Et les meilleurs photographes animaliers de l'année 2020 sont...
Une image rare et empreinte d'espoir d'une tigresse de Sibérie dans l'Extrême-Orient russe a valu au photographe Sergey Gorshkov le prestigieux titre de Photographe animalier de l'année 2020.
Baignée dans la lumière découpée par la végétation, une tigresse de Sibérie se tient debout sur ses pattes arrière et semble étreindre un arbre centenaire. Ses yeux sont clos, sa gueule semble s’étirer en un sourire de bonheur tandis que sa joue est collée contre l’écorce. Un moment d’une pure beauté : les tigres de Sibérie sont grandement menacés d’extinction, mais cette tigresse semble si sereine.
Cette photographie d’un moment rare et bref, intitulée « The Embrace » (L’étreinte), a valu au photographe russe Sergey Gorshkov le prestigieux titre de Photographe animalier de l’année, décerné hier par le Natural History Museum de Londres.
« C’est une scène sans pareille. Un aperçu unique d’un moment intime au cœur d’une forêt magique », a déclaré Roz Kidman Cox, présidente du jury, dans un communiqué de presse. Le cliché d’un animal grandement menacé d’extinction profitant d’un moment de tranquillité « nous donne de l’espoir », ajoute Tom Littlewood, directeur général des sciences du musée. « La puissance émotionnelle unique de cette photographie nous rappelle la beauté de la nature et notre responsabilité à tous de la protéger ».
Lorsque Sergey Gorshkov a décidé de photographier un tigre de Sibérie dans son habitat naturel à l’aide d’un piège photographique, il savait que ses chances d’obtenir le cliché parfait étaient extrêmement minces, a-t-il confié aux juges du concours. Il ne resterait plus que quelques centaines de tigres de Sibérie à l’état sauvage, et leurs territoires peuvent s’étendre sur 230 à 1 900 km². Pour décider de l’endroit où installer son piège photographique, Sergey Gorshkov a ratissé le Parc national de la Terre du Léopard, dans l’Extrême-Orient russe, à la recherche de signes attestant de la présence de tigres, examinant les arbres pour y trouver des marquages olfactifs, des poils de félin, des traces d’urine ou de griffes. Après avoir trouvé un lieu qui lui convenait, il installa son piège photographique juste en face, sur un sapin de Mandchourie, une essence ancienne utilisée par les Natifs de la région. Onze mois furent nécessaires pour obtenir ce cliché.
Le concours, qui en est à sa 56e édition, regroupe 17 catégories de photographie animalière, notamment les catégories « Comportement », « Photojournalisme » et « Portraits d'animaux ». Cette année, le concours a reçu 49 000 candidatures de photographes du monde entier. Les juges recherchaient l'innovation, la capacité à raconter une histoire et la maîtrise technique. (Voir les gagnants de l’année 2019).
La jeune Finlandaise Liina Heikkinen, âgée de 13 ans, a remporté le titre de Jeune photographe animalier de l’année, autre distinction prestigieuse de la compétition, pour sa photographie d’un jeune renard dévorant une oie dans un nuage de plumes blanches, réalisée sur l’île de Lehtisaari, dans la banlieue de Helsinki.
La photographe National Geographic Kirsten Luce a elle remporté le prix de la meilleure image individuelle dans la catégorie « Photojournalisme » pour son cliché d’un ours polaire en captivité réalisant des numéros dans un cirque itinérant russe. Des 17 catégories, Kirsten Luce et Liina Heikkinen sont les seules femmes à avoir été récompensées.
DERRIÈRE L'OBJECTIF
Kirsten Luce a réalisé le cliché de l’ours polaire alors qu’elle faisait un reportage sur les spectacles d’animaux sauvages en captivité en Russie, dans le cadre de l’enquête internationale sur le tourisme animalier que nous avons toutes deux menée pour National Geographic en 2019. Lorsque nous avons entendu parler du cirque itinérant d’ours polaires, Kirsten m’a dit que nous « [devions] changer en toute vitesse notre programme pour y caser un voyage de 36 heures à Kazan (dans le sud-ouest de la Russie), car il [fallait] voir les seuls ours polaires connus pour faire des numéros de cirque ».
Le 3 novembre 2018, quatre ours polaires muselés réalisaient un numéro de cirque sur glace sous nos yeux, tandis que leurs dresseurs les contrôlaient avec des barres en métal. Ils attrapaient des ballons de basket, prétendaient jouer des instruments de musique dressés sur leurs pattes arrière et dansaient même la valse. Entre les numéros, ils se roulaient sur la glace, la grattant et la léchant, pour profiter des quelques minutes à son contact.
Bien que ce cliché n’ait pas impliqué d’installer méticuleusement des pièges photographiques ou de patienter pendant des mois, il présentait ses propres difficultés.
« Les défis posés par ce cliché étaient sans doute très différents de ceux auxquels sont confrontés les autres photographes animaliers, car j’étais assise dans une salle de spectacle », explique Kirsten Luce. Nous avions payé nos billets comme toutes les autres personnes du public et la mobilité était limitée. « J’ai dû faire du mieux possible, tout en prenant des photos avec un objectif à longue focale, à travers un filet de protection bleu et sans pouvoir bouger », poursuit-elle.
« Je savais que cette photographie choquerait et surprendrait nos lecteurs, car les ours polaires sont souvent présentés comme des icônes de la conservation », ajoute la photographe. Deux autres clichés de Kirsten Luce tirés de ce reportage ont fait partie des finalistes de la même catégorie : des éléphants posant avec des touristes sur une plage thaïlandaise et des bélugas réalisant des numéros dans un cirque itinérant éphémère en Russie.
Le photographe Paul Hilton a également été récompensé pour son travail sur l’exploitation animale. Son projet sur le commerce international d’animaux, et en particulier son cliché d’un singe enchaîné dans l’arrière-boutique d’un marché aux oiseaux de Bali, lui a valu le prix du récit photo-journalistique.
« Ces images commencent à circuler de plus en plus sur les réseaux sociaux et sur Internet, et nous remarquons une prise de conscience des gens à ce sujet », confie Kirsten Luce. « Avec ces clichés, il est plus difficile d’ignorer la souffrance des animaux sauvages utilisés pour le bénéfice de l’Homme ».
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.