En immersion avec les rangers de Salonga, héros méconnus de la conservation

Reportage | Les rangers patrouillent parfois pendant plusieurs semaines consécutives dans la jungle avec les moyens du bord : face aux braconniers, l’argent et la technologie de pointe n’ont que peu de pouvoir.

De Thomas Nicolon
Épuisé, Jean-Pierre Mayamba est plongé dans ses pensées à la tombée de la nuit, sur la ...
Épuisé, Jean-Pierre Mayamba est plongé dans ses pensées à la tombée de la nuit, sur la rivière Yenge. Avec lui dans la pirogue, une chèvre que les rangers mangeront quelques jours plus tard.
PHOTOGRAPHIE DE Thomas Nicolon

Si le parc national de la Salonga a un budget estimé à plusieurs millions d’euros, alloués par les bailleurs internationaux, la réalité des rangers est toute autre sur le terrain. En patrouille durant plusieurs semaines consécutives, ces travailleurs de l’ombre composent avec les moyens du bord : dans la jungle, l’argent et la technologie de pointe n’ont que peu de pouvoir.

Dans Salonga, deuxième plus grand parc de forêt tropicale au monde, pas de colliers GPS sur les éléphants, ni de téléphones satellites pour chaque patrouille ou même de véhicule dernier cri pour intervenir en cas d’urgence.

L’absence de routes pousse l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) et le Fonds Mondial pour la Nature (WWF) à travailler à un rythme singulier : celui de la forêt.

Un braconnier repéré dans une section du parc ? Les rangers doivent se déployer plusieurs jours, à pied puis en pirogue, sans possibilité de localiser leur cible. Débute alors un dangereux cache-cache où chaque indice doit être relevé : une branche coupée à la machette, une empreinte ou un feu de camp abandonné la veille.

Dans ce contexte difficile, les rangers patrouillent en sandales, s'avançant dans l’eau parfois jusqu’à la taille. Le sort des éléphants des forêts, dont la population a chuté de 150 000 à 2 000 individus entre 1975 et 1995, dépend du travail acharné de ces héros méconnus de la conservation.

Issus des villages autour du parc, sans formation paramilitaire, parfois quinquagénaires, ils opèrent dans un environnement extrêmement exigeant, avec un très modeste salaire à la clef.

Grâce à leur travail, ce parc national unique au monde pourrait un jour revoir prospérer éléphants de forêt et bonobos, et ainsi devenir un haut lieu touristique de la RDC.

Souvent isolées, les aires protégées du Congo sont à la merci des braconniers. Dans un pays où les crises politique, sécuritaire et économique perdurent, la corruption s’étend à toutes les couches de la société.

Les braconniers arrêtés se retrouvent bien souvent en liberté plus tôt que prévu, et plus armés que jamais. C’est pourtant le développement du tourisme vert qui pourrait offrir un répit au géant d’Afrique centrale, frappée par des vagues de violence depuis plus de 20 ans.

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