramsès II. 

Ces crânes d'animaux ont probablement étés déposés en hommage à un dieu d'ancienne Égypte. Leur localisation ...

Ces crânes d'animaux ont probablement étés déposés en hommage à un dieu d'ancienne Égypte. Leur localisation aux abords du temple de Ramsès II indique sa notoriété durable, 1000 ans après sa disparition.

PHOTOGRAPHIE DE Dr. Sameh Iskander

Dans ce cas précis, les éléments retrouvés ne suivent pas le reste de la dynamique du site. Ils ne se sont pas accumulés au fil du temps. Il apparaît qu’une ou plusieurs personnes se sont rendues en même temps sur le site pour entasser ce lourd chargement. Cet énorme monticule de têtes d’animaux présentait également des restes d’os, des papyrus, des statuettes. « La question est : qui a mis ça là ? », interroge Sameh Iskander. Il précise que les fragments de céramiques contenus dans le dépôt permettent de déterminer qu’il devait s’agir d’une période de l’histoire d’Égypte, à la jonction entre la période grecque et la période romaine. 

« Certains de ces crânes sont momifiés ». Cependant la majorité d’entre eux ont sans doute perdu leurs bandelettes au fil des siècles. Les animaux n’ont pas été entièrement momifiés puis décapités, leurs têtes ont été coupées, puis momifiées. Ces têtes étaient probablement des offrandes sacrificielles faites à un dieu égyptien, potentiellement le dieu Amon. Les animaux devaient être sacrifiés quelque part sur le site, mais pas nécessairement dans le temple, car étant donné le nombre de têtes retrouvées, les archéologues auraient relevé des couches accumulées au fils du temps. Toutes les offrandes ont été déposées en même temps, ce qui suppose qu’elles ont été préparées en amont. Ce rapport intime des populations locales avec un site rendant hommage au célèbre pharaon, un millénaire après sa mort, rend compte de la forte influence culturelle de l’ancienne Égypte sur le temps long.

 

RAMSÈS II A TRAVERSÉ LES MILLÉNAIRES

Le site d’Abydos est l’un des plus importants de cette région du Sud de l’Égypte. Étendu en bordure du désert du Sahara, le site sacré a d’abord abrité les sépultures des premiers rois d’Égypte, pour devenir par la suite un lieu de culte majeur du dieu Osiris, gardien du pays des morts dans la mythologie égyptienne. C’est pour cette raison que Séti Ier, puis plus tard, son fils, Ramsès II, y érigèrent des temples majeurs. 

« Séti Ier était le père de Ramsès II », précise Iskander. Il a construit son propre temple sur le site sacré d’Abydos, mais est mort avant de pouvoir l’achever. Ramsès II, devenu pharaon, a construit son premier temple à Abydos, tout en poursuivant les constructions de celui de son père. « Donc une partie des temples du site ont été construit en même temps ». Le temple de Ramsès II est le tout premier temple que le jeune pharaon a tenu à construire quand il a accédé au trône d'Égypte. Ce temple, premier d’une longue série qui a ponctué les soixante-sept années de son règne, a été érigé à cet endroit en lien avec le culte d’Osiris. Un millénaire plus tard, on venait y vénérer le pharaon disparu.

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    « Le fait est que le temple de Ramsès II a conservé son activité tout au long de la période ptolémaïque », ajoute l’archéologue en chef. « Ces têtes d’animaux ont pu être transportées au temple de Ramsès II depuis un autre endroit, à une époque où son nom était alors encore très connu ». 

    À partir des preuves d’une utilisation tardive du temple, on sait que le nom de Ramsès était toujours empreint de vénération. D’autres cas de sacrifices correspondant à des périodes historiques différentes ont été découverts. 

    Le sarcophage d'un « prêtre du temple de Ramsès II à Abydos, dédié à Ptolémée IV » a également été retrouvé et indique que le temple était utilisé pendant la période ptolémaïque, révèle Sameh Iskander. Ce sacrifice aux dieux indique un rapport fort des populations qui ont évolué sur plusieurs siècles avec le site, et plus précisément le temple de Ramsès II. « Mille ans après sa mort, il restait vénéré ». 

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