La véritable histoire d'Annie Oakley, légendaire tireuse d'élite
Vedette du Wild West Show de Buffalo Bill, cette légende du tir du 19e siècle se produisit devant les rois et reines d'Europe et inspira de nombreuses œuvres, mais aussi de nombreux récits contradictoires sur sa vie.
La tireuse d'élite Annie Oakley tient un fusil de chasse sur ce portrait datant du milieu des années 1880. Cette tireuse légendaire qui jouait dans le Wild West Show de Buffalo Bill inspira des séries télévisées, des films et des comédies musicales, mais aussi de nombreux récits contradictoires sur sa vie.
Selon la légende, Annie Oakley était une tireuse d’élite si douée qu’elle déjoua des cambriolages de trains à elle seule, abattit des ours et des panthères et tua un loup qui la tenait déjà entre ses griffes… C’est du moins ce que prétendait un roman inspiré de l’histoire de sa vie, publié en 1887 et intitulé The Rifle Queen.
La renommée d’Oakley comme l’un des tireuses les plus habiles de son époque inspira de nombreuses histoires invraisemblables : l’histoire du loup, par exemple, n’eut pas réellement lieu. Certains de ces mythes perdurent encore aujourd’hui en raison de la célèbre comédie musicale américaine, créée à Broadway en 1946, Annie du Far West. La scène finale de ce spectacle, par exemple, montre Oakley perdant volontairement un match pour protéger l’ego de son futur mari alors que, en réalité, elle gagna son cœur en le battant dans un concours de tir.
Il est difficile de séparer la réalité de la fiction dans la vie d’Annie Oakley. Pendant dix-sept ans, elle fut l’attraction vedette du Buffalo Bill’s Wild West Show, un spectacle populaire du 19e siècle, en présentant ses talents pour le tir. Elle stupéfia le public en tirant sur des cigarettes placées entre les lèvres de son mari, en visant des cartes à jouer jetées en l’air et, son tour favori, en tirant sur une cible placée derrière qu’elle ne pouvait voir que dans un miroir.
La réputation d’Oakley fut largement façonnée par son mari Frank Butler et par les promoteurs du Wild West Show. Mais certains des récits concernant sa vie et celles de ses descendants subsistent. Voici la véritable histoire de la fameuse tireuse d’élite américaine.
SES DÉBUTS
Pour commencer, Oakley n’était pas son vrai nom. Née le 13 août 1860 sous le nom de Phoebe Ann Moses, parfois orthographié Mozee, Mosey ou Mauzy par la famille, elle commença à utiliser son nom de scène lorsqu’elle rejoignit le Wild West Show en 1885.
Plutôt que du Far West, Oakley était originaire du comté de Darke, dans l’Ohio, et elle connut des débuts difficiles. Après le décès de son père à l’âge de 5 ans, elle dut aider à subvenir aux besoins de sa famille. Sue Macy écrit dans son ouvrage Bull’s-Eye: A Photobiography of Annie Oakley, publié par National Geographic, qu’Annie aida à nourrir sa famille en fabriquant des pièges pour attraper le gibier, puis en prenant le fusil de son père.
Sur cette photographie prise vers 1885, Oakley tire sur un fusil par-dessus son épaule à l'aide d'un miroir à main. Ce tour était l'un de ses préférés et il impressionnait souvent les foules. Elle était habile avec les fusils depuis son plus jeune âge, après en avoir pris un pour chasser de la nourriture pour sa famille.
Annie racontait souvent l’histoire de sa toute première chasse, et même si des détails tels que le type d’animal qu’elle avait tué changeaient au fil des ans, elle était certaine de l’avoir abattu d’un seul coup.
« Je ne sais pas comment j’ai acquis cette compétence », confia-t-elle un jour, selon Macy. « Je suppose que je suis née avec. »
La tragédie frappa à nouveau lorsque le beau-père d’Oakley mourut en 1870. Ayant du mal à joindre les deux bouts, sa mère envoya certains de ses enfants vivre chez des voisins. Un fermier local accueillit la jeune fille chez lui pour qu’elle l’aide à s’occuper de ses enfants. Malgré sa promesse de lui laisser le temps d’aller à l’école et à la chasse, cette situation se transforma rapidement en une forme d’asservissement sous contrat.
Elle réussit à s’échapper et retourna finalement chez sa mère à l’adolescence. C’est à ce moment-là qu’elle commença à vendre régulièrement ses prises à l’épicerie et aux hôtels du coin, gagnant ainsi assez d’argent pour rembourser l’hypothèque de la maison de sa mère.
Sa maîtrise du tir devint sa carrière, et l’amena même à rencontrer son mari, un autre tireur d’élite, Frank E. Butler, en 1875. Elle rendait visite à sa sœur à Cincinnati lorsqu’elle fut invitée à un match de tir avec Butler.
Oakley et Butler touchèrent tous les deux chacun des pigeons libérés du piège, jusqu’à ce que le dernier tir de Butler tombe au-delà de la ligne de démarcation, donnant ainsi la victoire à Oakley. Peu après, les deux se marièrent et commencèrent à se produire ensemble.
VEDETTE DU BUFFALO BILL’S WILD WEST SHOW
En 1885, Oakley et Butler rejoignirent le Wild West Show de Buffalo Bill, ce qui lui valut une renommée internationale. Elle gagna sa place dans la compagnie en frappant tous les pigeons d’argile lancés en l’air par Butler lors d’un exercice de tir.
Le couple voyagea à travers les États-Unis avec la troupe du Wild West Show. Créé en 1883 par William F. Cody, mieux connu sous le nom de Buffalo Bill, il s’agissait d’un spectacle grandiose en plein air représentant un Far West fictif. Il comprenait des reconstitutions de cow-boys combattant des Indiens, des expositions de tir et des performances telles que de l’équitation. Cody abandonna plus tard publiquement certaines représentations négatives des Amérindiens dans son spectacle.
Oakley devint rapidement la principale attraction du spectacle, de nombreux spectateurs étant stupéfaits par ses talents de tireuse d’élite, tout particulièrement par rapport à sa petite taille. Elle acquit une renommée internationale en 1887 lorsque la troupe se produisit au Jubilé d’or de la reine Victoria à Londres.
La tireuse fut annoncée comme l’une des têtes d’affiche du spectacle, auquel la reine et son fils Édouard, le prince de Galles, assistèrent. Les récits selon lesquels Édouard aurait invité la jeune femme dans sa loge après le spectacle furent corroborés par certains récits de leur rencontre, dans lesquels le prince décrivit notamment Oakley comme une « merveilleuse petite fille ».
Elle et Butler étendirent rapidement leurs activités pour donner des expositions privées à la royauté européenne avant de rejoindre à nouveau le spectacle en 1889. Oakley tira même sur une cigarette que le kaiser allemand Guillaume II tenait entre ses doigts, et non pas dans sa bouche comme le prétendent certaines légendes.
Le couple quitta finalement la troupe lorsqu’Oakley fut blessée suite à un accident de train en 1901. Cependant, elle continua à apparaître dans des expositions jusqu’à sa retraite officielle à l’âge de 53 ans.
UN RÉGIMENT DE FEMMES TIREUSES
Au-delà de son talent emblématique pour le tir, Oakley était également connue pour son travail bénévole et philanthropique. Bessie Edwards, son arrière-petite-nièce et cofondatrice de la Fondation Annie Oakley, écrit dans la préface de la photobiographie publiée par National Geographic que son arrière-grande-tante donna beaucoup de temps et d’argent aux malades de la tuberculose, aux orphelins et aux jeunes femmes cherchant à faire des études supérieures.
Oakley était également passionnée par l’enseignement du tir aux femmes, aussi bien pour le sport que pour leur protection. Elle aurait enseigné le tir à plus de 15 000 femmes au fil des ans dans le cadre de cours gratuits.
Oakley enseigne le tir à des femmes vers 1918. Elle passait deux heures chaque matin à donner des cours gratuits lorsqu'elle vivait à Pinehurst, en Caroline du Nord, au début des années 1910.
« Je pense que chaque femme devrait apprendre à utiliser des armes à feu », écrivit-elle un jour, selon Macy. « J’aimerais que chaque femme sache manier [les armes à feu] aussi naturellement qu’elles savent manier les bébés. »
En 1898, elle envoya une lettre au président des États-Unis William McKinley avant que la guerre hispano-américaine n’éclate, et se porta volontaire pour organiser un régiment de cinquante tireuses d’élite, même si les femmes n’étaient pas autorisées à servir dans l’armée américaine à l’époque. Son offre fut refusée par le département de la Guerre de son pays.
Lorsque les États-Unis entrèrent dans la Première Guerre mondiale en 1917, Oakley écrivit une nouvelle lettre au secrétaire à la Guerre, pour lui proposer de former une division féminine : « Je peux garantir un régiment de femmes pour la protection des foyers », écrivit-elle. « Chacune d’entre elles peut et veut tirer si nécessaire. »
Le secrétaire ne donna pas suite à son offre, mais Oakley participa tout de même aux efforts de guerre en faisant des démonstrations de tir dans les postes de l’armée américaine. Elle entraîna même son chien, Dave, à renifler les dons en espèces faits à la Croix-Rouge. Les donateurs enveloppaient l’argent dans des mouchoirs et le cachaient pour que l’animal les trouve, ce qui lui valut le surnom de Dave the Red Cross Dog, soit Dave le chien de la Croix-Rouge.
PROTÉGER SA RÉPUTATION DES RUMEURS
Oakley travailla d’arrache-pied pour construire sa réputation, et pour la protéger des ragots et des calomnies qui accompagnaient souvent sa célébrité.
En 1890, les journaux du monde entier reprirent une information française selon laquelle elle était morte à Buenos Aires, en Argentine. Oakley envoya des télégrammes rassurants d’Angleterre où elle était en vacances, et bel et bien vivante, et exigea le retrait de l’article par les journaux en question. Selon Macy, le journal avait apparemment mal orthographié le nom de la personne réellement décédée : une chanteuse nommée Annie Oatley.
Puis, en 1903, deux journaux de Chicago rapportèrent qu’Oakley était enfermée dans une prison locale après avoir plaidé coupable pour le vol du pantalon d’un homme dans le but d’obtenir de l’argent pour s’acheter des drogues. L’histoire fut reprise dans tout le pays. Pour rétablir la vérité, Oakley écrivit aux journaux pour leur affirmer qu’elle n’avait pas été à Chicago depuis des mois. La plupart se rétractèrent lorsqu’une enquête révéla qu’une actrice portant le nom de scène Any Oakley était la véritable coupable, mais cela n’était pas suffisant pour la tireuse.
Elle intenta des procès pour diffamation contre cinquante-cinq journaux et passa une grande partie des sept années suivantes à témoigner devant les tribunaux. D’après Macy, elle gagna ou s’arrangea à l’amiable pour cinquante-quatre de ces affaires, et repartit avec plus d’un quart de million de dollars en guise de dédommagement.
SON HÉRITAGE
Oakley ne tarda pas à envisager d’autres orientations professionnelles, comme jouer dans des films ou écrire ses mémoires. Mais sa santé déclina rapidement à la suite d’un accident de voiture en 1922 qui lui laissa une blessure permanente à la jambe. En 1926, on lui diagnostiqua une maladie du sang et elle mourut à l’âge de 66 ans à Greenville, dans l’Ohio. Son mari, qui visitait la Caroline du Nord pour l’hiver, mourut dix-huit jours plus tard.
Malgré, ou peut-être grâce aux récits contradictoires sur sa vie, la réputation d’Annie Oakley perdura au fil des ans. Sa ténacité et sa détermination devinrent une source d’inspiration pour beaucoup, et son personnage apparut dans des séries télévisées, des films et des comédies musicales.
« Visez le haut du panier et vous l’atteindrez », aurait-elle dit. « Non, pas la première fois, pas la deuxième fois, et peut-être pas la troisième. Mais continuez à viser et à tirer, car seule la pratique vous permettra de vous perfectionner. Finalement, vous parviendrez à atteindre le centre de la cible du succès. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.