Pâques : les derniers jours de Jésus vus par les archéologues
Les protagonistes et les lieux de la Passion du Christ sont clairement cités dans la Bible, mais les endroits réels et la datation exacte des événements qui ont marqué les derniers jours du Jésus à Jérusalem restent encore à découvrir.
La vieille ville de Jérusalem est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. On y trouve notamment le mont du Temple et l’église du Saint-Sépulcre.
Pour les chrétiens, l’une des périodes les plus sacrées de l'année est la Semaine sainte, qui a lieu entre le dimanche des Rameaux et Pâques. C’est un temps où les croyants commémorent les événements qui menèrent à la Passion du Christ, et notamment le procès de Jésus qui comparut devant Ponce Pilate. Spécialistes et historiens de la Bible étudient de près les témoignages qui nous sont parvenus pour déterminer le moment et l’endroit exact de cet événement crucial, sans toutefois tirer de conclusions définitives.
TRAHISON ET ARRESTATION
Dans la Bible, l’apôtre Judas trahit Jésus en dévoilant l’endroit où il est allé trouver refuge après avoir célébré la Pâque : le jardin de Gethsémani, sur le mont des Oliviers. Les gardes du Sanhédrin y découvrent Jésus, l’arrêtent pour les troubles causés au Temple de Jérusalem la veille de la Pâque et l’emmènent devant Caïphe, grand-prêtre du Temple, dans la résidence qu’il occupe et où Jésus sera interrogé.
L’artiste néerlandais Gerrit van Honthorst, influencé par le Caravage, a peint le « Christ devant Caïphe » vers 1617.
Il est plausible que Caïphe ait délibérément cherché à accuser Jésus en privé pour éviter que certains membres du Sanhédrin comme les Pharisiens, dont certains soutenaient en fait Jésus, ne prennent sa défense. De nombreux universitaires sont d’avis que sans le soutien unanime du Sanhédrin, l’assemblée politique et judiciaire juive, le grand-prêtre n’avait pas le pouvoir à lui tout seul d’ordonner la mort d’un homme. Par conséquent, la seule solution était de renvoyer le problème aux autorités romaines locales et de déférer Jésus devant Ponce Pilate. Le défi pour Caïphe était de trouver une accusation qui justifierait une condamnation à mort.
Durant l’interrogatoire, Caïphe s’adressa directement à Jésus et lui demanda : « Es-tu le Christ ? » Selon Marc, Jésus aurait répondu : « Je le suis. » Puis il aurait cité les Psaumes et le Livre de Daniel : « […] vous verrez le Fils de l’homme siégeant à la droite de la Puissance et venant avec les nuées du ciel. » (Psaumes 110:1 ; Daniel 7:13 ; Marc 14:61-62).
« L’Agonie dans le Jardin » d’Andrea Mantegna (ca. 1431-1506) fut peinte à la Renaissance, vers 1460. On y voit un Jésus en prière, trois apôtres endormis et des Romains en approche.
Judas donne son baiser à Jésus dans ce Caravage intitulé « L’Arrestation du Christ » peint vers 1602
Par ses paroles, Jésus venait de donner à Caïphe le prétexte idéal pour que les Romains s’en mêlent. Bien que Jésus eût à peine cité les Écritures, le grand-prêtre savait que des mots comme « Puissance » ou « venant avec les nuées du ciel » seraient interprétés d’une manière bien particulière par ces derniers.
JOURS OU SEMAINES ?
Il est difficile de savoir exactement quand le procès auquel présida Ponce Pilate prit place. L’Évangile selon Marc le place immédiatement après l’interrogatoire de Caïphe : « Et aussitôt, le matin, les grands prêtres […] ligotèrent Jésus, ils l’emmenèrent et le livrèrent à Pilate » qui initia alors l’audience. (Marc 15:1).
Le jardin de Gethsémani, sur le mont des Oliviers, près du mont du Temple.
Il n’est pas rare que les auteurs antiques, à l’image de l’évangéliste Marc, aient comprimé des événements dans une période de temps plus restreinte pour conserver l’intégrité narrative de leur histoire. L’idée selon laquelle les événements de la Passion se seraient produits en l’espace d’une semaine seulement plut aux premiers chrétiens, car cela permettait de les commémorer dans le cadre d’une unique « semaine sainte ». Mais selon certains chercheurs, il n’est pas exclu que les événements se soient déroulés sur une période plus longue.
ACCUSATEURS ET JUGES
Le juge, comme il était de coutume, devait être le magistrat romain le plus gradé présent en ville. Ponce Pilate était arrivé à Jérusalem pendant la Pâque pour réprimer toute forme de protestation violente qui émanerait de la population locale. Par sa simple présence, c’est à lui qu’échoyait le bon déroulé du procès.
Dans son « Ecce Homo » peint en 1880, Antonio Ciseri montre Ponce Pilate désignant le Christ à la foule après qu’il s’est fait flageller.
Les Évangiles selon Matthieu, Luc et Jean décrivent un procès complexe se conformant tout à fait au ius civile, la loi romaine. Les grands-prêtres juifs sont les principaux accusateurs (les delatores selon la jurisprudence romaine) et présentent leur témoignage. Mais celui-ci s’avère insuffisant et c’est Ponce Pilate lui-même qui doit interroger l’accusé.
La Bible décrit la façon dont Jésus refuse de répondre aux questions de Ponce Pilate (Matthieu 27:14), mais dans l’Évangile selon Jean, un dialogue docte s’ensuit entre eux. L’accusé donne des réponses évasives aux questions de Ponce Pilate et cela pousse ce dernier à déclarer : « Je ne trouve en lui aucun motif de condamnation » (Jean 18:33-38). À la fois chez Matthieu et chez Jean, le procès prend place devant une foule importante qui insiste pour que Jésus soit mis à mort malgré les conclusions de Ponce Pilate.
Mais il est possible que le résumé succinct que Marc fait de l’audience avec Ponce Pilate soit plus proche des événements réels. Dans le portrait dressé par Marc, Jésus est livré à Pilate qui lui demande : « Tu es le roi des Juifs ? ». Ce à quoi Jésus répond : « Tu le dis. » (Marc 15:2). Ponce Pilate ne pousse pas l’interrogatoire plus avant. En effet, selon le récit fait par cet Évangile, cela n’aurait servi à rien. Quiconque était identifié comme « roi des Juifs » était, par définition, un rebelle contre Rome. Et les rebelles ne méritaient qu’un châtiment : la crucifixion.
LIEUX ET PROTAGONISTES
Il n’y a pas de certitudes quant à l’endroit où s’est tenu le procès. Les Évangiles font mention du « Prétoire », où siège le gouverneur de la province. Deux endroits sont envisagés. Le premier est l’ancien palais d’Hérode, résidence tentaculaire située dans le sud-ouest de la ville. L’autre est la forteresse Antonia, citadelle hérodienne adjacente au Temple où la principale garnison romaine était stationnée. Le palais d’Hérode aurait offert davantage de confort au Préfet de Rome, mais si des troubles venaient à surgir, ils se produiraient plus probablement dans l’avant-court du Temple.
L’espagnol Diego Rodríguez de Silva y Velázquez a peint un « Christ sur la croix » en 1632.
Comme Ponce Pilate était en ville pour réprimer les menaces de rébellion, il semble donc logique qu’il ait logé dans le palace attenant à la forteresse Antonia. D’ailleurs, le fait que Paul soit arrêté et « introduit dans la forteresse » (Actes 21:37), dont la plupart des spécialistes s’accorde à dire qu’il s’agit de l’Antonia, va également en ce sens. Enfin, les Évangiles font état d’autres « rebelles » qui sont eux aussi retenus au Prétoire. Leur présence là-bas indique que l’endroit comporte une prison active, ce qui de nouveau tend à montrer qu’il s’agit de l’Antonia.
Tandis que les spécialistes s’accordent sur le nom de l’endroit de la crucifixion (le Mont du Calvaire ou Golgotha en araméen), la localisation précise de ce lieu sacré demeure incertaine. Jérusalem fut en grande partie détruite par l’armée romaine après une rébellion juive majeure en 135 ap. J.-C. L’exact tracé des murs d’enceinte de la ville du temps de Jésus complique également l’identification du Golgotha. Bien qu’on ne puisse les localiser précisément, des pèlerins chrétiens visitent ces sites chaque année pour commémorer les événements de la Passion du Christ.
Cet article a déjà été publié en partie dans The Story of Jesus de Jean-Pierre Isbouts. Copyright ©2016 National Geographic Partners, LLC ; et The Biblical World: An Illustrated Atlas Copyright ©2007 National Geographic Society.