Les reliques du 11 septembre, témoignages de mort et de souffrance
Les objets laissés par les victimes des attentats du 11 septembre 2001 et ceux qui ont tenté de les aider sont une trace indélébile de leur courage et de leur humanité.
Joe Hunter, habitant de Long Island, a obtenu son diplôme de commerce à la l’université Hofstra. Pourtant, depuis sa plus jeune enfance, il savait que le métier de pompier était ce qui lui correspondait le mieux. Sur une vidéo filmée par des journalistes au matin du 11 septembre, on peut apercevoir Joe et des collègues de la brigade 288 du Fire Department of the City of New York, le visage sérieux et chargé d’équipement. Ils se dirigeaient vers la tour Sud du World Trade Center pour participer aux évacuations. Lorsque la tour s’est effondrée, Joe Hunter et son équipe ont péri. Le casque de Joe a été retrouvé parmi les décombres plusieurs mois après.
Certaines valeurs peuvent se voir ancrées dans des objets, devenus presque sacrés. L’altruisme. Le courage. La persévérance face à l’indicible. Ces valeurs que Joe Hunter et des centaines d’autres personnes ont arborées le 11 septembre 2001.
Joe Hunter a réalisé ses plus grands rêves sur son camion de pompier. À l’âge de 4 ans, il pédalait sur son tricycle jusqu’au coin de la rue pour apercevoir les camions rouges passer. À 11 ans, il s’entraînait aux exercices incendies avec une échelle et un tuyau d’arrosage. Si ses amis ne le prenaient pas au sérieux, il les envoyait balader.
Benjamin Badillo, ambulancier, a été dépêché sur le site des tours jumelles après la première attaque. Il est resté dans l’ambulance pendant que son collègue, Edward Martinez, est parti à la recherche de survivants. Après avoir entendu un terrible grondement, Benjamin a vu « le sommet du bâtiment s’effondrer ». Edward a été heurté par les débris. Les deux hommes se sont réfugiés alors que la tour Sud s’écroulait. Edward Martinez a été conduit à l’hôpital et a survécu grâce à une opération d’urgence. Benjamin Badillo se rappelle avoir parcouru la zone en « hurlant [le nom] de [son] collègue ». Leur ambulance a été détruite mais une partie de la carte qu’ils utilisaient a résisté aux flammes.
Il a débuté sa carrière en tant que pompier volontaire. Il a obtenu son diplôme à l’académie du New York City Fire Department (FDNY). Il a ensuite suivi des formations spécialisées dans les attaques terroristes et les effondrements d’immeubles. Lorsque sa mère, Bridget, s’inquiétait, il lui répliquait, « S’il m’arrive quelque chose un jour, retiens juste que j’adorais mon métier ».
À tout juste 18 jours de son 32e anniversaire, le pompier Joseph Gerard Hunter de la brigade 288 du FDNY est mort alors qu’il participait à l’évacuation de la tour Sud du World Trade Center. Il est l’une des 2 977 victimes des attaques du 11 septembre 2001, l’attentat le plus meurtrier jamais entrepris sur le sol états-unien.
En février 2002, des équipes de fouilles ont retrouvé un casque de la brigade 288. Le numéro de badge de Joe Hunter y était inscrit. « Il est évidemment déformé », souligne la sœur du pompier, Teresa Hunter Labo. « C’est la seule chose qui nous reste de lui à ce moment-là, la seule qui lui appartenait. »
Vingt ans se sont écoulés. Des monuments commémoratifs ont été inaugurés sur les sites des attaques à New York, au Pentagone et dans un champ en Pennsylvanie. Les artefacts de chacun de ces lieux reflètent les particularités de chaque drame. Lorsque l’équipage et les passagers du vol United Flight 93 ont tenté de reprendre le contrôle de l’appareil, les pirates de l’air l’ont précipité vers le sol près de Shanksville en Pennsylvanie à près de 900 km/h. À l’exception d’un morceau de fuselage et de deux parties de moteur écrasées, la plupart des vestiges n’étaient que de petits morceaux.
Charles F. Burlingame III, le pilote du vol American Flight 77, transportait sur lui un précieux porte-bonheur : une carte de prière des funérailles de sa mère, Patricia, décédée moins d’un an avant les faits. Les secours ont retrouvé la carte, presque intacte, sur le site de l’accident du Pentagone. Le frère du pilote a déclaré que la trouvaille lui avait apporté grand réconfort. « Ma famille est convaincue que c’était ma mère qui nous disait, “Ne vous inquiétez pas. Je prends soin de lui maintenant”. C’était son petit message pour nous. »
Lorsque les passagers ont tenté de reprendre le contrôle du vol 93, les terroristes, qui visaient Washington D.C., ont dirigé l’avion vers un champ en Pennsylvanie. Un des morceaux des moteurs du Boeing 757 a été retrouvé dans un champ. Un autre est tombé dans un étang. Sur les quatre vols détournés, 33 membres d’équipage et 213 passagers sont morts.
Au Mémorial et musée national du 11 septembre à New York, plus de 70 000 objets ont permis de retracer l’histoire des victimes, des premiers intervenants et des survivants. Certains éléments sont aussi petits qu’une bague, d’autres aussi imposants que la moitié d’un camion de pompier écrasé. Nombre d’entre eux sont des objets de tous les jours : un couvercle de boîte alimentaire, peut-être celle qui transportait un déjeuner préparé le matin d’un mardi ordinaire. Toutefois, certains détails rendent poignants ces artefacts devenus reliques. Par exemple, un tricot inachevé, les aiguilles toujours en place. C’était le passe-temps d’un directeur de l’entreprise Cantor Fitzgerald, dont 658 employés sont morts ce jour-là.
En hommage à Joe Hunter, sa famille a fait don de son casque au musée. « C’est sa place, là-bas », assure sa sœur. Il y est préservé avec les autres artefacts, ordinaires mais si singuliers, témoins silencieux d’un pan majeur de l’Histoire.
Retrouvez la série 11 septembre, un Jour dans l’Histoire, du jeudi 2 septembre au dimanche 5 septembre, à 21 h sur la chaîne National Geographic.
Patricia Edmonds, directrice principale des contenus courts aux États-Unis, supervise la section EXPLORER de l’édition américaine du magazine. Basé à New York, Henry Leutwyler est un photographe suisse. Il était sur les lieux des attaques lors du 11 septembre. Hicks Wogan a participé à la création de cet article.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.