Le triangle des Bermudes : une zone mystérieuse qui continue de fasciner

Cette zone de l'océan Atlantique est tristement célèbre pour les navires et avions qui y ont disparu sans laisser de traces. Des drames dont les causes demeurent mystérieuses et qui font l'objet de nombreuses théories et légendes depuis des décennies.

De Hillary Mayell
Publication 10 mai 2023, 15:29 CEST
TBF Avengers

Cinq Grumman TBF-1 Avengers volent en formation au-dessus de Norfolk, en Virginie, en septembre 1942. L’escadrille 19, disparue dans le triangle des Bermudes en décembre 1945, se composait du même type d'appareil que celui qui a été photographié ici.

PHOTOGRAPHIE DE National Archives

Par une journée ensoleillée, il y a près de quatre-vingts ans, cinq avions de la marine américaine connus sous le nom de l’escadrille 19 décollèrent de leur base en Floride pour une mission d’entraînement de routine. Ni les avions ni l’équipage ne sont jamais revenus.

Le triangle des Bermudes est une zone approximativement délimitée par Miami, les Bermudes et Porto Rico. Bien que personne n’ait tenu les comptes, de nombreux navires et avions ont disparu sans laisser de traces à l’intérieur de ce triangle.

Les caractéristiques inhabituelles de cette zone sont observées et documentées depuis des siècles. Christophe Colomb avait par exemple écrit dans son journal de bord que son compas avait tendance à se dérégler lorsqu’il naviguait dans le secteur. Le « triangle des Bermudes » ne reçut toutefois son nom qu’en août 1964 dans un article sur la disparition de l’escadrille 19 écrit par Vincent Gaddis pour le magazine américain Argosy.

De nombreuses théories étranges furent avancées pour expliquer les événements qui menèrent à la disparition des voyageurs.

Les tragédies furent par exemple attribuées à d’énormes monstres marins, à des calmars géants ou à encore des extra-terrestres qui enlèveraient les marins et les aviateurs, mais aussi à l’existence d’une mystérieuse troisième dimension et à des flatulences océaniques (le rejet soudain de grandes quantités de méthane par le plancher océanique).

La réalité, selon de nombreuses personnes, serait néanmoins bien moins épique. Les disparitions s’expliqueraient par l’imprévisibilité de la nature, par des erreurs commises par les équipages, par une mauvaise fabrication des vaisseaux, ou encore, tout simplement, par une forte dose de malchance.

« La zone est très fréquentée. Il s’agit d’un carrefour très actif depuis les premiers jours de l’exploration européenne », explique John Reilly, historien à la U.S. Naval Historical Foundation. Il n’est pas étonnant que de nombreux accidents se produisent dans une zone où il y a énormément de passage.

Le lieutenant A. L. Russell, dans la réponse officielle des garde-côtes américains aux questions sur le triangle des Bermudes, écrivit : « Nous savons par expérience que, chaque année, les forces combinées de la nature et de l’imprévisibilité de l’humanité vont souvent au-delà des histoires de science-fiction. »

 

LA DISPARITION DE L’ESCADRILLE 19

La légende du triangle des Bermudes restera à jamais liée au vol du 5 décembre 1945.

Le départ de l’escadrille 19 se fit à la base aéronavale américaine de Fort Lauderdale, en Floride. Cinq bombardiers-torpilleurs TBM Avenger transportant quatorze hommes décollèrent vers 14 h 10 pour une mission d’entraînement de routine à la navigation.

Menée par l’instructeur et lieutenant Charles Taylor, la mission consistait à suivre une route triangulaire à trois branches, avec quelques exercices de bombardement.

Taylor se perdit peu de temps après l’exercice de bombardement. En 1945, avant que le GPS ne devienne un outil de navigation courant, les pilotes qui survolaient les eaux devaient se fier à leurs boussoles, mais aussi savoir depuis combien de temps ils volaient dans une direction donnée, et à quelle vitesse.

Les deux boussoles de l’avion de Taylor étaient apparemment défectueuses et les transcriptions des communications en vol suggèrent qu’il ne portait pas de montre. Sans ces outils, rien ne lui permettait de se repérer au beau milieu de l’océan.

Les avions volèrent dans une direction, puis dans une autre, alors qu’une tempête arrivait dans l’obscurité grandissante.

Taylor formula alors un plan. Dès que le niveau de carburant du premier avion tomberait en dessous des 40 litres, les cinq avions devaient amerrir en même temps.

Les avions Avenger étaient extrêmement robustes. « Ils étaient construits comme des chars d’assaut », explique Mark Evans, historien à la branche de l’histoire de l’aviation maritime du Naval Historical Center. « Très souvent, ils revenaient de la bataille tout abîmés, mais étaient toujours en état de marche. Les pilotes les adoraient. »

Ils étaient également très lourds, avec un poids à vide de plus de 4 535 kilogrammes. En cas d’amerrissage, ils s’écrasaient donc rapidement et brutalement. Les chances de survivre à un amerrissage en haute mer étaient minces, celles de survivre à une nuit dans les eaux froides de l’Atlantique Nord étaient nulles, mais la probabilité que l’épave descende rapidement au fond de l’eau, quant à elle, était bien élevée.

Des recherches importantes sur terre et en mer furent organisées, mais ni les corps ni les épaves n'ont jamais été retrouvés.

Pour ajouter au drame, l’un des avions envoyés en sauvetage disparut également avec son équipage composé de treize hommes. Leur hydravion, un PBM Mariner, était surnommé le « réservoir d’essence volant » : la moindre étincelle ou allumette pouvait provoquer une explosion. Un navire se trouvant dans la zone rapporta avoir vu une énorme boule de feu puis avoir traversé une nappe de pétrole à l’endroit et au moment exacts où l’avion était passé. La marine mit fin à la production de cet avion en 1949.

Dans le rapport final de la marine, la disparition de l’escadrille 19 fut imputée à une erreur de pilotage. La famille de Taylor protesta et, après plusieurs révisions, le verdict fut changé en « causes ou raisons inconnues ».

 

LE CIMETIÈRE DE L’ATLANTIQUE

La zone du triangle des Bermudes présente des caractéristiques inhabituelles. C’est l’un des deux seuls endroits sur Terre (avec la mer du Diable, au large de la côte est du Japon, qui jouit d’une réputation tout aussi mystérieuse) dans lesquels le nord géographique et le nord magnétique s’alignent, ce qui peut gravement compliquer la lecture des boussoles.

Elle abrite également certaines des fosses sous-marines les plus profondes du monde. Les épaves pourraient donc se retrouver dans un cimetière aquatique à des kilomètres sous la surface, et ne jamais être retrouvées. La plupart des fonds marins du triangle des Bermudes se trouvent à environ 5 791 mètres de profondeur ; près de son extrémité sud, la fosse de Porto Rico atteint les 8 229 mètres sous le niveau de la mer.

Des hauts-fonds et des récifs dangereux décorent également le long du plateau continental. Selon les garde-côtes, les forts courants qui frappent les récifs amènent constamment de nouveaux dangers pour les navigateurs.

Et puis il y a les conditions météorologiques.

« Les plus gros problèmes dans cette zone, ce sont normalement les ouragans, mais elle n’est pas particulièrement propice aux tempêtes », affirme Dave Feit, chef de la branche des prévisions maritimes du Centre de prévision marine de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA).

Feit souligne toutefois que le Gulf Stream, un courant de 64 à 80 kilomètres de large qui circule dans l’Atlantique Nord, se déplace le long de la bordure occidentale du triangle et pourrait ainsi jouer un certain rôle dans ce phénomène. L’eau chaude et les courants peuvent en effet provoquer des modèles météorologiques qui restent canalisés à l’intérieur du Gulf Stream.

« Si les conditions atmosphériques sont favorables, on peut obtenir des vagues d’une hauteur étonnante », révèle le spécialiste. « Si la hauteur des vagues est de [2,5 mètres] à l’extérieur du Gulf Stream, elle peut être deux, voire trois fois plus élevée à l’intérieur de celui-ci. Les marins peuvent parfois identifier le Gulf Stream grâce aux nuages et aux orages qui le recouvrent. »

Par ailleurs, la Garde côtière américaine souligne que les tempêtes imprévisibles des Caraïbes et de l’Atlantique peuvent donner naissance à des trombes marines qui entraînent souvent des accidents chez les pilotes et les marins.

Pourtant, malgré toutes ces théories plus pragmatiques, la légende du triangle des Bermudes, avec ses images horrifiantes de tentacules de calmar géant qui jetteraient un navire innocent au fond de la mer ou d’enlèvement par des extraterrestres, continue de fasciner.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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