L'Eldorado, récit d'une insaisissable cité d'or
Les récits de l'Eldorado, littéralement « l'homme doré », parvinrent aux oreilles des conquistadors espagnols aux alentours de 1530.
La frénésie des chercheurs d'or a concerné les hommes de toutes les époques, de toutes les ethnies et toutes les nationalités. Quelle que soit la quantité d'or possédée, elle semble alimenter un désir insatiable poussant à en vouloir davantage.
Cette passion a donné naissance au récit d'une cité d'or qui a survécu au fil des siècles. Au cours des 16e et 17e siècles, les Européens croyaient à l'existence, quelque part dans le Nouveau Monde, d'un lieu d'une grande richesse connu sous le nom d'Eldorado. La quête de ce trésor a gâché la vie de nombreuses personnes, poussé un homme au suicide et mis un autre sous la hache du bourreau.
« L'Eldorado a bouleversé les lieux géographiques, jusqu'à devenir simplement le synonyme d'une source de richesses incalculables, quelque part sur le continent américain », explique Jim Griffith, spécialiste du folklore à Tucson, dans l'État américain de l'Arizona.
Or, ce lieu aux mille richesses n'a jamais été découvert.
LES ORIGINES
Les origines de l'Eldorado sont profondément enfouies en Amérique du Sud. Comme toute légende survivant les siècles qui se respecte, le mythe de l'Eldorado comporte quelques bribes de vérité. Au début du 16e siècle, lorsque les explorateurs espagnols ont posé le pied en Amérique du Sud, le récit d'une tribu indigène située dans les hauteurs des Andes, dans l'actuelle Colombie, leur a été conté. Lors de l'arrivée au pouvoir d'un nouveau chef de tribu, une cérémonie au lac Guatavita inaugure son règne. Si les récits de cette cérémonie diffèrent, tous décrivent le nouveau dirigeant recouvert de poudre d'or et indiquent que de l'or et des bijoux précieux étaient jetés dans le lac en vue d'apaiser un dieu se trouvant dans les profondeurs.
Les Espagnols ont alors baptisé ce chef doré El dorado, « le doré ». La cérémonie de l'homme doré n'aurait plus été suivie à compter de la fin du 15e siècle, lors de la conquête d'El dorado et de ses sujets par une autre tribu. Cependant, les Espagnols et d'autres Européens avaient découvert de telles quantités d'or chez les indigènes situés le long de la côte nord du continent qu'ils étaient convaincus que l'intérieur des terres abritait un lieu fastueux. Les Espagnols ne sont pas parvenus à mettre la main sur El dorado, mais ont découvert le lac Guatavita, qu'ils ont tenté de vider, en 1545. Une fois le niveau de l'eau suffisamment bas, ils ont découvert des centaines de pièces d'or le long des rives, mais n'ont jamais atteint le précieux trésor se trouvant supposément dans les profondeurs.
LA QUÊTE DE WALTER RALEIGH
Sir Walter Raleigh, un courtisan anglais, s'est rendu à deux reprises en Guyane à la recherche d'El dorado. Lors de son second périple en 1617, il envoie son fils Watt Raleigh en expédition sur l'Orénoque, un fleuve de Colombie. Walter Raleigh, alors âgé, reste dans un camp de base situé sur l'île de Trinidad. L'expédition est un désastre et Watt Raleigh est abattu lors d'une bataille avec les Espagnols.
Eric Klingelhofer, archéologue à l'université Mercer de Macon, dans l'État américain de la Géorgie, est à la recherche du site ou du camp de base de Walter Raleigh à Trinidad. D'après lui, le courtisan anglais est entré dans une colère noire contre le survivant venu l'informer de la mort de son fils et l'accuse de l'avoir laissé se faire tuer. « L'homme retourne alors dans sa cabine sur le navire et se suicide », explique Eric Klingelhofer.
Raleigh rentre en Angleterre, où le roi James ordonne sa décapitation pour, entre autres, avoir désobéi aux ordres lui interdisant tout conflit avec les Espagnols.
Selon Jose Oliver, maître de conférence à l'Institut d'archéologie de la University College de Londres, le mythe de l'Eldorado survit aux siècles car « nous souhaitons y croire ». « Je ne pense pas que nous ayons jamais cessé de chercher l'Eldorado. »
Mais où se trouve donc cette cité d'or perdue ? Dans son poème intitulé « El Dorado », écrit en 1849, Edgar Allan Poe nous livre une version à la fois inquiétante et éloquente : « Par-delà les montagnes de la lune, et au fond de la vallée de l’ombre, chevauche hardiment, répondit l’ombre, — si tu cherches l’Eldorado. »