Un ramadan placé sous le signe du confinement
Des Etats-Unis à la Cisjordanie, les mosquées sont fermées et les rituels perturbés au cours du mois sacré de Ramadan.
Au cours du mois sacré de Ramadan, les musulmans pratiquants observent le jeûne du lever jusqu’au coucher du soleil. Sur la photo, des hommes sont rassemblés pour la quatrième des cinq prières de la journée, dite maghrib, devant la mosquée Al-Taqwa. Ce lieu de culte dans le quartier de Brooklyn à New York est momentanément fermé en raison de la pandémie du coronavirus.
Chaque année, pendant le Ramadan, Tarik Haque, un ancien combattant de l’armée du Bangladesh résidant à Chicago, attend avec impatience, comme tant d’autres, de rompre le jeûne en fin de journée. Les traditions lui tiennent à cœur : une fois le soleil couché, les fervents se tiennent côte à côte derrière l’imam pour réciter la quatrième prière de la journée, le maghrib. À l’odeur du Piaju (galette de lentilles frite saupoudrée de coriandre) qui emplit la mosquée, viennent s’ajouter les senteurs du chaat (salade de fruits de l’Asie du Sud) et du rooh afza (sirop de rose incontournable versé dans de l’eau ou du lait).
Neuvième mois du calendrier lunaire islamique, le Ramadan est sacré pour les musulmans. C’est la période où les premiers versets coraniques auraient été révélés au prophète Mahomet, figure centrale de l’islam, la deuxième religion mondiale la plus répandue. Selon une étude menée par le Pew Research Center aux États-Unis, 80 % des musulmans déclarent jeûner de l’aube jusqu’au crépuscule pendant tout le mois du Ramadan, soit presque le double de ceux qui disent prier cinq fois par jour ou se rendre à la mosquée chaque semaine tout au long de l’année.
Après avoir distribué les repas à la communauté de Bay Ridge à Brooklyn, les bénévoles et les employés des mosquées se rassemblent pour la tarawih, une prière nocturne propre au mois de Ramadan.
Cette année, le Ramadan a commencé dans la soirée du 23 avril en pleine pandémie du coronavirus, à l’heure où le confinement est imposé à une grande partie de la population mondiale. Par conséquent, nombre de rituels sont entravés. Le respect des règles de distanciation sociale fait que les musulmans ne peuvent désormais plus se réunir pour partager l’iftar, le repas du soir qui permet de rompre le jeûne. Ils ne peuvent non plus se rassembler dans les mosquées pour réciter la tarawih, une prière nocturne. L’accès à la Mecque et à Médine est interdit à tous les pèlerins. Les mosquées du monde entier, d’ordinaire très animées lors du Ramadan, sont désertes.
Haque, la soixantaine bien sonnée, respecte l’ordre de confinement imposé à Chicago. Il communique par téléphone avec son imam et prie cinq fois par jour, seul, dans son appartement. La gorge nouée par l’émotion, il regarde les images de la Mecque vide que lui renvoie son écran. Ce lieu de culte accueille le hajj, le plus grand pèlerinage musulman que tout fidèle est censé accomplir au moins une fois dans sa vie s’il en a les moyens. De temps en temps, Haque se réunit avec d’autres habitants au bas de l’immeuble pour prier. « Les liens communautaires me manquent plus que tout », admet-il. Pour égayer ses iftars qu’il prend seul, quelques femmes de sa mosquée lui ont livré des nems et du kébab chapli. (Lire aussi : 1 000 façons de célébrer la fin du ramadan à travers le monde.)
Aux quatre coins de la planète, les musulmans font de leur mieux pour partager de la nourriture et tisser des liens communautaires. Saadia Shariff, enseignante dans un collège, habite dans le quartier le plus touché par le COVID-19 à Chicago. Pour contourner l’isolement, ses frères et elle ont trouvé une solution : « Je dépose des plats chez eux. Une livraison sans contact », dit-elle. « Je garde la nourriture dans le coffre de la voiture. Quelqu’un récupère les plats et les remplace par d’autres que lui / elle aura cuisiné. »
Partout dans le monde, les mosquées ont fermé leurs portes et les musulmans pratiquants sont encouragés à réciter leurs prières chez eux. Sur la photo, un homme prie dans une mosquée à Dhaka au Bangladesh.
À l’autre bout de la ville, Sakina Syeda, professeure d’anglais dans un lycée, propose des cours en ligne aux femmes musulmanes du pays. Certaines leçons portent sur le Coran, d’autres sur les paroles du prophète Mahomet et d’autres encore ont trait au Ramadan. Sur Zoom, elle apprend comment adopter les bons comportements pendant la période de jeûne. Il ne s’agit pas uniquement de s’abstenir de manger, de boire et d’avoir des relations sexuelles du lever du soleil jusqu’à son coucher mais également d’éviter de mentir et de proférer des insultes par exemple.
Faire preuve de charité est d’une importance primordiale au cours du mois de Ramadan. D’autant plus que des millions de personnes ont perdu leur travail et n'ont plus les moyens de manger à leur faim. Grâce aux réseaux sociaux, Syeda a réussi à collecter les fonds nécessaires pour préparer 650 colis alimentaires contenant des lentilles, du beurre, du sucre, du riz et de la farine qui seront distribués à des personnes dans le besoin au Pakistan. L’islam nous enseigne que le repas d’une personne suffit pour deux, explique-t-elle. « Dans les pays du tiers-monde, les habitants n’ont pas la chance d’avoir ce que nous avons. Pour cela, nous devons partager. »
De Chicago à la Cisjordanie, de Bangladesh à New York, 1,8 milliard de musulmans vivent un Ramadan sans précédent.
Ce projet est en partie financé par la National Geographic Society. En savoir plus sur le fonds d’urgence mis en place par la National Geographic Society pour soutenir les journalistes qui souhaitent couvrir la crise du COVID-19.
Tasmiha Khan s’intéresse souvent à la vie de la communauté musulmane américaine. Suivez-la sur Twitter (@CraftOurStory).
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.