Victor Glover, fer de lance d'une nouvelle ère de l'exploration spatiale
Premier homme noir à avoir effectué un séjour de longue durée à bord de la Station spatiale internationale, Victor Glover vise désormais la face cachée de la Lune.

Victor Glover photographié par Micaiah Carter au Centre spatial Lyndon B. Johnson de la NASA.
Cet article fait partie de la série de portraits National Geographic 33.
« Pour désigner une grande réussite humaine, on parle de moon shot [«lancement d’une fusée vers la Lune»] », dit Victor Glover. Mais comment qualifier le « pas de géant » qui nous mènera au-delà de la Lune ? L’astronaute noir jette les bases de ce défi en se préparant à voyager plus loin dans l’espace qu’aucun être humain avant lui. Pour la mission Artemis II, dont le lancement est prévu en avril 2026, il s’aventurera 8 000 km au-delà du satellite de la Terre, ouvrant la voie à de futurs alunissages… et à Mars. Lui est convaincu que ce type d’exploration est plus significatif que le simple fait d’atteindre un endroit lointain : « Nos yeux et nos coeurs s’élèvent ensemble. Cette inspiration et ce soutien collectifs unissent les gens. »
Lors de son premier voyage dans l'espace, Victor Glover a eu l’impression d’être à deux endroits en même temps. En 2020, en tant qu’ingénieur de vol et membre d'équipage des Expedition 64 et 65 de la NASA vers la Station spatiale internationale, Victor Glover scrutait le panneau de contrôle, vérifiant la vitesse, l’altitude et les coordonnées au sol du véhicule pendant l’ascension de près de neuf minutes. Mais une autre partie de lui regardait par la fenêtre, contemplant la Terre dans toute sa splendeur, émerveillé par la hauteur qu’ils avaient atteinte. Il était dans l’espace, presque en dehors de son propre corps, à un moment où, partout dans le monde, beaucoup vivaient confinés à cause de la pandémie de COVID-19.
Victor Glover se prépare à voyager à nouveau dans l’espace, mais cette fois-ci, beaucoup plus loin. Pour la prochaine mission Artemis II, actuellement prévue pour avril 2026, la NASA enverra un équipage de quatre astronautes faire une boucle autour de la face cachée de la Lune avant de revenir sur Terre ; ils s’éloigneront de notre planète de 450 000 kilomètres, soit plus de 8 000 kilomètres au-delà de la Lune. Et lors de la mission suivante, Artemis III, l’agence spatiale américaine prévoit que des humains marcheront sur la surface lunaire pour la première fois depuis cinquante ans, cette fois au pôle Sud, encore inexploré - avec l'objectif à long terme d’établir une base lunaire servant d’étape pour un futur voyage vers Mars.
« Dans toute l’histoire de l’humanité, depuis les premiers témoignages gravés sur les parois des grottes ou taillés dans la roche, nous n’avons envoyé qu’une poignée de personnes, une infime fraction, au-delà des limites de la Terre. Même ceux qui vivent en orbite terrestre basse, comme lorsque j’étais à la station spatiale, ne sont qu’à 400 kilomètres d’altitude » souligne Glover. L’exploration lunaire, dit-il, nous encourage à lever les yeux. « Nos regards se tournent vers le ciel. Nos cœurs s’élèvent. Et pour moi, cette inspiration collective, cet élan qui rassemble les peuples... c'est ce dont l’humanité a besoin. »
À bien des égards, Victor Glover correspond parfaitement au profil des astronautes que la NASA envoie dans l’espace. Comme Neil Armstrong et Buzz Aldrin, Victor Glover a été pendant des années pilote de chasse avant d’être sélectionné par la NASA en 2013. Il a même l’apparence d’un pilote de chasse, du moins au sens hollywoodien du terme : il est beau, au visage carré, avec une silhouette athlétique héritée de ses années à jouer au de football américain. Pourtant, depuis le début de la conquête spatiale, seulement 5 % des astronautes sélectionnés par la NASA étaient noirs, soit dix-sept astronautes sur les plus de trois cent cinquante astronautes envoyés dans l’espace. Avec sa mission de cent soixante-huit jours dans la Station spatiale internationale en 2020, Glover est devenu le premier Afro-Américain, et plus largement la première personne noire, à effectuer un séjour de longue durée à bord de la station.

Victor Glover photographié par Micaiah Carter au Centre spatial Lyndon B. Johnson de la NASA.
Le voyage spatial de Victor Glover s'est trouvé intrinsèquement lié à une prise de conscience plus globale aux États-Unis sur les questions raciales, mais au départ, il ne se voyait pas comme une figure de proue. « J’avais choisi de ne pas y penser », explique-t-il. « J’avais demandé à la NASA de ne pas communiquer là-dessus, mais de se concentrer sur la mission, sur l’ensemble de l’équipage, sur ce que nous faisions et pourquoi nous le faisions. Je ne voulais pas tout gâcher. Laissez-moi faire mon travail là-haut et revenir. »
Lorsqu’il est revenu, il a commencé à ressentir le poids de son accomplissement. Lors d’une conversation avec la vice-présidente Kamala Harris, celle-ci lui aurait dit « Je pense qu’il est très important de ne pas se concentrer uniquement sur le fait d'être le premier, mais de s’assurer qu’il y ait un deuxième, un troisième, un quatrième. » Et c’est ce qui s’est produit. Plusieurs astronautes noirs ont depuis séjourné dans la station spatiale internationale.
Sur Terre, Glover est devenu une figure publique, travaillant avec les jeunes pour les encourager à poursuivre des études dans les domaines des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques. « Je prends cela très au sérieux : essayer de parler aux jeunes et de les encourager à donner le meilleur d’eux-mêmes, à croire que quoi qu’ils veuillent faire, ils peuvent y arriver », explique Victor Glover, qui était le premier de sa famille à avoir obtenu un diplôme universitaire. « Je sais que nous vivons dans un pays où l’on peut voir de grandes réussites et d’immenses richesses, mais où certains d’entre nous vivent aussi dans une pauvreté extrême. Et ces mêmes enfants doivent savoir qu’eux aussi peuvent accomplir de grandes choses. »
La mission Artemis II promet de propulser Victor Glover encore plus loin dans le panthéon des héros spatiaux. Et il semble prêt à relever ce défi, sur Terre comme dans l’espace. « Il va y avoir un moment vraiment particulier quand nous passerons derrière la Lune pendant 45 minutes », explique-t-il. « Nous serons complètement coupés de toute communication avec le reste de l’humanité. Nous serons quatre dans le vaisseau, ensemble, mais nous ne pourrons ni voir ni parler à la Terre, et la Terre ne pourra ni nous voir ni nous parler. »
Victor Glover aimerait transmettre ce message : il y a des conflits partout dans le monde, ceux dont on entend parler dans les médias et ceux dont on ne parle pas. Pendant ces 45 minutes où des humains seront de l’autre côté de la Lune, pourquoi ne pas faire une pause ? « Attendons simplement de rétablir la communication pour que nous puissions tous célébrer cet exploit ensemble », dit-il. « Si nous pouvions avoir une pause de 45 minutes, qu’est-ce que cela signifierait ? » Et là, Glover lui-même s’interrompt, pensif. « Il y aurait dans ce moment une opportunité d’améliorer les choses pour tout le monde. »
Cet article a initialement paru dans le magazine National Geographic d'avril 2025. S'abonner au magazine.
