L'épave du navire royal HMS Gloucester a été découverte
En 1682, le HMS Gloucester a coulé avec à son bord le futur roi d’Angleterre. Son épave, mise au jour il y a quinze ans et gardée secrète, a enfin été révélée au grand jour.
Les frères Lincoln et Julian Barnwell trouvèrent le HMS Gloucester en 2007, mais la découverte fut gardée secrète jusqu'à récemment. « Je suis descendu et j’ai vu des canons éparpillés sur le fond de la mer. C’était inoubliable », se souvient Lincoln.
Un matin de printemps venteux de 1682, une magnifique frégate aux cinquante canons, arborant une poupe dorée et l’étendard royal, naviguait en mer. Il s’agissait du HMS Gloucester, navire légendaire qui servit lors de la guerre anglo-espagnole. Désormais au service de la famille royale, il remontait la côte jusqu’à Édimbourg pour récupérer Marie, l’épouse du duc d’York, et la ramener à Londres.
À bord se trouvait le duc lui-même, Jacques Stuart, frère cadet du roi Charles II et héritier du trône d’Angleterre. Lui et un grand nombre d’invités prestigieux voyageaient en première classe, et profitaient de nombreux mets de choix, de vins rares et de musiciens.
Munie de cinquante canons, la frégate royale HMS Gloucester heurta un banc de sable et coula en 1682. Cette catastrophe contribua à la chute du roi Jacques II.
« C’était la fête au bord du Gloucester », plaisante Sean Kingsley, historien de la marine et fondateur du magazine Wreckwatch. « Le duc et ses amis s’amusaient comme des fous. » Parmi les voyageurs se trouvait également l’ambitieux et infatigable diariste, Samuel Pepys, qui écrivait un compte rendu du voyage depuis sa couchette à bord de l’un des bateaux qui accompagnaient le Gloucester.
À l’aube du 6 mai, la petite flotte, poussée par le vent, se trouvait à une cinquantaine de kilomètres de la côte de Norfolk et ne voulait pas perdre de temps. L’ambiance festive avait été gâchée la nuit précédente par une dispute animée entre les différents capitaines et pilotes. Certains demandaient une navigation plus au large afin d’éviter les bancs de sable qui se trouvaient sur cette partie de la côte. Le duc, qui avait servi en tant que lord-grand-amiral et se plaisait à dire qu’il était un homme de la marine, intervint et prit la décision fatidique de maintenir le cap et l’orientation actuels.
Quelques heures plus tard, à 5 h 30 du matin, le Gloucester de 755 tonnes percuta un banc de sable à une vitesse de 6 nœuds, un rythme très rapide pour une frégate du 17e siècle. La violence de la collision arracha le gouvernail, tua l’homme à la barre et coula le navire en 45 minutes. Sur les près de 330 personnes à bord, on estime que 130 à 250 périrent. Le futur roi survécut, mais le désastre lui valut la réprobation de la Royal Navy, et fournit à ses nombreux ennemis de quoi s’en prendre à son personnage public lors de son règne bref et tumultueux.
UNE DÉCOUVERTE SECRÈTE
Pendant des siècles, l’emplacement du Gloucester resta un mystère ; puis pendant quinze ans, il fut gardé secret. En 2007, deux archéologues amateurs trouvèrent des pièces de bois et des canons provenant de l’épave, mais leur découverte fut gardée secrète jusqu’à ce que l’identité de l’épave puisse être confirmée, et le site vulnérable protégé.
Les questions concernant la véritable identité de l'épave trouvèrent leur réponse définitive en 2012, lorsque la cloche en bronze du Gloucester fut récupérée.
Les frères Lincoln et Julian Barnwell, des amateurs de plongée de la ville de Yarmouth, située en bord de mer, commencèrent à chercher l’épave en 2003. Ce qui n’était au départ qu’un passe-temps se transforma rapidement en une obsession coûteuse pour les deux hommes. Ils contractèrent une hypothèque pour acheter un bateau de 12 mètres de long et consacrèrent chaque moment de leur temps libre lors de la courte saison de plongée estivale à la recherche de l’épave.
« Nous avons parcouru plus de [6 500 kilomètres] à la recherche de l’épave, et tout ce que nous trouvions, c’était du sable », raconte Lincoln. « Mais un jour, je suis descendu et j’ai vu des canons éparpillés sur le fond de la mer. C’était inoubliable. »
Mais comme les frères ne tardèrent pas à l’apprendre, il y a une différence entre trouver une épave, et lui attribuer un nom : pour une épave aussi importante que le Gloucester sur le plan historique, il fallait des preuves. La récupération de la cloche du navire en 2012 permit de fournir cette preuve, mais l’épave étant susceptible de contenir de nombreux artéfacts, il fallait s’assurer de la protéger. C’est ainsi que la découverte resta secrète jusqu’à aujourd’hui.
« C’est une épave qui a littéralement contribué à changer l’Histoire », déclare Claire Jowitt, spécialiste de l’histoire maritime à l’université d’East Anglia. Les débats concernant les événements, leurs causes, et les personnes à blâmer firent rage pendant des années. Jacques nia toute responsabilité et exigea la pendaison immédiate du pilote du Gloucester. Malgré la demande du duc, l’homme fut traduit en cour martiale, condamné à la prison « à perpétuité », et fut discrètement libéré un an plus tard.
Les nombreux détracteurs du futur roi le dépeignaient allègrement comme un irresponsable qui avait ordonné le sauvetage de ses chiens alors que de nombreux marins étaient en train de se noyer. Le fait de désigner le pilote comme bouc émissaire lui valut l’hostilité à vie de l’Amirauté, et même ses alliés furent consternés. L’image de Jacques fut endommagée et, malgré sa tentative de la rétablir en versant des indemnités aux familles des hommes qui avaient perdu la vie, elle le resta.
Son règne, quand il arriva, fut bref. Jacques II fut renversé en moins de quatre ans et, bien qu’il ait perdu sa couronne principalement à cause de sa religion, de sa politique et de son obstination, le désastre du Gloucester resta toujours associé à son nom. « Il n’était pas question d’oublier cet événement », affirme Jowitt.
Cette poulie, visible au fond de la mer, faisait partie de l'équipement du navire. De nombreux autres artéfacts pourraient rester enfouis.
Et il n’en est toujours pas question. L’épave offre un aperçu fascinant d’un moment dramatique de l’Histoire, et sur les personnes qui le vécurent. Des bouteilles non ouvertes contenant encore du vin rouge du 17e siècle, dont certaines portent l’écusson de la famille Legge, ancêtre de George Washington, comptent notamment parmi les découvertes étonnantes réalisée dans cette épave.
« Ce qui a été découvert jusqu’à présent n’est qu’une infime partie de ce qui peut être trouvé », déclare Kingsley de Wreckwatch. « Ce qui nous met vraiment l’eau à la bouche, c’est de savoir ce que ces grands ont perdu, sans parler des bagages royaux qui se trouvent peut-être encore en dessous. »
Le Gloucester « est un hublot spectaculaire vers le monde privilégié des palais et de la haute société de l’Angleterre des Stuart. C’est comme une rencontre, en pleine mer, entre Buckingham Palace et Downton Abbey ».
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.