L'histoire du fabuleux tissu d’or antique découvert en Saône-et-Loire

Parmi les 230 tombes découvertes au sein d’une nécropole en Saône-et-Loire, 6 d’entre elles renfermaient des tissus cousus de fils d’or. Les archéologues étudient de plus près ce tissu antique et luxueux pour comprendre à qui il a pu appartenir.

De Margot Hinry
Publication 24 juil. 2022, 10:30 CEST
Tissu d’or agrégé à une motte de terre

Tissu d’or agrégé à une motte de terre

PHOTOGRAPHIE DE Fabienne Médard / Anatex

C’est lors d’une fouille préventive en Saône-et-Loire, à Saint-Pierre-l’Estrier en 2020, qu’une équipe d’archéologues a découvert les vestiges d’une étoffe tissée de fils d’or. Teintée de pourpre et d’or, le tissu est étudié par des expertes au sein d’un laboratoire afin d’en apprendre plus sur la manière dont il a pu être tissé et orné.

La fouille préventive avait été réalisée en vue d’une construction de logement d’un particulier au-dessus d’une nécropole déjà connue par les équipes de l’Inrap. « Lorsque l’on avait fait le diagnostic, on avait trouvé des tombes avec des sépultures, des sarcophages, des cercueils en plomb. Au moment de la fouille, on a retrouvé des choses similaires que ce qu’on avait au diagnostic. Mais on a été surpris par le nombre de cercueils en plomb. Il y en avait près d’une quinzaine, ce qui est assez conséquent pour ce type de nécropole. C’est l’un des plus gros corpus de la région » décrit Carole Fossurier, responsable scientifique de la fouille.

Après avoir pris de nombreuses précautions, l’équipe a fouillé le site où se trouvaient probablement les premiers chrétiens autunois. « On est sur un terrain qui conserve de manière générale très mal les squelettes, mais là, sur les cercueils en plomb, c’était vraiment pire. On ne peut rien en dire, les squelettes sont complètement dépravés. La terre s’accumule dedans, l’eau, la décomposition dissout les squelettes. On a seulement des espèces de négatifs, avec une marque là où il y avait les squelettes, mais on ne peut pas prélever les os en eux-mêmes » précise Carole Fossurier.

En tout, la nécropole se compose de 230 tombes d’une ancienne église paléochrétienne. « En faisant la fouille, ma collègue a contourné un peu le crâne de l’une des tombes, puis elle s’est rendue compte qu’il y avait des fils d’or. » En ouvrant l’une des tombes, parmi les débris de terre, une couleur dorée apparaît. « On s’est même aperçu que ce n’était pas que du fil, mais vraiment du tissu. Sur le site, on a six tombes qui présentent des fils d’or, mais que des fils sur certains, alors que dans l’une d’elles, il reste même le textile. Sur les autres, c’est très dégradé, car les fils sont extrêmement fins » témoigne l’archéologue. Cinq de ces tombes sont en bronze, et la sixième est en bois.

« Du tissu teinté de couleur rouge, en cours d’analyse, a également été retrouvé dans plusieurs de ces sépultures : ce pourrait être de la pourpre, teinture associée à l’époque à la haute aristocratie » précise l’Inrap.

Parmi toutes les sépultures, l’une d’entre elles attire particulièrement l’attention de l’équipe de fouille. Au sein de la tombe 47, « un cercueil de plomb daté du 4e siècle » se trouvent les vestiges d’un véritable textile tissé avec des fils d’or. L’équipe de Carole Fossurier a donc fait appel à Fabienne Médard, une spécialiste des matériaux organiques et textiles, docteur en archéologie.

« Le sarcophage initial pour lequel notre venue avait été demandée a été ouvert et il n’était pas hermétique. Il ne restait pas grand-chose à l’intérieur mais certains autres ont livré beaucoup de matériel, dont la 47 qui contenait énormément de tissus d’or. Les mottes ont été prélevées, conditionnées et puis mises au réfrigérateur pour temporiser. C’est en 2021 que l’on a commencé à travailler dessus en laboratoire » explique Fabienne Médart. Sur place, le travail de prélèvement du tissu et des fils d’or a été très méticuleux afin d’éviter toute dégradation, selon Carole Fossurier.

« On a dû réfléchir à des tas d’éléments pour éviter qu’ils s’abîment, mais pour tout vous dire, la taille des prélèvements dépendait aussi de la taille du réfrigérateur » confie l’archéologue. Afin de conserver au plus vite et au mieux les prélèvements de tissus et de fils d’or, en attendant les financements nécessaires pour lancer des études en laboratoire, les mottes ont été mises au frais. « Il y a eu dix-sept mottes prélevées dans la sépulture 47, elles ont été mises au réfrigérateur, puis mises à sécher. On ne pouvait pas intervenir sur des matériaux humides, ça collait trop et cela détruisait tout » précise Fabienne Médart.

Tissu d’or agrégé à une motte de terre.

Tissu d’or agrégé à une motte de terre.

PHOTOGRAPHIE DE Denis Gliksman, Lucie Marquat, Inrap

Afin de préciser le protocole de fouille, les mottes de terre ont été envoyées à Rennes, au laboratoire Cetso, pour une tomodensitométrie « afin de visualiser à travers la terre les restes textiles ». Elles ont séché pendant près d’une année « afin d’éviter les dégradations induites par un choc thermique trop violent ».

Fabienne Médart et Raphaël Chevallier, spécialiste en conservation et restauration, ont finalement commencé à analyser et à dégager le tissu des mottes de terre au mois d’avril 2022. Selon les informations de l’Inrap, le tissu recouvrait l’ensemble de la superficie du cercueil, à exception de la tête.

Pendant une semaine intensive, les expertes ont travaillé sur les tissus. « Ce travail va nous permettre de comprendre les textiles en eux-mêmes, les techniques de fabrication du textile, comprendre comment il était positionné dans la sépulture. Cela s’appelle la taphonomie. On va aussi obtenir des informations sur le statut du défunt. On pourra aussi savoir la manière dont le tissu englobait le corps. Est-ce qu’il l’habillait ? Est-ce qu’il passait sous le corps ou au-dessus ? Enfin, ça nous donne énormément d’informations techniques sur la fabrication du fil d’or, le tissage… » décrit Fabienne Médart.

L’experte explore plusieurs pistes de fouille et en arrive à la conclusion que la tombe 47 renfermait très probablement d’un enfant, ce que suppose également Carole Fournier.

« J’ai vu des motifs floraux qui se dessinaient mais pas la totalité du déroulé ornemental. J’aimerais comprendre plus en finesse de quoi il s’agit. J’ai commencé à faire des comparaisons avec des tissus de différentes époques. Époque byzantine, antiquité tardive, on est complètement dans ce type d’iconographie là sauf que là, on a des fils d’or » poursuit Fabienne Médart. 

Cette trouvaille archéologique n’est pas une exclusivité. Des fils d’or ont déjà été découverts auparavant. « Ce qui est rare, c’est une aussi grande superficie » affirme Carole Fournier.

À ce jour, le tissu teinté de pourpre et de fils d’or reste extrêmement fragile et les éléments de référence sont très faibles. « Je ne suis pas sûr qu’on obtienne de contexte un jour sur ce tissu » relève la responsable de la fouille. Pour le moment, « on attend la suite des financements, une fouille comme ça c’est très long, très minutieux. Il y a des prélèvements à faire, la micro stratigraphie, beaucoup de choses à documenter au moment de la fouille, donc ça prend du temps » conclut Fabienne Médart.

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