Égypte ancienne : un chef-d’œuvre découvert sous une saleté plurimillénaire

Un nettoyage méticuleux qui a nécessité cinq années de travail et de nombreux cure-dents a permis la mise au jour d’une œuvre d’art étonnante. Sa restauration nous renseigne sur la façon dont on célébrait la nouvelle année dans l’Égypte ancienne.

De Anna Thorpe
Publication 21 juin 2024, 17:11 CEST
Restored to glory

On a nettoyé la suie et la crasse qui s’étaient accumulées depuis deux millénaires afin de révéler le plafond et les murs décorés du temple d’Esna, près de Louxor, et de lui redonner son resplendissant éclat originel.

PHOTOGRAPHIE DE Elizabeth Beard, Getty Images

La restauration du plafond du temple d’Esna, en Égypte, a révélé un spectacle majestueux : des reliefs tout en couleur représentant le zodiaque, des constellations et des planètes, et des inscriptions hiéroglyphiques qui pourraient détenir la clé du sens de ces images célestes.

Ce qui obscurcit, il s’avère, peut aussi protéger : « Des couches de suie et de crasse qui se sont accumulées pendant près de 2 000 ans ont permis cet état de préservation remarquable », s’est réjoui Christian Leitz, qui a supervisé le projet, sur la chaîne History.

Pendant cinq années, une équipe de trente personnes a collaboré sur ce projet conjoint du Ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités, représenté par Hisham El-Leithy, et de l’Université de Tübingen, en Allemagne. Ensemble, elles ont mis au jour des couleurs encore intactes malgré le passage de millénaires, mais surtout une série complète de signes du zodiaque ainsi qu’une représentation divine de la crue annuelle du Nil, véritables clous du spectacle.

 

DEUX MONDES SE RENCONTRENT

Situé à quelques encablures au sud de Louxor, sur le Nil, le temple d’Esna est l’un des derniers édifices en son genre à avoir été érigés en Égypte. Sa construction débuta au deuxième siècle avant notre ère sous le règne du pharaon Ptolémée VI. Successeurs d’un général d’Alexandre le Grand, les Ptolémée introduisirent en Égypte une riche fusion des cultures grecque et égyptienne. Des ajouts furent réalisés sur ce temple dédié à Khnoum, dieu de la fertilité et source du Nil, jusqu’à la période impériale romaine.

Le plafond se trouve dans le pronaos (le vestibule) du temple et fut construit durant le règne de l’empereur romain Claudius (41 à 54 de notre ère). Il s’agit de la seule partie du temple qui subsiste encore. Son emplacement central à Esna a fait en sorte que la précieuse pierre de l’édifice ne soit pas dérobée pour être utilisée pour la construction d’autres bâtiments. Pendant des siècles, le temple fut occupé par des citoyens d’Esna, dont les feux à foyer ouvert ont provoqué l’accumulation d’épaisses couches de suie.

Les vingt-quatre magnifiques colonnes qui soutiennent le toit du pronaos furent décorées par les Ptolémée et des embellissements romains furent ajoutés au premier siècle de notre ère. Dattiers, fleurs de lotus, papyrus et vignes appesanties de grappes de raisins y reflètent tous la fertilité de la vallée du Nil.

Ce serpent à deux têtes avec un arbre qui pousse au niveau de la queue est l’une des nombreuses œuvres fascinantes mises au jour à Esna.

PHOTOGRAPHIE DE Ahmed Amin, Ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités

 

VISIONS CÉLESTES

Le nettoyage du plafond qui a conduit à la mise au jour de l’œuvre d’art du deuxième siècle de notre ère qui se trouvait sous la suie a été un processus minutieux. « On a utilisé des cure-dents pour racler la crasse », nous apprend Christian Leitz, chercheur de l’Université de Tübingen.

Parmi les nombreuses images découvertes par l’équipe de fouilles figurait une série complète de douze symboles du zodiaque. Daniel von Recklinghausen de l’Université de Tübingen a expliqué dans un communiqué de presse que le zodiaque était fréquemment utilisé pour décorer des tombeaux égyptiens privés mais rarement pour décorer des temples.

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    Gauche: Supérieur:

    Quatre têtes de béliers figurent sur cette effigie d’un dieu, qui pourrait être Khnoum, divinité de la fertilité et source du Nil, représenté ici à la sixième heure du jour.

    Droite: Fond:

    Quatre têtes de béliers figurent sur cette effigie d’un dieu, qui pourrait être Khnoum, divinité de la fertilité et source du Nil, représenté ici à la sixième heure du jour.

    Photographies de Ahmed Amin, Ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités

    Ces symboles, qui datent de l’époque des Ptolémée et qui sont semblables à certains de l’astrologie contemporaine, trouvent leur origine à Babylone et furent importés en Égypte par les Grecs. En plus des symboles figurent d’autres constellations et même les planètes Mars, Jupiter et Saturne.

    Les inscriptions hiéroglyphiques accompagnant les images intéressent particulièrement les universitaires. L’égyptologue français Serge Sauneron fut parmi les premiers à les cataloguer et à les interpréter dans les années 1960 et 1970. La dernière restauration en date a permis de mettre au jour 200 symboles de plus environ qui avaient été obscurcis par la crasse et par la suie. Le déchiffrage de ces inscriptions permettra de mieux interpréter l’imagerie et révèlera les noms de constellations égyptiennes inconnues.

    Représentant le vent du sud, un lion ailé à tête de bélier arbore des rouges et des ors éclatants révélés lors de la restauration du temple. Pour préserver ce travail minutieux de restauration, des appareils ont été installés sur le toit afin de dissuader les oiseaux de s’y percher et, ainsi, de protéger les reliefs ravivés.

    PHOTOGRAPHIE DE Ahmed Amin, Ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités

    Une autre découverte majeure est la représentation du jour de l’an. La proximité du temple d’Esna et du Nil apporte un éclairage crucial permettant de comprendre le sens du relief. Le nouvel an égyptien se produisait lorsque Sirius, étoile particulièrement brillante mais invisible durant soixante-dix jours, reparaissait dans le ciel, à l’orient. Personnifié sur un relief à l’effigie de la déesse Sopdet, le retour de l’étoile coïncidait avec la crue annuelle du Nil.

    Pour le célébrer, les Égyptiens faisaient bonne chère et prenaient part à des libations à l’occasion d’un festival : Wepet-Renpet. Cent jours plus tard, grâce à la déesse Anoukis, également personnifiée sur le relief récemment découvert, les eaux du Nil se retiraient enfin.

    Grâce à la restauration de cette œuvre et des autres reliefs, Esna rejoint le temple de Hathor à Dendérah ; les plafonds astronomiques de ces deux temples sont les mieux préservés d’Égypte. Maintenant que le plafond est complet, les colonnes et les murs sont en train d’être nettoyés à leur tour afin de redonner à l’un des grands trésors gréco-romains de l’Égypte toute sa gloire polychromatique.

    Ce relief de la nouvelle année découvert dans le temple d’Esna représente la crue annuelle du Nil. Le dieu Orion (à gauche) et les déesses Sopdet (au milieu) et Anoukis (à droite) symbolisent la crue et la décrue des eaux du fleuve tandis qu’au-dessus d’eux la déesse du ciel Nout avale le soleil vespéral.

    PHOTOGRAPHIE DE Ahmed Amin, Egypt Ministry of Tourism and Antiquities

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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