Rencontres du troisième type
Créatures merveilleuses aux couleurs de l'arc-en-ciel, les myxomycètes, davantage apparentés aux amibes qu'aux moisissures, prospèrent dans les environnements humides du monde entier.
Lamproderma scintillans. Les pieds (stipes) de ce myxomycète, coiffés de sphères semblables à des bijoux, poussent sur le bord d'une feuille. Les photos réalisées par Andy Sands pour cet article ont saisi ces organismes lors de leur phase de reproduction, quand ils sont les plus faciles à repérer.
Ils ont l'air tout droit venus d'un autre monde. Certains se composent de courtes tiges coiffées de boules couleur saumon; d’autres s’étalent en masses mousseuses ou en toiles jaunes ramifiées.
Malgré leur spectaculaire apparence, ces amas colorés n’ont rien d’extraterrestre. Ce sont des myxomycètes, un mélange d’espèces diverses appartenant à de multiples groupes, dont certaines n’ont qu’un lointain lien de parenté. Ils font partie des amibozoaires, un vaste ensemble constitué d’organismes pour la plupart unicellulaires.
Ces créatures prospèrent dans les environnements humides du monde entier, comme les troncs en décomposition dans les forêts. Elles peuvent aussi émerger du paillis répandu dans vos plates-bandes. La mycologue Marie Trest, de l’université du Wisconsin à Madison, se souvient d’un été au cours duquel ils avaient moucheté son jardin.
Lorsqu’elle les arrosait avec sa fille, les spores éclataient, disséminant la génération suivante. « Nous avons donc fait pousser des myxomycètes tout l’été », dit-elle.
Les myxomycètes présentés ici ne se trouvent que dans le Buckinghamshire et l’Hertfordshire, deux comtés du sud de l’Angleterre. Ces organismes sont plus souvent identifiés en zone tempérée qu’en zone tropicale, dit Nikki Heherson Dagamac, écologue à l’université de Santo Tomas, aux Philippines. Le manque apparent de diversité dans les tropiques est dû à la chaleur et à l’humidité. Les myxomycètes, qui y prospèrent, sont donc rarement surpris dans leur spectaculaire phase de reproduction, ce qui rend difficile la détermination de nouvelles espèces.
Photos du haut, de gauche à droite : Enerthenema papillatum, Collaria arcyrionema, Badhamia sp., Arcyria pomiformis. Photos du bas : Badhamia utricularis, Hemitrichia calyculata, Tricia botrytis, Stemonitopsis typhina.
Il s’agissait ici de « vomi de chien », une espèce de mycétozoaire. Il passe une phase de sa vie sous forme de plasmode en quête de micro-organismes pour se nourrir et une autre à donner naissance à une masse (aethelium) porteuse de spores, aux couleurs et aux formes d’une incroyable richesse. Ce groupe comprend l’une des stars des myxomycètes : le blob, ou Physarum polycephalum.
D’un jaune vif, rampant avec ses pseudopodes gluants, il intrigue les scientifiques par son « intelligence » rudimentaire : bien que sans cerveau, il peut identifier le chemin le plus court dans un labyrinthe et se souvenir de lieux où trouver de la nourriture en les mémorisant dans les veines qui forment son corps.
Ces organismes restent nimbés de mystère. Pourquoi ces couleurs si intenses et cette variété de formes ? Combien d’espèces demeurent inconnues ?
« Une grande partie de la biodiversité sur Terre passe inaperçue et n’est ni inventoriée, ni étudiée », résume la mycologue Anne Pringle. Les myxomycètes nous rappellent d’une magnifique façon qu’un nombre incalculable de richesses attendent d’être découvertes.
Article publié dans le numéro 284 du magazine National Geographic. S'abonner au magazine