Inde : le dangereux quotidien des cueilleuses de thé

Les cueilleuses de thé du Bengale occidental doivent être constamment sur leurs gardes face aux léopards, aux éléphants et aux cobras.

De Paul Salopek
Photographies de Paul Salopek
Dans les plantations de thé du Bengale occidental, les cueilleuses sont souvent préférées aux hommes pour le plus grand soin qu'elles observent lors de la sélection des feuilles.
PHOTOGRAPHIE DE Paul Salopek
Le projet Out of Eden Walk de l'écrivain et explorateur National Geographic Paul Salopek est un carnet de voyage dans lequel le journaliste retrace, à pied, le périple des ancêtres de l'Homme à travers le monde. Cet article est le dernier en date publié depuis l'Inde.

Pénétrer dans le Bengale occidental, c'est comme aller se promener dans immense parc où l'on s'attend à croiser des daims sauvages.

Des buissons de thé s'étendent comme des jardins de topiaires sur des kilomètres, alors que des plantes coriaces ordonnées dans des allées poussent à l’ombre des arbres dispersés. L'Himalaya teinté de bleu s'élève au-dessus de l'horizon, au nord. L'Inde est le deuxième plus grand producteur de thé au monde, après la Chine, ses thés Assam et Darjeeling étant sans doute les plus connus.

Des milliers de cueilleurs de thé travaillent dur dans ces plantations isolées. Beaucoup sont des femmes autochtones Adivasi, des descendantes d'hommes et de femmes indiens transférés dans la région pour effectuer des travaux forcés il y a plus d’un siècle par les colons britanniques. Les propriétaires de plantations ont préféré embaucher des femmes en raison de leur fiabilité et de leur capacité à « sentir » et donc mieux manier les feuilles de thé. Les femmes traversent les buissons de thé qui leur arrivent à la taille, protégées par un tablier et des gants. Elles vivent avec leurs familles dans des cabanes sans accès à l'eau. L’hôpital le plus proche se trouve à quatre heures de bus. Le tout pour un salaire de misère - l'équivalent de 2,23 euros par jour.

« Le salaire est bas, mais que pouvons-nous faire d'autre ? » se désole Lalita, une cueilleuse au Looksun Estate âgée de 40 ans. « Nous devons survivre. » Elle nous explique que des léopards rôdent souvent dans les arbres à thé et sont régulièrement repoussés par des pétards. Les éléphants sauvages ont traversé la frontière en juin-juillet. Des cobras ont émergé de leurs terriers pendant la mousson. « Ils ne nous font rien, nous ne leur faisons rien », explique-t-elle. « Et ensuite ils rentrent chez eux. »

Le Parti communiste indien a planté son drapeau orné d'une faucille et d'un marteau à l'entrée de la plantation de thé. On réclame une augmentation journalière de 50 roupies, environ 63 centimes d'euros. Le superviseur de la plantation, un homme mélancolique assis devant l'usine à thé archaïque de la propriété, répond simplement que ça n'arrivera jamais.

 

Cet article a initialement paru sur le site Web National Geographic consacré au projet Out of Eden Walk en langue anglaise. Suivez le journaliste Paul Salopek à travers son incroyable voyage à cette adresse.  

Paul Salopek a remporté deux prix Pulitzer pour son travail en tant que correspondant à l'étranger pour le Chicago Tribune. Retrouvez-le sur Twitter @paulsalopek.

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