Björk : portrait d'une activiste pragmatique
L'artiste islandaise croit en la poursuite d'objectifs environnementaux réalistes. "J'essaie de choisir des choses pour lesquelles je me battrai avec acharnement."

Björk photographiée par Vidar Logi, à Londres.
Cet article fait partie de la série de portraits National Geographic 33.
BJÖRK a toujours semblé vivre dans un monde alternatif – un espace onirique d’une extrême ambition créative, libéré des contraintes qui gouvernent les simples mortels. C’est donc d’autant plus déstabilisant quand elle injecte dans son travail une dose de froide réalité.
Dans le récent film tiré des concerts de sa dernière tournée, le Cornucopia tour, elle a ainsi intégré un manifeste portant sur les questions environnementales les plus urgentes : « L’accord de Paris sur le climat est une utopie moderne impossible à imaginer, est-il indiqué, mais la résolution des défis climatiques est notre seule façon de survivre. »
Björk a précisé les choses lors d’une visioconférence à l’hiver 2023-2024. « Quand nous regardons la liste [des objectifs de l’accord de Paris], elle paraît absolument inatteignable. Je pense que nous devons définir des objectifs différents qui soient atteignables. »
Si les butsartistiques de Björk ont toujours été élevés, son environnementalisme est, lui, bien ancré dans le réel. Et, quoique cette artiste d’exception de 59 ans soit considérée comme une visionnaire de renommée internationale, elle continue d’avancer dans l’esprit des groupes alternatifs des années 1990.

Björk photographiée par Vidar Logi, à Londres.
« Tous les deux ans, j’essaie de choisir une cause pour laquelle me battre, explique-t-elle. Ce doit être quelque chose qu’on peut bousculer efficacement. Assez important pour que ça compte, mais pas trop non plus pour que l’on puisse faire bouger les lignes. »
Pendant presque deux ans, elle s’est ainsi lancée dans un combat contre les fermes d’élevage commercial de saumons dans son Islande natale : un trou dans un bassin d’une ferme avait permis à des milliers de saumons de s’évader, lesquels risquaient de se reproduire avec des espèces indigènes ou de transmettre des
maladies et des parasites.
Avec un cauchemar écologique potentiel à la clé. « Il a parfois été difficile de combler le fossé entre les végans de la génération Z et, par exemple, les fermiers qui tuent des moutons chaque automne pour manger. Mais, pour ce projet, nous étions tous unis. » Pour sensibiliser l’opinion, elle a sorti une chanson inédite de ses archives et demandé à la chanteuse espagnole Rosalia de l’interpréter.
Les recettes du tube, intitulé « Oral », ont financé des actions en justice contre des pêcheries commerciales. Prochaine étape pour Björk : envoyer à Emmanuel Macron une pétition pour interdire le chalutage de fond dans les eaux protégées françaises. Cet objectif modeste aurait un impact tangible. « J’essaie de tirer le meilleur parti du fait que je viens d’un très petit pays très préservé. Au lieu de faire dix choses à la fois, j’essaie d’en faire une correctement du début à la fin… Je ne veux pas être un visage pour une campagne, me montrer à un cocktail et rentrer chez moi sans savoir ce qui se passera. »
Cet article a initialement paru dans le magazine National Geographic d'avril 2025. S'abonner au magazine.
Décor : Andrew Lim Clarkson | Styliste : Edda Gudmundsdottir | Maquillage : Daniel Sallstrom
