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Page du photographe
Daniella Zalcman
Ester Nuqaq'aq Green, Yup'ik. Orphelinat morave de Nunapitsinghak, Alaska, vers 1948. « Un jour, ils sont venus nous chercher... Ils ont parlé à ma mère avec un interprète, raconte Esther Nuqaq’aq Green. Ça m’a fait l’effet d’une bombe. » Elle s’est promis de protéger son frère, en vain. « D’abord, ils nous ont séparés de notre mère, puis ils nous ont séparés tous les deux. Il s’est passé des années avant que je ne le revoie. »
Clarita Vargas, Colville. École de la mission Sainte-Marie, Washington, 1968-1974. Clarita Vargas avait douze frères et sœurs. Six ont été envoyés à Sainte-Marie du fait de leur extrême pauvreté et de l’instabilité de ses parents. Là-bas, elle a dû travailler. « On devait écrire à la machine des cartes sollicitant des dons dans le monde entier au profit des missionnaires, dit-elle. Je ne sais plus combien nous en avons tapé. Des centaines, il me semble, mais, compte tenu de tous les enfants, c’étaient des milliers. » Elle épluchait aussi des pommes de terre jusqu’à avoir les mains à vif. Pour son anniversaire, elle a reçu un éplucheur de la part d’un professeur. « Je l’ai utilisé, puis je l’ai laissé sur le tas, avec vingt autres éplucheurs.
Willie Stevens, Salish. École de la mission Saint-Ignace, Montana, 1964-1972. « J’appartiens à la génération... qui a perdu sa langue, saculture, indique Willie Stevens. Mes parents et mes grands-parents ne voulaient pas nous enseigner la langue, ils savaient que ça nous ferait du mal. » Il se rappelle les religieuses qui faisaient rentrer les enfants dans le rang avec des règles. « Si quelqu’un avait fait des bêtises, on avait tous le droit de le frapper », se rappelle-t-il. Aujourd’hui, l’école en brique de la réserve de Flathead n’existe plus. « On aurait pu faire bon usage de ce bâtiment... Mais tant de gens y ont souffert qu’ils voulaient le démolir. Alors ils l’ont démoli. »
Dawn Neptune Adams, Penawapskewi. Placée en famille d’accueil, Maine, 1978-1992. Adoptée par une famille non autochtone, Dawn Neptune en a été chassée à 17 ans pour avoir sollicité une place en internat, car cela allait priver sa mère adoptive de l’argent qu’elle recevait pour s’occuper d’elle. « Elle a envoyé ma sœur aînée au lycée avec juste un sac pour une nuit, dit-elle. Un mois avant la fin des cours, j’étais sans domicile fixe. »
George Johnson, Yup'ik. Institut Wrangell, Alaska, 1963-1964 ; École indienne de Chemawa, Oregon, 1967-1971. Rien n’était pire dans ce pensionnat que d’entendre les autres enfants pleurer le soir tant leur famille leur manquait, se rappelle George Johnson. Mais sa vie en Alaska lui manquait tout autant. « J’ai beaucoup loupé la chasse. C’est ça qui me manquait. Aller pêcher, chasser avec mes frères. » Parce qu’il a vécu si longtemps loin de chez lui, il a oublié ce que lui avait enseigné sa famille. « On part là-bas et on quitte l’Alaska si longtemps qu’on se diten revenant : “Attends, comment on fait ça déjà ?” On est loin de chez nous si longtemps qu’on en oublie comment cuisiner. »
Viola Gala, Hualapai. Pensionnat indien Theodore Roosevelt, Arizona, 1964-1968 ; École ind. de Phoenix, Arizona, 1968- 1970 ; École ind. de Stewart, Nevada, 1972-1973. Viola Gala avait de bonnes notes, mais elle se faisait battre lorsqu’elle parlait en hualapai. Quand sa mère été hospitalisée, se souvient-elle, « je ne savais même pas si elle allait mourir ». « Mes frères pensaient pareil. Personne ne nous disait quoi que ce soit. Mes frères sont venus et ils m’ont demandé si je voulais aller voir ma maman. Alors nous sommes partis à 19 heures ce soir-là pour tenterde la voir. Moins d’une heure plus tard, nous avons entendu des policiers arriver pour nous ramener [à l’école]. »
Eugene Herrod, Muskogee. Séminaire Carter, Oklahoma, 1956-1968. « Les châtiments corporels étaient la norme », se souvient Eugene Herrod, qui avait 6 ans seulement lorsqu’il a été envoyé au pensionnat. Il n’était pas rare que des enfants aient eu à baisser pantalon et sous-vêtement pour écoper d’un « grand coup de planche ». Pour lui, la douleur physique n’était rien à côté de la solitude. « Dans mon souvenir, l’isolement affectif était le plus rude, confie-t-il. Les dysfonctionnements au sein de nos familles et de nos communautés résultaient de la destruction par ce gouvernement d’une société tribale très bien pensée, qui existait depuis des siècles. »
Wanda Garnier, Lakota. Envoyée à la mission du Saint-Rosaire, Dakota du Sud, 1958-1963. « Ils nous ont privés d’une vie familiale », dénonce Wanda Garnier, qui regrette les liens qui unissaient autrefois sa famille. « Avant Saint-Rosaire, j’adorais cette connexion : nous étions tout, les uns pour les autres… Après, c’était fini. Les familles ont été séparées, au point que, à ce jour, beaucoup ignorent avec qui ils ont des liens de parenté. Alors oui, notre culture a été totalement bouleversée au pensionnat. »
Générations déracinées
Les membres d’une garde de couleur exclusivement composée de femmes soldats rendent hommage à six des neuf enfants lakotas de la réserve de Rosebud, enterrés au cimetière des anciens combattants de Rosebud. En juillet 2021, après six années de négociations, l’armée américaine a transféré les corps des enfants de la caserne de Carlisle, en Pennsylvanie, à la tribu de Rosebud. 150 enfants sont encore enterrés à Carlisle, où plus de 10 000 jeunes autochtones ont été envoyés dans le cadre d’un programme d’intégration forcée des Amérindiens au moyen d’un réseau d’internats publics.