Découverte d'Ocomtún, une cité maya dans la péninsule du Yucatán
La technologie LiDAR aéroportée a permis de détecter une ancienne cité maya au beau milieu de la forêt vierge mexicaine, là où se tenaient auparavant les anciennes terres basses de cette civilisation disparue.
Des archéologues ont découvert une ancienne ville maya à Campeche. Ils lui ont donné le nom d'Ocomtún, « pilier de pierre ».
Une découverte réalisée courant mai a été annoncée par l’Institut national d’Anthropologie et d’Histoire (INAH) du Mexique, le 20 juin dernier. Une équipe d’une quinzaine d’archéologues mexicains et slovènes, ainsi que des travailleurs locaux, dirigés par Ivan Šprajc, archéologue et archéo-astronome, professeur directeur à l'Institut d'anthropologie et d'études spatiales de Slovénie, ont découvert une ancienne cité maya. La cité d’Ocomtún, mise au jour au cœur de la forêt de l’État de Campeche, dans la péninsule du Yucatán, est datée de la période classique de l’histoire précolombienne, soit 250 à 1000 après Jésus-Christ.
Cette découverte est le fruit de la toute dernière expédition du projet « d’expansion du panorama archéologique des basses terres centrales mayas », approuvé par l’INAH et le ministère de la Culture mexicain. Ce projet de recherche est mené dans cette zone méconnue depuis 1996. D’abord au sud-est de l’État de Campeche, puis au nord, au niveau de la réserve biologique de Calakmul, avant de se tourner d’avantage vers l’ouest, au niveau de la réserve biologique de Balamkú, où Ocomtún a été découverte.
UNE ODYSSÉE DE LA DÉCOUVERTE DES ANCIENNES TERRES MAYA
« Nous avons travaillé dans cette zone pendant plus de vingt ans », explique Ivan Šprajc. La plus récente saison de recherche, au courant de laquelle la cité d’Ocomtún a été découverte, a été menée dans l’État de Campeche au Mexique. Cette zone se trouve au centre la péninsule du Yucatán.
Aucun site archéologique n’avait encore été découvert dans cet espace dans un rayon de 3 000 km², lequel constituait jusqu’à ce jour la principale lacune sur la carte archéologique de la zone centrale des basses terres maya, bien que de nombreux sites restent encore inconnus et inexplorés dans l’ensemble de la région étudiée.
Les scientifiques se sont basés sur une étude par scan laser d'une partie de la zone en raison de l’étendue de sa surface. De nombreux gisements archéologiques ont été mis au jour grâce à une technologie de télédétection, le laser LiDAR (light detection and ranging), qui a permis de déterminer les subtilités du faible dénivelé du terrain, cachées par l’épais manteau végétal de la région (forêts et pâturages).
Le LiDAR est utilisé en archéologie depuis plus de quinze ans. « Nous pouvons voir de nombreux détails dont l'existence nous était jusqu'alors inconnue », raconte l'archéologue en chef. Cette technologie a révolutionné l’archéologie moderne, car elle permet de contourner la problématique des fouilles traditionnelles, particulièrement complexes, voire impossibles à mener dans des régions recouvertes de végétation particulièrement dense.
La technologie laser connue sous le nom de LiDAR laisse apparaître des ruines mayas cachées sur le terrain par un dense couvert forestier.
Initialement inventé à des fins militaires, ce dispositif est composé de capteurs lasers, lesquels sont fixés sur des avions, drones ou hélicoptères, qui survolent la zone étudiée. Ces capteurs envoient de brèves et rapides pulsations lumineuses en direction du sol. Elles traversent le couvert végétal et viennent rebondir sur les surfaces. Le temps que chaque pulsation lumineuse met pour revenir au capteur permet de produire un nuage de points raccordé à des données GPS. Le traitement informatique permet par la suite aux archéologues et cartographes de proposer une vision en trois dimensions de ce qui se trouve enfoui sous la végétation.
SUR LES TRACES D'OCOMTÚN
« Nous avons sélectionné quelques zones », reprend Ivan Šprajc « dans lesquelles nous suspections la présence de restes archéologiques, en nous basant sur des images publiques de télédétection, mais également des photographies de l’Institut National Mexicain de Statistiques et de Géographie ». Malgré la difficulté de discerner quelque forme que ce soit sous la végétation luxuriante, les archéologues ont repéré quelques formes intrigantes. C’est dans la région nord de la zone étudiée que les chercheurs ont découvert la grande cité d’Ocomtún, « colonne de pierre » en maya yucatèque.
Les scientifiques ne s’intéressent pas uniquement aux restes de bâtiments, ils tentent de visualiser comment l’ensemble d’une société locale s’organisait. Un grand intérêt pour les traces d’agriculture, mais également les aménagements du territoire, permettant par exemple d'approvisionner les différentes zones en eau, ont notamment fait l’objet d’une attention toute particulière. Il est difficile de parler de « sites », explique Ivan Šprajc. « Dans l’ancien territoire maya, il y a des zones que l’on peut qualifier de la sorte car il y a des emplacements urbains [ponctuels]. Mais dans d’autres cas, nous observons des paysages entiers qui ont été modifiés dans leur continuité. […] Il n’y a alors pas de frontières claires entre ces différents emplacements ».
Ocomtún qui s’étend sur plus de 50 hectares, est l’un des plus vastes territoires récemment découverts. « Nous avons retrouvé des terrasses agricoles, des aménagements pour la gestion des eaux, comme des canaux, ou encore des réservoirs d’eau. […] Ces modifications couvrent parfois de larges pans du paysage », ajoute-t-il. Le système hydraulique était d’ailleurs probablement essentiel étant donné qu'il n’y avait pas d’affluent, et que les nappes phréatiques de la zone se trouvent entre 70 et 100 mètres sous la surface, donc inaccessibles avec les technologies de l’époque.
Une fois les images LiDAR modélisées, les archéologues ont pu localiser précisément où étaient concentrées les différentes structures archéologiques. « La question était de savoir comment s’y rendre », se rappelle Ivan Šprajc. Les archéologues ont alors emprunté des sentiers qui se dirigeaient vers le nord, en partance du village de la Constitución, non loin de la route qui traverse la péninsule du Yucatán d’est en ouest, avant de s’enfoncer dans la forêt profonde, au plus près de la zone repérée.
LA CITÉ OUBLIÉE AUX PILIERS DE PIERRE
« Ocomtún est sans doute d’origine maya », explique Ivan Šprajc. Un élément en particulier a attiré l’attention des scientifiques lors de la phase d’étude satellite. Le terrain est surélevé et entouré de « terres humides », communément appelées « bajos », typiques au sein du territoire Maya. « Cette configuration [de l'eau qui protège la zone surélevée, excepté à l'est], était idéale pour la défense », fait-il remarquer. Ces espaces marécageux, voire totalement inondés pendant la saison des pluies, qui s’étend de mai à décembre, période ou 90 % des pluies annuelles tombent, ont été aménagés pour retenir l’eau.
Le déboisement et l'aménagement des basses terres mexicaines par les populations de l’époque, a permis à des lacs artificiels de se former. « Typiquement tous les sites majeurs de la civilisation maya se trouvent à proximité ou en bordure de ces terres humides », ajoute l’archéologue en chef. Les bajos sont communément considérés par les chercheurs comme les greniers du monde maya. L’étude des sols qui jalonnent ces zones inondables révèlent en effet des strates de tourbes humides, de pollens d’arbres et de plantes aquatiques, mais également de maïs, suggérant une utilisation agricole de ce territoire, qui aurait permis aux Maya d’apprivoiser les conditions climatiques et écologiques de leur territoire pendant des siècles.
« Des plateformes arrangées en cercles concentriques » ont également intrigué les archéologues. Les scientifiques arrivent au consensus que ces espaces circulaires devaient être des marchés, ou du moins des zones d’activités commerciales. En tout, la zone comprend une quinzaine de complexes commerciaux de ce type. Ces grands marchés ainsi que de la taille et le foisonnement de bâtiments imposants suggèrent que cette cité était prospère et probablement centrale dans la vie économique et politique du territoire maya.
Avec une bonne position de défense grâce à une vue plongeante sur les terres planes environnantes, une autosuffisance agricole relativement bonne sur une majeure partie de la période classique, ainsi qu’une position commerciale évidente dans le monde maya, Ocomtún était sans doute un carrefour essentiel des basses terres sur une longue période.
Bloc de pierre gravé retrouvé dans la cité d'Ocomtún.
Vestiges des marches d'un escalier dans la cité Maya d’Ocomtún.
La cité d’Ocomtún, délimitée par cet agencement si particulier constituait probablement le cœur d’une communauté à part, relativement puissante qui plus est. Les archéologues ont retrouvé sur place d’anciens temples, pyramides et palais en ruines. « La structure la plus surélevée est une sorte d’acropole […] de 25 mètres de haut », décrit Ivan Šprajc. « Mais la particularité de cette zone est que nous n’avons trouvé aucune trace d’inscriptions hiéroglyphiques […] excepté sur un bloc de pierre, intégré dans un escalier » ajoute-t-il en insistant sur la nécessité de mener de nouvelles recherches.
« La zone surélevée comporte [donc] de nombreuses structures massives, notamment des colonnes cylindriques [qui ont inspiré aux chercheurs le nom de la cité] et de nombreuses similitudes avec d’autres sites maya ». Cependant, le manque de détails et d’inscriptions communément retrouvés sur d’autres sites maya indique qu’il y avait des normes et des variantes dans la conception des cités. « La culture maya était très diversifiée, particulièrement dans la région des basses terres », explique l’archéologue.
La civilisation maya demeure aujourd’hui l’une des cultures les plus énigmatiques, mais aussi des plus méconnues de l’Histoire. Le travail des équipes d’Ivan Šprajc a permis de collecter des échantillons de civilisation, et d’agrandir la carte archéologique, pour ouvrir de nouveaux champs de recherche.
« Les Maya ne se sont jamais unifiés en un seul État. Ils vivaient divisés en une multitude de petits États, sur la base d’alliances ou de relations antagonistes », explique Ivan Šprajc. « C’est pourquoi il y a une telle diversité dans le territoire des basses terres maya ». Ocomtún constitue l’un des fragments du passé qui témoigne de cette diversité et de l’organisation de cette civilisation précolombienne, alors bien « plus densément peuplée et aménagée qu’elle ne l’est de nos jours ».
La récente édition du projet d’expansion du panorama archéologique des basses terres centrales mayas a été soutenue par ZRC SAZU, Založba Rokus Klett, Adria kombi, Kreditna družba Ljubljana, AL Ars Longa Travel Agency (Slovénie), la Fondation de Charité de Ken & Julie Jones, et la Milwaukee Audubon Society (USA).