Épaves : à la recherche des trésors engloutis
De la légendaire Atlantide aux navires de la Seconde Guerre mondiale, des richesses oubliées, perdues en mer, offrent l’opportunité unique de découvrir des fragments des civilisations qui nous ont précédés.
Chasseurs d'épaves.
Les naufrages ont souvent causé la perte des navires et de leurs équipages qui transportaient d’importantes et précieuses cargaisons. Et depuis des siècles, ces richesses perdues et les mystères enfouis dans les profondeurs exercent une grande fascination auprès des archéologues, plongeurs et aventuriers. Leurs investigations nous permettent de mieux comprendre le passé et d’enrichir notre connaissance de l’Histoire.
D’importantes découvertes ont été faites, parmi lesquelles des épaves de navires qui renfermaient pièces d’or et pierres précieuses, mais également des richesses archéologiques. Ainsi, la grotte de Cosquer, trouvée par Henri Cosquer en 1985 par 37 mètres de fond entre Marseille et Cassis, a révélé des fresques datant de la période du Paléolithique supérieur, antérieure à l’arrivée des premiers Homo sapiens, soit il y a près de 45 000 ans.
Reproduction d'art préhistorique, peinture murale paléolithique ou dessin de charbon de cheval de la grotte Cosquer, Villa Méditerranée, Marseille, France.
D’autres découvertes ont été fortuites. Par exemple, en 1963, un plongeur a découvert les restes d’un navire romain dans la Méditerranée en cherchant des éponges de mer. En 2005, lors d’une exploration en mer du Nord, l’épave d'un avion de guerre allemand JU 87 Stuka a été localisé, révélant des trésors cachés, jusqu’alors inconnus. D'autres épaves de ce type ont été retrouvées, comme ce bombardier observé lors d'une expédition en mer Baltique.
La recherche et la récupération de ces biens n’est pas sans risques pour les plongeurs qui sont parfois confrontés à des conditions d’exploration difficiles liées à l’environnement, aux courants et aux températures, mais également pour les épaves et objets qu’elles contiennent.
Jean Soulat, archéologue et directeur du programme de recherche Archéologie de la Piraterie, indique qu'en raison de la forte houle qui frappe le fond et ce, malgré la faible profondeur d’eau (entre 3 mètres et 7 mètres) les chercheurs ne peuvent mener de recherches sur l’épave du Speaker, navire pirate coulé en 1702 au large de l’île Maurice, qu’un mois par an. Les épaves enfouies dans des terrains en perpétuel mouvement sont difficiles d’accès, et récupérer des objets aussi précieux que fragiles sans les abîmer requiert une certaine expertise, tant en matière de plongée qu’en archéologie sous-marine. Une fois récupérés, nettoyés, étudiés et expertisés, la plupart de ces trésors qui donnent à voir l’histoire de l’humanité sous un nouveau jour sont exposés dans des musées.
Épave du Speaker.
Certains artefacts sont parfois vendus aux enchères, atteignant des sommes extravagantes qui alimentent une certaine fièvre de la course aux trésors. Malheureusement, cette avidité peut engendrer des recherches frénétiques sans cadre officiel, qui peuvent engendrer des dommages importants.
Selon l’UNESCO, près de 3 millions d'épaves jonchent les profondeurs sous-marines et les technologies modernes de recherche ont ouvert les portes de l’exploration de ce monde enfoui à des plongeurs qui utilisent ces technologies moins pour explorer que pour récupérer des vestiges de grande valeur monétaire sur le marché de l’art.
Or la récupération d’objets archéologiques sous-marins est un acte de pillage tout aussi délictuel que l’appropriation d’objets découverts sur la terre ferme. Ces découvertes sous-marines ont une valeur historique inestimable et sont des aperçus uniques du passé. La récupération des objets, menée dans un cadre scientifique, doit être exécutée avec soin, en respectant l’histoire et le patrimoine culturel. Il a ainsi été demandé à l’UNESCO d’aider à préparer une convention internationale pour protéger ces somptueux trésors.
ATLANTIDE
L'histoire de l'île perdue d'Atlantide, peuplée par une civilisation avancée, remonte à l'Antiquité. Elle aurait disparu en une nuit, engloutie par un tsunami. L'emplacement exact de cette île légendaire n'a pas encore fait l'objet d'un consensus scientifique. D'aucuns la situent près du rocher de Gibraltar, alors que le philosophe grec Platon affirmait qu'elle se trouvait quelque part dans l'océan Atlantique.
Depuis, de nombreuses théories ont été avancées sur l'emplacement exact de l'Atlantide, allant de l'Afrique à l'Amérique du Sud en passant par les côtes espagnoles. Malgré de nombreuses tentatives pour la retrouver, l'Atlantide reste un mystère. Où est-elle engloutie ? A-t-elle jamais existé ?
Illustration 3D basée sur la légende de la ville sous-marine perdue de l'Atlantide.
THÔNIS-HÉRACLÉION
Ancienne ville égyptienne construite au 8e siècle avant notre ère à l’embouchure du Nil, et port principal de l’Égypte antique, Thônis-Héracléion a été submergée par la montée des eaux il y a près de 1 200 ans. En 2000, après des années de recherches débutées à la fin des années 1990 dans la baie d’Aboukir, la cité engloutie en mer Méditerranée a été mise aux jour grâce aux fouilles menées par Franck Goddio, président de l’Institut Européen d’Archéologie Sous-Marine (IEASM). Cette découverte a permis une meilleure compréhension de l'histoire de l'Égypte antique et a révélé des temples, des statues en pierre et des pièces de monnaie.
LA FLOTTE FLORIDA
Partie de La Havane à Cuba dans la matinée du 24 juillet 1715, la flotte Florida 1715, qui comptait 11 vaisseaux, se dirigeait vers l'Espagne avec à bord tout autant de pièces d'or et d'argent que de bijoux et d'objets précieux. Aux prises avec une série de tempêtes, la flotte sombra le 31 juillet 1715 au large de l'actuelle Floride. Bien que l'Espagne ait envoyé des équipes d’exploration pour tenter de récupérer les précieuses cargaisons, les pillards – des pirates de New Providence – ont été les premiers à arriver sur les lieux.
LES ÉPAVES DE NAVIRES ESPAGNOLS
Au 16e siècle, les navires espagnols naviguaient dans les eaux d’Amérique centrale et du Sud, transportant des marchandises provenant des toutes nouvelles colonies. Beaucoup de ces navires, qui contenaient quantité d’objets et de tissus précieux, des joyaux, des pièces d’or et d’argent, ont sombré lors de violentes tempêtes ou lors d’attaques de pirates.
Un véhicule sous-marin téléguidé éclaire une épave datant de l’époque ottomane qui repose dans les profondeurs de la mer Noire.
Les chercheurs ont à cœur d'explorer le passé, la vie et les activités des anciens colons espagnols en Amérique, ainsi que les richesses qu'ils ont laissées derrière eux. Certains de ces navires ont été retrouvés, comme le Nuestra Señora de las Maravillas (Notre-Dame des Merveilles), disparu en 1656 et retrouvé au large des Bahamas avec sa précieuse cargaison, un véritable trésor composé de chaînes en or et de pendentifs incrustés de pierres précieuses. Le San José, légendaire galion espagnol qui a coulé en 1708 au large des côtes colombiennes, a également été localisé gisant à plus de 1 000 mètres de profondeur et dont on pense qu'il renferme l'un des plus grands trésors jamais mis au jour.
LES NAVIRES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALES
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, des milliers de navires ont été coulés dans les eaux profondes du Pacifique, de l'Atlantique et également au large de la Manche lors du débarquement en Normandie. Ils transportaient des armes, des munitions, des documents et d'autres fournitures qui étaient vitales pour les Alliés. Aujourd'hui, les plongeurs peuvent explorer ces épaves et révéler leurs secrets grâce à des reconstitutions 3D. Cependant, la présence d'explosifs rend ces plongées extrêmement dangereuses.
LE TRÉSOR DE SIR FRANCIS DRAKE
Navigateur, explorateur, et surtout corsaire, Sir Francis Drake fut le premier Anglais à parcourir les mers à la fin du 16e siècle. La légende du trésor de Drake, qui fascine les chercheurs depuis des siècles, est née en 1579, lorsqu'il a capturé un navire espagnol rempli d'innombrables richesses dans l'océan Pacifique. Il aurait gardé cet immense trésor à bord de son navire, le Golden Hind. Mais à son retour en Angleterre, Sir Francis Drake ne ramena aucun trésor. Dans ses récits de voyages, il indiqua avoir caché ses richesses dans des grottes le long de la côte Pacifique de l'Amérique du Sud. Des chercheurs, des explorateurs et des aventuriers multiplièrent les expéditions pour tenter de retrouver ce trésor. À sa mort en 1596, Drake n'avait toujours pas révélé son emplacement. Le mystère demeure intact.
LE TITANIC
Le naufrage du Titanic en 1912 est l'un des drames les plus célèbres. Le luxueux paquebot de croisière, reliant Southampton en Angleterre à New York, avec environ 2 200 passagers à bord, a sombré après avoir heurté un iceberg dans l'océan Atlantique. Plus de 1 500 personnes, majoritairement de riches passagers qui voyageaient en aller simple vers les États-Unis, ont péri dans ce naufrage. Ils transportaient des objets de valeur et de l'argent liquide, incluant des billets et des pièces de monnaie, certaines frappées en l'honneur du Titanic. Ces objets sont aujourd'hui très convoités par les collectionneurs et atteignent des prix très élevés lors de ventes aux enchères.
Des années de recherches et d'exploration ont permis de découvrir un véritable trésor composé de bijoux : des bagues en diamant, des colliers de perles, des montres, des broches et des boutons de manchette en or, ainsi que des objets personnels tels que des brosses à cheveux en bois précieux et de luxueuses bouteilles de parfum. Il est difficile de quantifier les objets et bijoux mis au jour. En 2012, plusieurs sources annonçaient que plus de 5 500 objets avaient été remontés de l’épave mais depuis sa découverte, de nombreuses explorations ont eu lieu. D’innombrables objets qui n’étaient pas accessibles ont été laissés au fond de l’océan pour préserver l’intégrité de l’épave. Ce qui laisse entrevoir l’importance de ce trésor.
Mais qui a découvert le Titanic gisant dans profondeurs de l’Atlantique ? National Geographic a révélé l’opération militaire secrète qui s’est déroulée pendant la guerre froide et a mené à la découverte fortuite de l’épave.
LES STATUES SOUS-MARINES DE L'ÎLE DE PÂQUES
L'île de Pâques est connue pour ses mystérieuses statues géantes appelées moai. Ce qui est moins connu, c'est qu'il y a également des moai qui ont été submergés dans les eaux qui entourent l'île. Les chercheurs n’ont pas encore percé les secrets de cette immersion et imaginent que des statues ont été jetées dans la mer par les habitants de l'île, peut-être en accomplissant des rites pour célébrer leurs ancêtres. Les statues sous-marines sont une attraction populaire et incontournable lors de plongées sous-marines.
LE HMS VICTORY
Ce navire de guerre britannique avait coulé en 1744 au large des côtes des îles Anglo-Normandes avec une importante cargaison de pièces de monnaie et de lingots d’or. L’épave a été localisée en 2008. L’année suivante, l’Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a rédigé la Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique pour attirer l’attention sur la nécessité de protéger de tels vestiges historiques.
LA FLOTTE DE LA DYNASTIE MING
Cette flotte, composée de plusieurs navires, a coulé en 1521, emportant avec elle une grande quantité de porcelaine - au moins 100 000 pièces de vaisselle, des pierres de jade et bien d'autres objets précieux. Un véritable trésor datant de la dynastie Ming, au 16e siècle, dormait à 1 500 mètres de profondeur.
Connaissant la valeur d'un vase Ming, on peut imaginer la fièvre qui s'empare des chercheurs de trésors. Récupérer ces objets à une telle profondeur nécessite des moyens financiers colossaux. Pourtant, depuis le mois de mai 2023, une opération exceptionnelle a été lancée pour tenter de récupérer ces précieuses reliques contenues dans les deux épaves repérées en mer de Chine en octobre 2022. Avec l'aide de drones marins et d'une technologie de pointe, c’est la première fois que des archéologues tentent de plonger aussi profondément.
Les récits d’exploration à la recherche de trésors engloutis continuent de nourrir les rêves de plusieurs générations d’explorateurs et de chercheurs et la passion qui les animent demeure intacte. Il est cependant important de rappeler que tous ces objets sont intimement liés à l'histoire de l’humanité, et que piller des sites archéologiques est un délit. De plus, les études menées autour de ces épaves combinent écologie marine et archéologie sous-marine, et révèlent une biodiversité exceptionnelle au sein des habitats qui se forment. Une incroyable richesse culturelle et biologique à préserver pour les générations futures.