À la rencontre de la nouvelle génération de cowboys noirs américains
Avec ces images, la photographe Kennedi Carter souhaite mettre fin à un vieux stéréotype : non, les cow-boys ne sont pas uniquement des hommes blancs à cheval qui se battent contre des indigènes.
MaLana Lewis est montée sur son premier cheval à 5 ans. Elle a ensuite pris des cours de barrel racing (un slalom entre des barils) et a obtenu 24 premières places avec sa monture, Star. Sur cette photo de 2020, elle a 9 ans.
Retrouvez cet article dans le numéro 287 du magazine National Geographic. S'abonner au magazine
La première fois que j'ai vu un cavalier noir, j’avais peut-être 6 ans. J’en ai 24 aujourd’hui. J’ai grandi dans une banlieue de Durham, en Caroline du Nord, mais la famille de ma mère est originaire de Dallas et nous allions lui rendre visite, ce jour-là. Je me rappelle de ce moment comme de quelque chose d’incroyable : des cow-boys ! L’archétype de l’homme blanc sur un cheval, les batailles avec les Indiens : c’étaient les images qui m’étaient les plus familières à force d’aller au cinéma avec mes grands-pères. C’est pourquoi, il y a cinq ans, quand je me suis mise à la photo argentique, j’ai pensé qu’il serait intéressant de bousculer un peu ces histoires de cow-boys. Il est important d’élargir les limites de ce qui est perçu comme étant la « culture américaine », et de voir comment nous nous y inscrivons en tant que Noirs.
J’ai été emportée dans un tourbillon de sentiments en témoignant au nom de ces personnes. L’histoire des cowboys noirs américains est riche, mais, pour mon projet, j’utilise le mot « cavalier » – plus inclusif, me semble-t-il. Pendant un certain temps, je les ai observés sur le terrain, leur demandant si je pouvais les photographier ; je n’étais moi-même jamais montée à cheval, jusqu’à ce que je tente l’expérience lors d’une visite au dresseur Silas Plummer, à l’ouest de La Nouvelle-Orléans. Me suis-je sentie à l’aise ? Non. Mais, dans cette ville de Louisiane où mon grand-père est né, sa famille de métayers n’avait pas de voiture ; on peut donc imaginer qu’ils se déplaçaient avec des chevaux ou des mules. C’était très beau d’accomplir ce retour en arrière.
Cela dit, ce qui m’a le plus marquée dans ce travail avec tous ces cavaliers, c’est de les avoir sentis si vivants, sur le dos d’un cheval. Cette interaction avec les animaux, la nature, la terre est une des formes que peut prendre la liberté.
Le dresseur de chevaux Silas Plummer sort Kash des écuries Child’s Arena, à Bridge City, en Louisiane. Des cowboys aux pros des rodéos et aux jockeys, les Noirs, hommes et femmes, ont laissé leur empreinte dans de nombreux secteurs de l’équitation. Ainsi, on estime qu’un cowboy sur quatre était noir aux États-Unis, à la fin du XIXe siècle.
Trigger a été le premier cheval deVinsha Torain, quand elle a eu 13 ans. Aujourd’hui, la jeune femme travaille dans le ranch créé par son grand-père à Siler City, en Caroline du Nord. Elle dirige en même temps le club d’équitation du ranch des Torain, composé en majorité de cavalières noires.
Au début du XXe siècle, les communautés noires organisaient des fêtes et des rodéos dans les régions d’élevage de plusieurs États du Sud. Ici, des cow-boys participent à la Negro State Fair, en 1911, au nord de Bonham, au Texas. Cette foire annuelle offrait quatre jours de parades, de musique et de rodéos. Les cavaliers concouraient pour des prix de 2 à 50 dollars.
Nat Love, alias Deadwood Dick, est né esclave en 1854, dans une plantation du Tennessee. Après la guerre civile, il a gagné l’Ouest et a été gardien de bétail durant vingt ans. Son surnom lui vient de Deadwood, la ville du Dakota du Sud où il s’est illustré dans des compétitions de lasso et de tir.
Isom Dart, né esclave sous le nom de Ned Huddleston en 1849, dans l’Arkansas, a été abattu par un chasseur de primes en 1900. Cascadeur à cheval, mineur, cuisinier, voleur de chevaux et de bétail, il a été tué pour un prétendu vol, alors qu’il était revenu dans le droit chemin.
Jamel Robinson entraîne le cheval d’un client sur une piste à Siler City. Il a commencé l’équitation à 4 ans et le dressage équestre à 17 ans. Il prévoit de rester dans le métier, qu’il a appris de son père : « Les chevaux m’aident à me sentir bien mentalement. »