Le Jérusalem de l’époque de Jésus se dévoile dans des cartes rares
À quoi ressemblait la ville sainte lorsque le christianisme est né ? 1 500 ans plus tard, un prêtre européen s’y est intéressé et a créé une carte de la ville de l’époque.
Cet extrait est issu du nouveau livre National Geographic intitulé All Over the Map, qui rassemble les cartes les plus incroyables au monde, sélectionnées par Betsy Mason et Greg Miller.
Christiaan Van Adrichom, prêtre catholique travaillant à Cologne, dans l’actuelle Allemagne, ne s’était sans doute jamais rendu à Jérusalem avant de créer cette carte en 1584. À l’époque, la Terre Sainte était musulmane depuis des siècles : il était donc difficile et potentiellement dangereux de s’y rendre lorsque l’on était un pèlerin chrétien. Néanmoins, Van Adrichom est parvenu à créer une carte très populaire qui a permis aux chrétiens européens d’imaginer un voyage qu’ils n’entreprendraient certainement jamais, mais aussi de les faire voyager dans le temps en représentant la ville telle qu’elle était à l’époque du Christ.
La carte recense au moins 270 monuments et références à la tradition chrétienne, tous numérotés et légendés dans un livret qui l’accompagne. Van Adrichom l’a réalisé en se basant sur le travail de précédents cartographes, ainsi que la Bible et des récits antérieurs d’universitaires et de pèlerins.
Sur cette carte, l’Ouest de Jérusalem se situe en bas et l’Est en haut. Les rangées de rues ordonnées semblent s’inspirer d’une description très simplifiée de la ville faite par l’historien du 5e siècle Flavius Josèphe. À la place des bâtiments en roche calcaire qui auraient dû dominer Jérusalem à l’époque du Christ, les édifices représentés sur la carte de Van Adrichom affichent un style architectural plus travaillé, semblable à ce que l’on pouvait voir au 16e siècle en Europe.
UNE CARTE TRÈS DÉTAILLÉE
Des moments clefs de la vie de Jésus sont dispersés à travers la carte : son arrivée à Jérusalem à dos d’âne, entouré de ses apôtres et précédé par une silhouette qui dépose des branches sur son chemin, comme décrit dans le Nouveau Testament (numéro 214) ; la Cène, lorsque Jésus prédit la trahison de Judas, représentée juste à l’intérieur des murs de la ville (numéro 6) ; et le jugement de Jésus par Ponce Pilate, le gouverneur romain qui a ordonné son exécution, dessiné à la gauche du centre de la carte (numéro 115).
À partir de là, Van Adrichom représente Jésus portant une croix en bois jusqu’au Golgotha (numéro 235), où il a été crucifié. Cet événement est représenté en 14 scènes différentes, un nombre qui semble avoir marqué les esprits. Aujourd’hui encore, certains chrétiens commémorent le Vendredi Saint en reconstituant le chemin de croix, s’arrêtant aux 14 stations de ce dernier pour prier.
Van Adrichom a illustré les événements des derniers jours de la vie de Jésus comme s’ils s’étaient produits simultanément, mais il a accompli une prouesse encore plus grande d’alignement temporel. Les envahisseurs qui ont conquis Jérusalem au cours de son histoire encerclent la ville ensemble, en même temps. Les tentes des Assyriens, qui ont envahi la ville au 8e siècle avant J.-C., sont installées sur le côté droit de la carte. Les Chaldéens, qui ont assiégé Jérusalem au 6e siècle avant J.-C. sont postés sur la gauche de la carte, non loin des conquérants Romains, arrivés en 70 après J.-C.
DES EUROPÉENS QUI VOYAGEAIENT DANS LES LIVRES ET LES CARTES
À l’époque de Van Adrichom, Jérusalem était une ville mineure de l’Empire ottoman. Toutefois, en raison de sa signification religieuse, elle tenait une place importante dans l’imagination des Européens. Depuis l’invention au siècle précédent de la presse à imprimer, les livres d’histoire et les guides de voyage, entre autres, sur la Terre Sainte étaient devenus de plus en plus populaires et il était plus facile de s’en procurer.
Mais ce que les Européens cherchaient dans ces ouvrages n’était pas quelque chose qu’ils pouvaient vraiment utiliser pour organiser un voyage, expliquait en 1993 Rehav Rubin, géographe historien à l’Université hébraïque de Jérusalem dans un article publié par le magazine d’archéologie biblique Bible Review. « Peu d’Européens se sont vraiment rendus à Jérusalem. Ils achetaient des cartes et des livres en accord avec l’intérêt qu’ils portaient aux idées et aux événements associés à la ville sainte, et non pas pour les détails physiques de cette dernière. »
Telle était la visée de la carte de Van Adrichom. Au cours des siècles suivants, elle fut plusieurs fois rééditée et traduite dans diverses langues, preuve de sa popularité. Pendant près de 300 ans, l’idée que se faisaient les chrétiens européens de Jérusalem était en grande partie le fruit de cette carte colorée et pleine d’imagination.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.