Un sanctuaire gallo-romain vient d'être entièrement fouillé près de Rennes
C’est l’un des premiers sanctuaires bretons de la sorte à être fouillé par une équipe d’archéologues. Au moins l’un des deux temples semble avoir été bâti en l’honneur de Mars, dieu romain de la guerre.
Sanctuaire gallo-romain découvert près de Rennes.
Depuis plusieurs mois, une équipe d’archéologues de l’Inrap s’attèle, dans le cadre d’une archéologie préventive, à fouiller 7 hectares de terrain à la Chapelle-des-Fougeretz, en Bretagne. « Il y a un projet de lotissement. Sous ce projet d’aménagement qui fait une trentaine d’hectares, il y a un site archéologique déjà connu » explique l’archéologue Bastien Simier en charge de la fouille.
En 1984 près de Rennes, l’archéologue Alain Provost découvre lors d’un survol aérien un sanctuaire gallo-romain. « Il l’avait repéré au mois de juin dans les champs de blé. Le blé avait jauni, la différence de couleur avait permis de délimiter les contours des murs, donc on avait déjà le plan du sanctuaire » décrit Bastien Simier.
C’est en 2018, lorsque le groupe Giboire a déposé son permis de construire, que l’État français a lancé les premières vérifications et le premier diagnostic. Depuis le mois de mars, l’équipe de chercheurs jouit d’un rare privilège. La fouille approfondie d’un sanctuaire gallo-romain et de ses alentours n’est pas chose commune en Bretagne. « Ce type de sanctuaires, on en connaît d’autres en Gaulle, mais la plupart ne sont pas fouillés, ils sont vus par avion ou par d’autres méthodes d’observation. L’intérêt ici, c’est la fouille entière » affirme Bastien Simier.
C’est un sanctuaire gallo-romain daté entre -30 avant notre ère et le 4e siècle d’après les spécialistes. « C’était un grand sanctuaire public destiné à une population rurale. On est en Bretagne, à une dizaine de kilomètres au nord de Rennes, et à l’époque romaine, c’était une capitale » précise l’archéologue.
L’implantation de l’édifice démontre la place centrale qu’il occupait dans « l’organisation de la vie antique » mais également, d’après l’Inrap, « la manière dont les populations celtes locales, les Riedones, intègraient progressivement les pratiques religieuses et sociales romaines ».
Situé à seulement quelques kilomètres de la capitale bretonne de l’époque, le sanctuaire restait probablement destiné aux populations rurales. « Le territoire [de cette population] c’est une grande partie du département actuel de l’Ille-et-Vilaine » précise Bastien Simier.
Le sanctuaire a été entièrement fouillé et nettoyé. Selon l’archéologue en charge de la fouille, il n’est pas en bon état puisqu’il a été laissé à l’abandon depuis l’époque romaine. « Tous les murs, les maçonneries, les matériaux de construction » ont probablement été pillés. « On est dans une région où il n’y a pas beaucoup de pierres. […] Il ne reste que les fondations. C’est un sanctuaire qui est très arasé, mais malgré tout, on a le plan complet, on arrive à bien comprendre la structure. »
Les ruines se composent d’un espace sacré d’une soixantaine de mètres de côté, entourant deux temples. « L’espace est délimité par une galerie à la manière d’un cloître dans une abbaye, avec deux temples au milieu. L’un fait 15 mètres de côté, l’autre une douzaine. Rien que la taille de cet ensemble nous fait dire qu’on est sur un monument important, à caractère public. Cette surface était uniquement dédiée au culte » décrit le spécialiste.
Les deux temples sont bâtis sur un même plan, ces constructions sont connues sous l’appellation de « fanum ». Dans un communiqué de presse, l’Inrap précise qu’à l’intérieur de ce qui est appelé à l’époque « la cella », zone du temple qui abritait la statue représentant une divinité, « une galerie était dédiée aux dévotions et aux déambulations des fidèles. »
Reconstitution potentielle du lieu.
Ce lieu devait probablement accueillir les foules pour diverses cérémonies communautaires, selon l’interprétation des experts sur place. Bastien Simier précise par ailleurs que très peu de témoignages écrits permettent de comprendre cette période, d’où l’intérêt pour cette découverte. D’après ce qui peut être analysé des vestiges retrouvés, au moins l’un des deux temples semble avoir été bâti en l’honneur du dieu Mars. « La fouille de la Chapelle-des-Fougeretz a livré une petite figurine en bronze du dieu Mars. […] En Gaule romaine, cette divinité est une figure protectrice et bienveillante, éloignée de l’image belliqueuse du dieu de la guerre. »
Cette fouille de grande ampleur permet de reconstituer les lieux comme ils ont pu être à l’époque gallo-romaine. « On va étudier tout l’environnement. Autour du sanctuaire, on a un habitat, des restes d’une petite bourgade assez restreinte pour le moment, mais aussi des puits, des bains, des thermes, ce qui est classique dans ce type de sanctuaires. Il pourrait aussi y avoir potentiellement un théâtre » s’enthousiasme l’archéologue.
« Ce qui nous intéresse, c’est de savoir s’il existe des choses plus anciennes. Le temple a peut-être été construit sur un ancien temple gaulois ou un espace sacré encore plus ancien. On a des vestiges qui remontent à - 500 avant J.-C., qui est le premier Âge du fer. On a notamment [retrouvé] des urnes funéraires de cette période. »
Jour après jour, les archéologues creusent, nettoient et analysent pour se rapprocher un peu plus de la véritable histoire du lieu. « On pense qu’il y a un espace sacré qui perdure depuis longtemps. Il faut que l’on fouille tout cela pour pouvoir répondre à nos questions. »
Les experts de l’Inrap devront garder un rythme de travail soutenu afin d’explorer toute la zone, puisque la fouille préventive touchera à sa fin au mois d’octobre. Après cette date, le goudron et les habitations du lotissement viendront recouvrir les vestiges du passé.