Redécouverte de la cité d’Ulug Dépé, joyau de l'Asie centrale
Ancienne ville agricole prospère du sud-est du Turkménistan redécouverte dans les années 1940, la cité d’Ulug Dépé aurait joué un rôle primordial dans les échanges de toute l’Asie centrale.
Ulug Dépé se trouve à 12 km des montagnes du Kopet-Dagh. Entièrement artificielle, cette colline de 30 mètres de haut est fouillée depuis 2001 par la mission archéologique franco-turkmène.
Dès les années 1940, une équipe d’archéologues soviétiques s’est intéressée à ce site exceptionnel et a commencé à documenter l’ancienne citée d’Ulug Dépé. Située au sud-est du Turkménistan, à environ 175 kilomètres au sud-est de la capitale Achgabat, l'ancienne cité Ulug Dépé est considérée comme un site archéologique majeur de l’Asie centrale.
Depuis 2001, le site fait l'objet de recherches approfondies par le Centre français de recherches archéologiques Indus-Balochistan, en collaboration avec le Département national de la conservation, de la recherche et de la restauration des monuments historiques et culturels du Turkménistan.
« Cela fait 20 ans que les fouilles ne cessent à Ulug Dépé mais je suis responsable des recherches depuis 2014 » explique Julio Bendezu-Sarmiento, bio-anthropologue et archéologue protohistorien spécialiste des populations anciennes d’Asie centrale. Après l’Afghanistan puis le Kazakhstan, le responsable de recherche au CNRS se passionne pour les populations ayants vécues au Turkménistan.
« Ulug Dépé signifie "le grand monticule que l’on peut voir de loin" en turkmène. Mais lorsque l’on creuse sous le niveau actuel de la terre, on retrouve encore des couches archéologiques » révèle le bio-anthropologue.
Le site archéologique se trouve sur une colline à 30 mètres de haut. De par sa situation géographique au pied des monts du Kopet-Dagh, sa surface et sa hauteur, Ulug Dépé est un site clé pour l'étude de l'interaction entre les civilisations de l'Asie centrale, du plateau iranien et de la Mésopotamie. « C’est un site unique au monde qui a joué un rôle primordial dans les échanges, au même titre que la route de la soie » assure Julio Bendezu-Sarmiento.
La stratigraphie sur laquelle repose le site permet aux archéologues d’accéder à des dépôts d’origine humaine colossaux. Tout un pan de l’histoire se retrouve figé et concentré en un seul lieu. « Actuellement, nous avons principalement retrouvé des éléments bien conservés comme des peintures, des métaux, des céramiques, quelques végétaux et quelques éléments de tissus ». Les éléments retrouvés permettent aux archéologues de donner des indices sur le mode de vie des populations établis à Ulug Dépé. « Il faut imaginer d’immenses plaines vertes et fertiles ou les agriculteurs et éleveurs vivaient correctement » précise l’archéologue. De fait, Ulug Dépé a joué un rôle primordial dans le développement de l’agriculture en Asie centrale.
« Depuis le début du projet, c’est plus qu’une collaboration entre nous et les équipes locales » explique Julio Bendezu-Sarmiento. Depuis 2001, dans le cadre de cette mission franco-turkmène, une réelle dynamique collaborative avec des habitants du Turkménistan s’est créée. Pas moins de quarante ouvriers travaillent aux côtés de la quinzaine de spécialistes français et turkmènes. Des locaux ont durant toutes ces années été formés à la restauration. Huit d’entre eux recevront d’ailleurs leur diplôme des mains de l’ambassadeur de France.
« Jusqu’à maintenant, nous avons surtout travaillé sur les périodes des âges du bronze et du fer du 3e au 1er millénaire avant notre ère. Durant l’âge du bronze, l’artisanat spécialisé a atteint un très haut niveau technologique » explique l'archéologue.
Chaque année les spécialistes découvrent de nouveaux vestiges de la vie de la cité. L’an dernier, ils ont découvert les restes d’un corps de femme inhumée, dotée d’une ceinture de perles en calcaire, parmi d'autres objets de valeur, signe d’un statut social élevé. L’une des découvertes les plus importantes d’Ulug Dépé est une citadelle érigée en partie sur une plateforme au sommet du site archéologique. La citadelle est aujourd’hui complètement fouillée et en cours de restauration.
« Les ouvriers utilisent pour cela les mêmes techniques que dans l’Antiquité, ils moulent des briques de terre de 60 cm sur 30 cm, qui viennent combler les manques pour que les murs ne s’effondrent pas » explique Julio Bendezu-Sarmiento. L’idée première de cette restauration était d’ouvrir le site aux touristes turkmènes dès que possible.
À cause de la pandémie de COVID-19 Julio Bendezu-Sarmiento et ses équipes n’ont pas pu se rendre récemment sur le site d’Ulug Dépé mais ils prévoient de s’y rendre à la fin du mois de septembre 2021 pour continuer les recherches de l'immense cité que fut Ulug Dépé.