Seconde guerre mondiale : au cœur de la propagande américaine

Pendant la Seconde guerre mondiale, les États-Unis ont utilisé des affiches propagande et diffusé de fausses informations pour influencer les soldats, les citoyens et même leurs ennemis.

De Becky Little
Les faussaires américains ont déformé l'image d'Hitler sur des timbres comme celui-ci, qui imitaient un véritable ...
Les faussaires américains ont déformé l'image d'Hitler sur des timbres comme celui-ci, qui imitaient un véritable timbre allemand à la gloire d'Hitler. Ces contrefaçons ont été placées sur du courrier qui était envoyé par avion en Allemagne sous forme de propagande secrète.
PHOTOGRAPHIE DE Kenneth W. Rendell, Musée De La Seconde Guerre Mondiale De Boston

Les États-Unis s'étaient engagés dans la Seconde guerre mondiale depuis environ six mois lorsqu'a été créé l'Office of War Information (OWI), une agence publique de renseignements en temps de guerre. Sa mission : disséminer une propagande politique auprès des ressortissants américains.

Ce bureau de renseignements singulier diffusait son message dans les journaux, à la radio, et avant la diffusion de films dans les salles de cinéma. Mais l'héritage le plus saisissant reste sans doute les affiches de propagande. Très colorées et aux messages sensationnalistes, ces dernières encourageaient les États-Uniens à rationner leurs consommations alimentaires, à acquérir des obligations de guerre et d'une manière plus générale à changer leur quotidien pour soutenir l'effort de guerre. Sur l'une de ces affiches, une femme faisant ses commissions à pied est comparée à un soldat portant une arme à feu. Il est dans cet exemple induit que cette femme choisissant de marcher plutôt que de prendre sa voiture accomplit là son devoir patriotique, puisque les « camions et les pneus doivent servir jusqu'à la victoire » (trucks and tires must last till victory en version originale).

Les affiches promouvant ce type de sacrifices civiques peuvent paraître teintés d'une certaine nostalgie, mais les États-Unis ont également placardé des affiches qui surprennent davantage le spectateur moderne. Des affiches sur les maladies vénériennes indiquaient par exemple aux soldats que chaque femme attirante était un « piège sexuel » potentiel. D'autres mettaient en garde, en des termes très durs, ce qu'il pouvait advenir à celles et ceux qui « parlaient à tort et à travers ».

 

LES BAVARDS PEUVENT FAIRE PERDRE LA GUERRE

Les forces des Alliés et de l'Axe avaient toutes peur que des informations puissent fuiter et compromettent l'avancée de leurs troupes. Dans cette crainte, l'OWI aux États-Unis et le ministère de la propagande allemand dirigé par Joseph Goebbels ont produit des affiches choc pour que les informations sensibles restent secrètes et ne puissent être récupérées par les oreilles ennemies à l'affût.

Pour Stephen G. Hyslop, co-auteur du livre The Secret History of World War II (L'Histoire secrète de la Seconde guerre mondiale) publié par National Geographic, l'OWI a eu du mal à trouver le meilleur moyen de faire passer ce message. Il cite pour exemple une affiche montrant une mystérieuse figure coiffée d'un casque allemand, portée par le message suivant « Il vous surveille » (“He’s Watching You.”).

« Ce que l'affiche veut vous faire comprendre, c'est qu'un soldat allemand » pourrait surprendre votre conversation, explique Hyslop, mais le message était sans doute trop subtil. « Cette affiche était placardée dans les usines de guerre et donnait aux ouvriers le sentiment d'être surveillés ».

« RECHERCHÉE POUR MEURTRE. Ses conversations insouciantes ont provoqué des morts. »
« RECHERCHÉE POUR MEURTRE. Ses conversations insouciantes ont provoqué des morts. »
PHOTOGRAPHIE DE Kenneth W. Rendell, Musée De La Seconde Guerre Mondiale De Boston

Pour éviter cet écueil, les États-Unis ont commencé à privilégier les affiches dont le message était on ne peut plus clair. Sur l'une de ces images (ci-dessus), l'image d'une femme apparaît aux côtés de la mention « RECHERCHÉE POUR MEURTRE. Ses conversations insouciantes ont provoqué des morts. »

Si le message est très compréhensible, il en reste pour le moins étrange. La plupart des civils n'avaient pas accès aux informations militaires sensibles. Demander à toutes et tous de garder leurs lèvres closes peut paraître excessif. 

« Si vous comparez la propagande [américaine] avec celle produite dans les pays totalitaires comme l'Italie fasciste ou l'Allemagne nazie, [cette dernière] pourrait avoir tendance à être plus sensationnelle et plus menaçante », estime Stephen G. Hyslop. « Mais je trouve qu'un certain nombre d'affiches produites aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne vont aussi très loin dans cette direction » et créent un sentiment de malaise chez le spectateur. « Les autorités sont-elles de mon côté ou sont-elles après moi ? »

La propagande dirigée par l'OWI a été pensée pour les civils restés aux États-Unis et ceux se trouvant à l'étranger et il ne faisait aucun doute que ces messages émanaient du gouvernement américain. Ceci étant, les États-Unis avaient un autre bureau de propagande. Contrairement à l'OWI, il produisait une propagande spécifiquement destinée à l'ennemi d'une part et donnait l'impression que cette propagande provenait du pays ennemi d'autre part.

 

S'ATTAQUER À LA MORALE DE L'ENNEMI

Les États-Unis n’ont pas été les premiers à produire une propagande dont la provenance était cachée ou dissimulée. En 1939, le ministère allemand de la propagande s'est associé au ministère des Affaires étrangères du pays pour établir le Büro Concordia. Ce bureau a transmis des messages radio à la France, à la Grande-Bretagne et à d’autres pays, et semblaient provenir de ces pays.

Avec la Grande-Bretagne, le Bureau américain des services stratégiques (Office of Strategic Services ou OSS) a répondu par sa propre « propagande noire », car la pratique était connue. Une mission, appelée Opération Cornflakes, consistait à déposer des sacs de courrier en Allemagne contenant des faux journaux qui semblaient avoir été fabriqués par des résistants nazis plutôt que par des agents de l’OSS. Une partie du courrier portait des timbres sur lesquels figurait une image d'un Hitler défiguré et squelettique avec la mention Futsches Reich (« Empire en ruine »).

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    À l'instar du Büro Concordia, les Alliés ont également transmis des messages radio qui semblaient provenir de l'Allemagne. Selon Hyslop, contrairement à l'interception des sacs de courriers, c'était un moyen simple de faire entrer des informations dans le pays.

    Le lecteur avisé remarquera que plus de 70 ans plus tard, les progrès technologiques ont rendu encore plus facile la diffusion d’informations dans un pays sans même s'y déplacer. Stephen G. Hyslop pointe par exemple du doigt la Russie, soupçonnée d'ingérence lors des récentes élections américaines.

    « Internet est le parfait outil pour ça, parce que vous ne savez jamais d'où viennent les choses, » explique-t-il.

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