Les nouveaux explorateurs dans les pas de leurs aînés
Héritant d’une grande tradition d’aventure et de découverte, une nouvelle génération d’explorateurs avance dans les pas de ses illustres prédécesseurs. Virgil Reglioni, guide polaire, nous partage son parcours et ses expériences.
Les ours polaires chassent principalement les phoques en attendant près des trous de respiration dans la glace de mer ou en les traquant lorsqu'ils montent sur la glace. Les bébés phoques sont vulnérables à la prédation de l'ours polaire car leur mère les laisse souvent seuls pendant qu'ils chassent. Ils ont un odorat très développé et peuvent détecter les phoques sur de longues distances. Quelques secondes après avoir sorti ce bébé phoque de l'eau glacée, l'ours se jette sur lui, utilisant ses puissants membres antérieurs et ses griffes acérées pour s'emparer de sa proie. Ces machines à tuer peuvent manger jusqu'à 45 kg de viande en une seule fois et ont l'incroyable capacité de transformer 98 % de la graisse qu'ils consomment en leur propre graisse. Cela en fait des créatures au métabolisme parmi les plus efficaces du règne animal.
Au fil des siècles, de grands explorateurs tels que Marco Polo, Vasco de Gama, Christophe Colomb, Fernand de Magellan, Jacques Cartier, pour n'en citer que quelques-uns, ont eu soif d'aventure, le besoin de conquérir et l'envie de percer les mystères de notre monde en découvrant de nouvelles terres inconnues.
Avec des défis de plus en plus grands, le 20e siècle a offert au monde des exploits que certains considéraient comme impossibles : le Norvégien Roald Amundsen est devenu le premier homme à atteindre le pôle Sud en 1911, Edmund Hillary et Tenzing Norgay ont atteint le sommet de l'Everest en 1953, et Neil Armstrong a marché sur la lune le 20 juillet 1969. Tous ont contribué à repousser les limites de la connaissance et de l'exploration, chacun avec ses propres motivations et ses propres objectifs, mais tous animés par le désir d'aller au bout de l'aventure et de se dépasser.
C’est sans doute ce qui pousse les nouveaux explorateurs du 21e siècle à s’aventurer dans les régions reculées du Grand Nord et à faire face à de nombreux défis : des conditions climatiques extrêmes, des territoires spectaculaires mais terriblement dangereux, peuplés d’animaux sauvages qui le sont tout autant. Ainsi, Virgil Reglioni, originaire d’une petite ville française située entre Lyon et la frontière suisse, a ressenti très tôt l’envie de percer les mystères de notre monde et c’est muni d’un sac à dos et d’un appareil photo qu’il l'explore. À travers ses photographies, plusieurs fois primées, il livre des récits de voyage inspirants, mais il tient aussi à stimuler l’intérêt du plus grand nombre pour la beauté de notre planète et la nécessité de la protéger.
Depuis son tout premier voyage réalisé en 2011, il a traversé plus de cinquante pays sur tous les continents et vécu dans sept pays différents, parmi lesquels l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Islande, la Finlande et le Svalbard. Désormais établi à Tromsø, dans le nord de la Norvège, il témoigne, alerte et transmet sa connaissance des régions fragiles du Grand Nord menacées par le réchauffement climatique. Grâce à des années passées à travailler en milieu polaire et une bonne connaissance du terrain, il est aujourd’hui un guide expérimenté qui accompagne les aspirants explorateurs dans des endroits reculés et difficiles, notamment au Groenland oriental, en Géorgie du Sud et en Antarctique. Entretien.
Portrait de l'explorateur et guide polaire Virgil Reglioni.
Vous avez un parcours étonnant, et même impressionnant pour une personne aussi jeune !
J'ai beaucoup voyagé, c'est vrai. En 2011, j'avais 22 ans et j'aspirais plus que tout à découvrir le monde, alors je suis parti à Melbourne, en Australie. Mais j'avoue qu'en sortant de l'aéroport, je me suis senti un peu perdu. Une impulsion m'a poussé à revenir sur mes pas et à chercher quelqu'un qui me ressemblait. Je suis retourné dans l'aéroport et j’ai tapé sur l'épaule d'un voyageur qui avait le dos voûté sous un gros sac à dos. Je lui ai demandé s'il était tout seul et je lui ai proposé de découvrir Melbourne avec moi. C'était un Italien un peu surpris par ma démarche, mais il a accepté. C'est ainsi que mon aventure a commencé.
À quel moment le voyageur devient-il explorateur ?
Je n'avais pas envisagé de m'installer quelque part de façon permanente. Dès le premier soir, j'ai rencontré un autre Italien dans un bar de Melbourne et avec lui, j'ai parcouru 22 000 km en van. Durant ce road-trip, nous avons découvert la forêt tropicale de Daintree dans le nord-est de l'Australie. Je suis littéralement tombé amoureux de cet endroit et j'y suis resté sept mois. Bien que j'aie travaillé occasionnellement, j'ai surtout pris des photos. J'ai appris énormément de choses sur les fleurs, les arbres, les sols, les serpents, les araignées etc… et ce, à une vitesse incroyable. Lors d'une rencontre avec un guide très impressionné par mes connaissances, celui-ci m’a suggéré de devenir guide moi-même. Il m'a même proposé d'utiliser son nom comme référence.
Vous êtes donc devenu guide en Australie ?
Non, l'idée venait de ce guide, pas de moi. Je n'étais pas prêt, j'étais jeune et j'avais encore envie de voyager et de découvrir. Mais j'ai gardé cette idée dans un coin de ma tête. Je suis parti en Nouvelle-Zélande, en Asie du Sud-Est, puis je me suis installé quelques temps en République Tchèque où je travaillais au service clients d'Air France, derrière un ordinateur. Heureusement, une amie m'a informé qu'elle avait trouvé un poste de guide.
Une petite pensée s'est rappelée à votre bon souvenir ?
Absolument, et j'ai même postulé ! J'avais effectivement été chaudement recommandé et, deux jours plus tard, on m'a proposé un poste en Grèce. Avant de partir, j'ai beaucoup étudié et sur place, j'ai bénéficié d'un réel apprentissage : la préparation des visites, la gestion des groupes et la transmission des connaissances. C'est là que j'ai compris que j'aimais éveiller l'intérêt chez les gens, enseigner...
À Tromsø, dans le nord de la Norvège, vous êtes bien loin des contrées de la Grèce antique...
Oui, en 2016 j'ai ressenti le besoin de découvrir de nouveaux horizons et de relever de nouveaux défis. J'ai alors trouvé un poste de guide en Laponie finlandaise, située à environ 200 km du Cercle polaire.
Le glacier Nordenskjoldbreen est l'un des fronts glaciaires les plus visités du Svalbard. C'est l'un des plus accessibles, mais ce n'est que cette année que j'ai pu le voir en zodiac, plus près du front et plus bas sur le niveau de l'eau. La perspective est tout simplement gigantesque et ces formes de glace qui se dressent au sommet de la roche ont une touche dramatique intense. Aujourd'hui, il pleuvait et nous pouvions percevoir la grande profondeur grâce aux gouttelettes d'eau tombant du ciel.
C'est là que j'ai découvert mes premières aurores boréales, ainsi que mes premiers - 42°C. J'ai appris à devenir guide de motoneige, guide de randonnée, et j'ai pris de plus en plus de photos. J'ai été émerveillé et passionné par les aurores boréales. Je les ai pratiquées à maintes reprises et, dès que je me suis senti prêt, j'ai commencé à partager mes photos dans des concours internationaux.
De connexions en connexions dans le monde polaire, j'ai finalement atterri sur l'île de Spitzberg dans l'archipel du Svalbard, où j'ai travaillé comme guide pendant deux saisons. C'est là-bas que j'ai appris l'importance des tours de garde de nuit pour nous protéger des ours polaires.
Dans quel but vous engagez-vous sur des navires d’expédition ?
La première fois, c’était en tant que photographe bénévole pour le navire au Svalbard. Pendant ces expéditions, j’ai découvert des endroits uniques où personne d'autre ne va. J’ai compris que je voulais être au cœur du monde polaire, guider et enseigner des activités comme le zodiac et la randonnée, mais aussi transmettre l'importance de la protection de la nature aux personnes que j’accompagne en leur apprenant notamment comment protéger les ours polaires.
Devant des glaciers constamment en mouvement, quelles mesures de sécurité prenez-vous ?
Nous recevons des certifications en matière de sécurité pour les mesures que nous mettons en place. En Arctique, la première consigne est de se protéger des ours polaires. Avant d'accoster quelque part, nous examinons les environs avec des jumelles. Une fois sur la terre ferme, nous délimitons un périmètre qui va nous permettre d’avoir une vue d’ensemble sur les environs et de contrôler leurs mouvements. Ces mesures sont prises pour nous protéger nous, humains, mais aussi et surtout protéger les ours. Nous utilisons des armes à feu pour les effrayer et les tenir à distance.
Le fjord est rempli de brashs denses après de multiples vêlages des fronts glaciaires environnants des glaciers Kings et Conway. Nous nous sommes aventurés avec nos zodiacs dans ce paysage impressionnant, poussant la glace pour nous frayer un chemin. Nous regardons dehors, loin devant nous, scrutant le paysage à la recherche de vie, et nous la voyons. Elle est là, debout sur la banquise, avec un animal tué, juste devant la couronne de Svea, sous la lumière du soleil en arrière-plan. Attraper un ours polaire devant la mer était le but ultime, mais attraper un ours polaire en train de se nourrir dans ces conditions de lumière, ce n'était même pas imaginable. Nous nous approchons lentement à une distance sûre et respectable pour ne pas la déranger et lui faire comprendre que nous ne sommes pas en compétition mais en contemplation.
Cependant, le danger ne vient pas seulement des ours polaires. Le climat change rapidement, la météo peut nous surprendre à tout moment avec des rafales de vent imprévues. Et comme vous l'avez mentionné, les glaciers et la banquise changent constamment. Nous avons même découvert que certaines zones ne sont pas cartographiées, notamment au Svalbard et en Antarctique sud. Étant donné que nous ne savons pas ce qui se trouve sous nos pieds, nous ne pouvons pas nous y aventurer.
Qui sont les aspirants explorateurs ?
Ce sont généralement des passionnés de découverte et d'aventure qui ont ajouté la « case polaire » à leur liste de choses à faire, mais également beaucoup de photographes amateurs ou professionnels souhaitant rapporter des photos différentes.
Êtes-vous soucieux de l'impact environnemental du tourisme polaire ?
Lors de mes premières missions, j'ai embarqué sur de gros navires d'expédition et j'ai rapidement compris leur impact sur l'environnement. Par conséquent, j'ai préféré orienter mes missions sur des bateaux beaucoup plus petits.
À cette époque de l'année, fin août 2021, il y avait une énorme plaque de glace dérivante qui s'est détachée de la banquise reliée au pôle Nord, dérivant vers le Sud. La soirée était incroyable, la lumière perçant le brouillard, offrant des moments incroyables dont nous nous souviendrons. Nous avons même réussi à trouver un ours polaire qui sautait sur la glace vers 2 heures du matin avec ce magnifique soleil diffus, mais il est finalement allé nager entre les glaces et est devenu impossible à trouver. Nous avons commencé à voir une ligne blanche à l'horizon jusqu'à ce que nous atteignions enfin ces plaques de glace géantes, et avons entendu le premier "Bang" sur la coque du bateau.
Quelles sont ces missions ?
Je viens de terminer une expédition au Svalbard. J’y étais du 13 au 20 mai en tant que guide photographe professionnel. Du 9 au 19 juillet 2023, je serai chef d'expédition à bord du Persévérance, le bateau de Jean-Louis Etienne qui déploie le Polar Pod (ndlr : un navire autonome qui effectue des mesures dans les eaux les plus agitées de la planète et collecte des données en temps réel, précieuses pour la recherche environnementale). Pendant certaines missions, nous accompagnons des scientifiques qui effectuent des prélèvements de glace et d'eau pour tester la salinité, la pureté, et mesurer les changements de températures. Lors d'autres missions, nous avons des biologistes marins à bord qui nous enseignent comment le changement climatique affecte les animaux.
Certaines entreprises spécialisées dans les expéditions scientifiques, comme Citizen Sciences, impliquent les passagers dans les opérations et les recherches afin qu'ils comprennent l'urgence de la lutte pour la préservation de la banquise, des océans, de la faune et de la nature en général. Les passagers prennent ainsi conscience de la beauté de ce qui les entoure, de l'importance de le protéger et de la nécessité pour chacun de faire sa part.
Comment percevez-vous votre rôle ?
Je suis aux premières loges pour voir ce qui se passe, il est donc normal que j'en témoigne. Et je le fais à travers mes photos. Je saisis chaque opportunité pour capturer des images d'endroits totalement vierges, des scènes passionnantes de la vie des ours polaires. Je suis devenu un photographe-explorateur-guide polaire qui prend en compte l'impact environnemental de ses missions. C'est pourquoi je choisis des missions à bord de petits bateaux. Avoir ces choix nécessite les bonnes connexions dans le monde polaire.
La photographie de paysage dans le Grand Nord est un véritable défi. On y trouve des paysages incroyables et, ici, quatre morses sont endormis sur la banquise, encadrés par ces chaînes de montagnes et ces fronts de glaciers étonnants. Les morses sont des animaux incroyables, presque inutiles sur terre mais pourtant si agiles dans l'eau. Leur comportement est étonnant et vaut la peine d'être observé, particulièrement leur manière de communiquer entre eux lorsqu'ils interagissent avec les humains. Lorsqu'ils s'approchent de notre bateau, ils peuvent devenir très curieux, - et même trop curieux -, au point de remettre les moteurs en marche avant qu'ils ne perforent notre coque avec leurs défenses géantes d'un mètre.
Ma réputation de guide s'est forgée peu à peu grâce à mes expéditions, mais mon travail photographique m'a également beaucoup aidé. Mes photos témoignent de la diversité de mon travail dans le Grand Nord, incluant les ours polaires, la vie sauvage en région polaire, sub-polaire, et les paysages à grande échelle pour témoigner de leurs dimensions exceptionnelles. C'est devenu mon style photographique, ma signature. Mes clichés racontent des histoires, que ce soit en Antarctique, en Géorgie du Sud, au Svalbard ou encore des images contemplatives d'aurores boréales prises le plus souvent en Norvège continentale. Ces images évoquent des phénomènes naturels nocturnes, traduisent des sentiments et des émotions, incluant les miens au moment où je prends la photo.
Combien de temps dure une expédition ?
Une expédition peut durer entre quelques jours à plusieurs mois, selon les conditions météorologiques et les besoins de l’équipage et des passagers. Ces derniers, que nous accompagnons en Antarctique ou en Arctique, restent entre 10 et 15 jours sur le bateau. Nous les guides, nous restons deux mois. Nous avons ainsi le temps de voir l’évolution du terrain, de la vie sauvage tout au long de la saison. Des baleines arrivent, ainsi que des colonies d’oiseaux et je peux figer des images incroyables qui racontent des histoires émouvantes, uniques et fortes. Comme celle de cette ourse qui attend avec son tout petit que la glace se reforme, que j’ai intitulée Waiting For Winter. Près d’eux se trouve une carcasse de baleine sur laquelle se trouve déjà une famille en train de se nourrir. Bien qu’affamée, et pour ne pas mettre son petit en péril, la maman attend patiemment son tour en gardant son ourson près d’elle. Nous sommes également témoins de choses moins agréables. De mois en mois la glace disparaît sous nos yeux…
"Maman et moi attendons ici, sur le rivage du Lomfjord. Nous sommes ici depuis un certain temps, depuis que la glace a disparu cette année. L'année dernière, maman a trouvé une carcasse de baleine échouée sur le rivage. Elle m'a donc ramené ici en août pour que nous puissions nous nourrir de ce qu'il en reste, mais nous ne sommes pas les seuls. Souvent, d'autres mâles solitaires et d'autres familles sont à la recherche de la même nourriture, ce qui nous oblige à partager, et certains des grands mâles ne sont pas très heureux de cette situation. Nous attendons tous les deux notre tour pour nous nourrir. Nous attendons aussi avec impatience que l'hiver revienne pour que la glace se reforme ici, dans le Nord, et que maman m'apprenne à maîtriser l'art de la chasse avant que je ne parte tout seul l'année prochaine."
Comme tous les explorateurs qui vous ont précédé, vous êtes conscient des conséquences du changement climatique sur les régions polaires.
Nous sommes témoins de la fragilité croissante de ces zones et des perturbations causées par le réchauffement climatique. Il est impératif de documenter ces changements. Les explorateurs polaires ont une expérience de terrain décennale qui leur permet de faire un constat plus précis que le nôtre, réalisé sur seulement deux ou trois ans d’observation. Grâce à eux et aux études scientifiques, nous avons accès à des cartographies de la glace, qui révèlent que chaque année, celle-ci disparaît plus tôt et se reforme plus tard, voire disparaît totalement.
Cela nous amène à la menace qui pèse sur les ours polaires.
Effectivement, avec la disparition de la banquise, ils perdent leur habitat et ont des difficultés à subvenir à leurs besoins essentiels. Cependant, nous sommes également témoins de leur capacité d'adaptation. Nous les observons chasser les rennes, peut-être que ces pratiques existaient déjà, mais n'étaient pas documentées jusqu'à présent. L'ours développe ainsi de nouvelles stratégies de chasse. En effet, l'ours est rapide, mais seulement pour de courtes périodes, alors que le renne est rapide sur des distances plus longues. En traquant le renne, l’ours utilise des techniques et une intelligence unique. Il va le pousser sur les glaces les plus minces qui vont craquer sous son poids, il pourra ainsi l’attraper facilement.
Est-ce que les ours polaires s'habituent à la présence de l'Homme ?
C'est une excellente question. En réalité, tout comme les humains, chaque ours polaire est différent. Certains peuvent être timides et le resteront toute leur vie, tandis que d'autres peuvent être agressifs et le seront également toute leur vie.
À Longyearbyen, la principale ville du Svalbard, il arrive que des ours s’approchent des habitations. Des mesures sont alors prises pour les repousser. Malheureusement, le mois dernier, en avril, l'ourse Misha, une icône de la lutte contre le changement climatique, mondialement connue et filmée pendant des années par la BBC et Netflix, a été retrouvée sans vie, flottant dans l’eau après avoir été repoussée par des humains parce qu’elle était trop proche d’une cabine. Deux jours auparavant, le gouverneur du Svalbard l’avait tranquillisée (légèrement sédatée), ce qui l’avait certainement affaiblie. Après cette découverte de Misha morte dans l'eau, avec son petit tournant autour d'elle, il a été décidé de le tuer également car il ne pourrait pas survivre sans elle...
Elle est au sommet de la chaîne alimentaire et le montre fièrement, debout sur les épaules des géants de l'Arctique. Elle est le symbole du changement climatique et du lien qui a été établi entre les témoins humains et la faune du Svalbard. Elle a certainement été l'ours polaire le plus documenté et le plus filmé de l'histoire.
On ne devrait pas perdre de vue que c'est l'Homme qui est sur le territoire de l'ours et non l'inverse. Si l'ours s'approche des habitations, il faut déplacer les habitations et non l'ours, et encore moins le tuer.
Quel message souhaitez-vous transmettre aux futurs explorateurs ?
J’aimerais leur dire de faire confiance à leur instinct et à leurs intuitions. Souvenez-vous… Si je n'étais pas retourné à l'aéroport de Melbourne, si je n'avais pas tapé sur l'épaule d'un voyageur ou si j'avais tapé sur l'épaule d'une autre personne, je ne serais peut-être pas ici aujourd'hui pour cette interview. C'était une inspiration de l'instant.
Diriez-vous, comme Børge Ousland, l’emblématique explorateur Norvégien, que vous avez suivi votre « fil rouge » ?
On peut dire ça… Toutes les décisions que l’on prend nous mènent vers des connexions et des chemins mais avant tout, sur notre chemin. C’est le message que j’ai voulu transmettre récemment lors de la conférence française de la photographie : j’ai écrit mon histoire polaire en suivant mes inspirations, en prenant des décisions pour traverser douze années faites de voyages, de rencontres, de découvertes et d’expériences. Je me suis bien sûr penché sur les histoires des explorateurs dont je suivais les traces. Car l’apprentissage ne s’arrête jamais, il n’a pas de limite, il est infini. On se nourrit de leurs expériences, de leurs connaissances, de leur sagesse et de leur humilité. Et il faut en être digne.